Les mesures de politique des prix des médicaments prises par la Confédération font effet sur les médicaments protégés par un brevet, mais pas sur les médicaments génériques, selon les statistiques 2010 publiées mardi
«La différence est manifestement trop élevée. Il est nécessaire de renforcer les mesures pour réduire l’écart de prix des médicaments génériques entre la Suisse et les pays européens». Stefan Kaufmann, directeur de Santésuisse, l’organisme de défense des caisses maladie, salue les dernières mesures, dans ce sens, annoncées par Didider Burkhalter, ministre de la Santé, mais les juge manifestement insuffisantes.
La différence de prix, annoncée mardi à Berne sur la base d’une étude d’IMS commandée par Interpharma, se situe à 46%. La comparaison se base sur 179 substances actives vendues en Suisse et dans six pays européens: la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, les Pays-Bas, le Danemark et l’Autriche. Ce «panier» de pays est le même pris en compte dans la statistique concernant les médicaments brevetés. L’écart moyen de 46% inclut la faible différence française (- 18%) et les gros écarts avec les Pays-Bas (-71%) et le Danemark (-60%). «Ces deux derniers pays connaissent une situation exceptionnelle et déstabilisante pour les patients», constate Sven Krause, d’IMS. Selon lui, la vente de génériques conduit, dans ce cas, à une concurrence de «marchands de tapis». Elle est marquée par des «actions» et des changements drastiques de prix liés à la disparition rapide de certains emballages ou de certaines marques.
Christoph Stoller, directeur auprès de la filiale suisse de Teva, affirme que les prix nettement supérieurs en Suisse s’expliquent en grande partie par les conditions particulières du marché qui exige par exemple un assortiment de génériques nettement plus étendu et un étiquetage particulier
Pas d’importations parallèles
«Et si le marché suisse était si intéressant au niveau des prix pratiqués, il y aurait des importations parallèles, autorisées dans ce secteur des médicaments. Or il n’y en a aucune en Suisse», constate Christoph Stoller. Il met en garde les autorités contre les mauvaises expériences, pour la sécurité et le bien-être des patients, faites en Allemagne ou aux Pays-Bas. «Et puis, avertit Thomas Cueni, secrétaire général d’Interpharma, une pression trop forte sur les prix de l’ensemble des médicaments réduit les budgets de recherche et compromet l’innovation».
Les médicaments génériques, dont la prescription est conseillée mais pas obligatoire en Suisse, représentaient, en 2009, un marché de 449 millions de francs, soit 11,5% de l’ensemble des ventes au prix de production. Dès 2006, la Confédération a pris des mesures pour faire baisser les prix des médicaments qui perdent leur brevet. Une participation du patient, à hauteur de 20%, au lieu de 10%, est exigée si le prix n’est pas cassé. La baisse de prix d’un médicament qui vient de perdre son brevet doit atteindre 50% pour pouvoir bénéficier de la franchise minimum. Ce rabais passera à 60% dès 2012 et, dès juillet prochain, un examen plus régulier du marché améliorera la concurrence entre génériques et médicaments originaux hors brevet.
Chiffre d’affaires en baisse
Les prix comparatifs des médicaments brevetés se sont par contre nettement améliorés. Le prix suisse est 6% supérieur à la moyenne du «panier» européen de six pays. L’écart aurait été de 3 à 4% sans le renforcement du franc suisse face à l’euro. La différence se situait à 35%, en 2006.
Pour la première fois en Suisse, le chiffre d’affaires des médicaments livrés va diminuer. Les estimations d’IMS font état d’une réduction de 1,8% en 2010, soit des ventes au prix fabrique de 4,79 milliards de francs. La hausse avait atteint 3,4% en 2009, et 5,5% en 2008.
Willy Boder