Coop propose depuis septembre une maison Minergie-P à moins de 300 000 francs. Cependant, allier économies et écologie suscite le débat.
Enquête.
Avec seulement 38% de propriétaires, la Suisse reste le pays d’Europe qui compte le plus de locataires. La situation va-t-elle changer avec l’arrivée de villas dites «low-cost»? Ces maisons dotées de structures préfabriquées en usine et en série peuvent être montées en quelques jours et permettent de réduire de plus de moitié la durée totale des travaux, soit des économies de plusieurs milliers de francs. Depuis septembre, Coop propose deux modèles en partenariat avec Elk, firme autrichienne leader du secteur en Europe. A des prix qui défient en apparence toute concurrence. «Coop souhaite faciliter l’accession à la propriété de familles modestes en leur proposant des maisons de standing élevé à bas prix, et poursuivre son engagement en faveur de l’écologie grâce au label Minergie-P», récite Sabine Vulic, porte-parole de Coop.
Non contente de proposer un premier modèle de 128 m2 au prix de lancement de 299 900 francs, Coop offre également dix ans de frais de chauffage, 10 000 francs pour une cuisine Fust et de 16 000 à 20 000 francs pour les aménagements intérieurs (carrelage, peinture, etc.). «Pour s’offrir une maison personnalisée malgré le recours au préfabriqué», indique Sabine Vulic.
L’idée ne date pourtant pas d’hier, si l’on en croit la quinzaine de firmes, souvent allemandes, présentes dans le village d’exposition de Suhr (AG). Le catalogue Schönes Wohnen contient même une maison de 128 m2 au «prix anniversaire» de 99 999 euros, tandis que chez Bien-Zenker, dix ans de chauffage sont offerts. La valse des visiteurs donne un bon indicateur de l’intérêt. Sabine Vulic: «Depuis un mois, plus de 1500 personnes se sont intéressées à nos modèles Minergie-P, et près d’un tiers des visiteurs viennent de Suisse romande.»
Il va de soi que le terrain n’est pas inclus dans les prix. «Un coût comme celui-ci ne veut d’ailleurs pas dire grand-chose, explique Guy Nicollier, président de la section vaudoise de la Société suisse des ingénieurs et des architectes (SIA). Il ne représente certainement qu’une partie des frais: ceux du bâtiment. Outre le terrain, il faut encore ajouter les travaux liés aux fondations et les taxes de construction. »
Somme doublée.
Les coûts annexes peuvent donc fortement varier (voir tableau cicontre). Par exemple en fonction du type de terrain et de sa répercussion sur les coûts de terrassement, comme l’indique Louis Binda, de la société Villatype, active dans la vente de villas clés en main depuis quarante ans: «Si la pose d’un radier simple ne coûte que de 5000 à 6000 francs, les prix peuvent grimper jusqu’à 40 000 ou 50 000 francs sur un sol rocheux. La pose d’un simple radier pour une maison préfabriquée n’est par ailleurs pas envisageable sur un terrain dont la pente excède 20% et la construction d’un sous-sol additionnel représente un surcoût de 60 000 à 100 000 francs.»
Avec l’acquisition du terrain, les travaux préliminaires et les aménagements extérieurs, auxquels s’ajoutent diverses taxes, la somme à investir peut donc doubler, voire tripler. Ce qui risque de compliquer la démarche d’obtention du crédit bancaire dans le cas où le déséquilibre entre le prix du bâtiment et celui du terrain devient trop important. Olivier Feller, directeur de la Chambre vaudoise immobilière, tempère donc son enthousiasme: «Toutes les mesures qui facilitent l’accession à la propriété ne peuvent que réjouir. Cette nouvelle offre, économique et respectueuse de l’environnement, paraît donc positive même si la réduction des coûts ne s’applique qu’au bâtiment et que le manque de terrains exploitables dans des régions telles que l’arc lémanique reste plus problématique.»
La possibilité d’allier économies et écologie grâce au label Minergie-P fait également débat. Etablie sur une base volontaire, la certification génère un surcoût de construction de l’ordre de 8 à 15% sur le prix total. Le label s’applique, lui, aux maisons dites passives, qui consomment annuellement moins de 300 litres de mazout par 100 m2. Une performance réalisable par l’optimisation de l’étanchéité et le recours aux apports solaires et métaboliques (machines, habitants, etc.) en matière de chauffage. Mais son apposition sur un modèle standardisé se révèle problématique: «Le contrat de construction de Coop précise que la réalisation du label Minergie-P ne se que fait lorsque les conditions nécessaires sont réunies, explique Franz Beyeler, directeur de l’agence Minergie. Le potentiel d’apports solaires, la présence d’ombres et la déclivité du terrain constituent des facteurs cruciaux. La volonté de le réaliser sur un produit en série est très ambitieuse. »
Avant de bénéficier de subventions (15 000 francs dans le canton de Vaud), toute construction achevée doit passer un test de pression qui évalue l’étanchéité. «Dans le cas de l’apposition de modules préfabriqués, l’obtention du certificat dépend du travail d’assemblage et des détails de jointure, ce qui peut se révéler délicat dans le cas d’un montage rapide», précise Luca Marcos, architecte au Service de l’environnement et de l’énergie (Seven) de l’Etat de Vaud.
Prudence.
Tout défaut met ainsi en question la possibilité d’une certification et la prudence est de mise: «La SIA reçoit fréquemment des plaintes pour malfaçons ou pour des finitions jamais achevées, explique Guy Nicollier. Le fait de choisir de telles maisons équivaut à acheter un produit et non une prestation, comme c’est le cas avec un architecte. Sur un produit standardisé, toute modification risque de générer un surcoût et le service après-vente peut parfois vraiment laisser à désirer.» Chez Elk, on se défend de négliger la qualité: «Nous pratiquons une politique de prix très transparente, les dimensions et les plans de chaque maison sont modifiables sans générer de surcoût, si ce n’est sur la base de la quantité de matériaux utilisée », explique Thierry Schuchter. Reste que les vertus écologiques d’un tel modèle ont de quoi susciter le débat, comme l ’admet Luca Marcos : «Construire une maison aux normes Minergie-P, tout en important ses composants d’Europe de l’Est par camion peut effectivement paraître paradoxal».
PRINCIPAUX FRAIS DE CONSTRUCTION POUR UNE MAISON COOP DE 128 M2
Catégorie de frais de construction (CFC)
Dépenses requises
Coût moyen
CFC 0
Terrain (acquisition, frais notariaux, inscription au Registre foncier, etc.)
Terrain de 100 m2: de 100 000 à 600 000 fr. ou plus selon localité Frais notariaux: env. 2% du prix du terrain
CFC 1
Travaux préparatoires (terrassement, honoraires d’architecte, de géomètre et d’ingénieur civil, etc.)
Radier: de 5000 à 50 000 fr. Sous-sol: de 60 000 à 100 000 fr. (selon type de sol)
CFC 2
Bâtiment
299 900 fr.
CFC 4
Aménagements extérieurs (jardin, garage, voie d’accès)
40 000 fr. environ (selon taille du terrain)
CFC 5
Frais secondaires (taxe de raccordement au réseau, honoraires et assurances)
Taxes de raccordement: 20 000 fr. environ
TOTAL
De 466 900 à 1071900 fr.
Egger Ph.