Les géants de l'alimentation développent des produits susceptibles d'avoir un effet bénéfique sur la santé. Nestlé vient de créer nouveau centre de recherche dans ce but. Radiographie d'un secteur à forte croissance.
Yaourt probiotique, margarine avec oméga-3 faible en matière grasse ou jus de fruit antioxydant: sur les étals des supermarchés fleurissent aliments et boissons qui promettent d’améliorer la santé. Connus sous le nom d’aliments fonctionnels, ou alicaments, ces produits représentent un secteur que les marques ne cessent de développer.
Nestlé investit par exemple dans les «Branded Active Benefits» (BABs). Des aliments ou des boissons avec des composants alimentaires physiologiquement actifs, censés influer positivement sur la santé. Jusqu’à aujourd’hui, plus d’une quinzaine de produits ont été développés. Ils proposent notamment d’améliorer la digestion, de renforcer les défenses immunitaires ou la croissance physique et mentale.
Et le groupe ne compte pas s’arrêter là. Il vient d’annoncer la création d’un nouveau centre de recherche, où il prévoit d’investir 500 millions de francs au cours des dix prochaines années. «Nestlé a notamment développé des laits enrichis avec du DHA, un acide gras appartenant à la famille des oméga-3, annonce Ferhat Soygenis, porte-parole de la multinationale suisse. Il est bénéfique pour le cerveau pendant la croissance de l’enfant.»
En 2008, les BABs ont généré des ventes pour 5 milliards de francs. «Ce secteur représente encore un petit pourcentage dans le domaine nourriture et boisson de l’entreprise, remarque Hilary Green, du département recherche et développement de Nestlé. Mais nous misons sur un programme de recherche qui étudie les atouts des ingrédients traditionnels chinois, et la manière dont nous pourrions les exploiter.»
La Chine pourrait apporter à Nestlé des découvertes inédites et rentables. Notamment avec la précieuse baie de goji, un petit fruit rouge et longiligne, très en vogue dans le secteur de l’alimentation fonctionnelle. «Actuellement, de nombreux fruits exotiques sont considérés comme des alicaments, souligne Kurt Hostettmann, professeur honoraire à l’Université de Genève et ancien directeur du Laboratoire de pharmacognosie et phytochimie. Et le goji est le dernier à la mode. Il contient des antioxydants, des vitamines et des caroténoïdes bénéfiques pour la santé. Dans la publicité, on prétend que c’est le fruit le plus nutritif et antioxydant au monde ainsi que le plus puissant aliment antivieillissement. De ce fait, des milliers de Suisses en consomment chaque jour. Cela représente un marché très lucratif.»
Ainsi, Coop propose un nouveau yaourt à base d’orange et de baies de goji. Quant à Hirz, il vend un laitage composé de grenade et de canneberge, deux fruits, qui sont aussi réputés pour leurs vertus antioxydantes. «On constate un engouement croissant des consommateurs pour les aliments fonctionnels, dû à un souci toujours plus marqué à l’égard de leur santé», rapporte Sabine Vulic, porte-parole de Coop. Pour exemple, le succès constant du produit Emmi Aktifit, à base de lait écrémé et de ferment lactique probiotique, destiné à stabiliser la digestion et renforcer les défenses immunitaires.
«Lancé en 1998, Aktifit était l’un des premiers aliments fonctionnels sur le marché et il reste très porteur, souligne Monika Senn, porte-parole d’Emmi. Cette durée de vie est particulièrement inhabituelle dans le secteur des produits laitiers de ce type.» L’entreprise poursuit d’ailleurs le développement de la branche qu’elle nomme Well Being. En 2008, elle a lancé Emminent, une boisson énergétique à base de lait probiotique, qui contient notamment de l’extrait de thé vert.
Les aliments fonctionnels se développent rapidement. Nestlé, Danone, Emmi: sur le marché des alicaments, on remarque une forte concurrence. «Il s’agit d’une réelle compétition internationale, note Jean-François Narbonne, professeur de toxicologie alimentaire à l’Université de Bordeaux. Il faut sans cesse sortir de nouveaux produits. En soi, les aliments fonctionnels ne sont pas nécessaires. Les produits naturels contiennent tout ce qu’il faut pour la santé. Même si certains alicaments semblent agir positivement sur l’organisme.»
Les directives européennes interdisent aux marques d’alléguer des effets sur la santé, si ces effets n’ont été scientifiquement prouvés par des études cliniques. Un peu comme cela se passe pour les médicaments. «Et dans ce contexte, relève-t-il encore, seuls les grands groupes ont les moyens de mener ces tests onéreux.»
Forte croissance de Nestlé Nutrition
Chez Nestlé, l’alimentation fonctionnelle est intégrée à la division Nutrition, qui comprend aussi la nourriture pour sportifs et pour bébés. Ce segment est très porteur. En 2009, il a généré un chiffre d’affaires de 9,9 milliards de francs.
«Avec une croissance de 10% et une marge stratégique de 20%, la division Nestlé Nutrition est particulièrement profitable à l’action Nestlé, surtout dans les marchés développés», relevait en début d’année Olivier P. Müller, analyste chez Credit Suisse.
Depuis sa création en 2005, Nestlé Nutrition connait un développement fort et rapide. Pour comparaison, l’ensemble de l’assortiment alimentation et boissons de Nestlé possède une marge stratégique de 13,9% seulement. Preuve, selon l’analyste, que c’est bien dans le domaine de l’alimentation fonctionnelle que la demande se renforce. Car, si Nestlé Nutrition représente environ 40% des ventes de l’entreprise, seuls 10% de celles-ci émanent de la branche nourriture pour bébés.
«Danone supplante Nestlé dans le segment de la nourriture pour bébés, note encore Olivier P. Müller, mais l’entreprise suisse s’impose largement sur son concurrent en ce qui concerne l’alimentation fonctionnelle.» Une bonne raison de miser sur elle.
Laureline Duvillard