L’instrument garantissant le prêt contracté pour l’acquisition d’un logement constitue «le titre le plus redoutable établi par le Code civil». Passage en revue du fonctionnement de cette garantie, de conditions de son activation et des précautions à prendre par les propriétaires
Tous ceux qui ont contracté un emprunt bancaire pour financer l’acquisition d’un bien immobilier se souviennent que ce prêt est garanti par un instrument mystérieux, appelé «cédule hypothécaire». Mais en quoi consiste exactement cette garantie?
D’apparence c’est un document au format A4, auquel la loi donne le rang de papier-valeur, émis et signé par le Registre foncier; il mentionne une dette d’un montant défini et l’immeuble mis en gage, le tout avec les armoiries de la Confédération et du canton. Sous cette apparence solennelle se cache probablement le titre le plus redoutable établi par le Code civil.
Le titre de la cédule hypothécaire contient nécessairement – et la loi en fait une règle impérative – deux éléments liés: une reconnaissance de dette et un droit de gage immobilier pour la couverture de cette dette:
Reconnaissance de dette:
C’est un peu la reine des preuves lorsqu’il s’agit de poursuivre un débiteur pour le recouvrement d’une somme d’argent. Fort de cette reconnaissance de dette, le créancier est dispensé d’une partie de la procédure de poursuites et s’épargne, en particulier, l’étape judiciaire visant à convaincre le juge du bien-fondé de sa prétention. En matière de cédule, la loi est encore plus stricte: la reconnaissance de dette ne peut comporter ni contre-prestation ni condition permettant au débiteur de se défendre. Celui-ci n’a principalement pour seule défense devant le juge que de rapporter la preuve de son paiement. C’est l’entier de son patrimoine personnel qui est engagé par cette reconnaissance de dette, et non pas seulement l’immeuble mis en gage.
Droit de gage immobilier:
Rappelons simplement que par ce droit le créancier peut demander la réalisation aux enchères du bien immobilier mis en gage, avec le privilège d’être payé en priorité sur le produit de réalisation.
La cédule étant ainsi constituée, examinons de quelle manière elle sera utilisée par les parties au moment du contrat de prêt initial qu’elles ont conclu.
Garantie directe:
Le contrat de prêt initial est intégré dans la cédule hypothécaire, il s’éteint par le mécanisme appelé «novation», soit l’extinction de la dette initiale suivie de la constitution d’une nouvelle dette. C’est la solution retenue en priorité par le Code civil de 1912. Mais la pratique s’est de plus en plus écartée de cette solution qui permet mal de tenir compte des changements intervenus au cours du contrat (modification du taux d’intérêts, amortissements partiels, etc.).
Garantie indirecte:
Le contrat de base conclu par le débiteur et son créancier subsiste et le titre de la cédule est remis au créancier à titre de gage mobilier. Le créancier n’est donc pas d’emblée propriétaire de la cédule, il n’a sur elle qu’un droit de gage. Il ne peut se prévaloir de la reconnaissance de dette qu’elle contient. Ainsi la créance de base conclue par les parties peut être d’un montant différent, contrairement à l’hypothèse d’une garantie directe. Mais en cas de défaut de paiement la situation du créancier est moins favorable: il doit dans un premier temps initier une procédure de recouvrement lui permettant d’acquérir aux enchères la propriété du titre de la cédule; dans une seconde procédure, il pourra faire valoir le droit de gage immobilier et faire ainsi procéder à la réalisation du bien. Les banques ont progressivement abandonné l’usage du nantissement des cédules hypothécaires, eu égard à ces procédures de poursuite allongées et plus onéreuses.
Garantie fiduciaire:
C’est depuis des années la formule la plus couramment utilisée par les banques. Un contrat de cession à titre fiduciaire est conclu par les parties en complément au contrat de prêt initial. Aux termes de ce contrat, la banque acquiert directement la propriété du titre hypothécaire et de la dette qu’il contient, mais avec l’engagement pris envers le débiteur de n’en disposer que pour recouvrer les montants qui lui sont effectivement dus en cas de poursuite, et à raison du contrat de prêt initial. Ainsi le débiteur peut remettre ce titre en garantie d’une dette moins importante que celle inscrite sur le titre, sachant que son créancier s’interdit d’en disposer au-delà du montant effectivement dû. De son côté, la banque évite les contraintes d’une double procédure en réalisation de gage.
On se doute bien que ces différentes constructions juridiques ont suscité une jurisprudence abondante. Sans les mentionner en détail, il semble important de souligner que la remise d’une cédule au créancier est un acte de disposition majeur, et il est primordial de déterminer à quelles conditions il pourra en disposer.
Mentionnons également le fait que la cédule hypothécaire, contrairement à l’hypothèque, peut être utilisée successivement pour des contrats différents.
Après le complet remboursement, le débiteur peut réclamer la restitution du titre hypothécaire. Il lui est alors recommandé de le conserver en lieu sûr (coffre bancaire, dépôt chez son notaire, etc.); en cas de disparition du titre – ce qui arrive malheureusement trop souvent en suite de décès du propriétaire –, il faut entreprendre une procédure judiciaire coûteuse qui durera plus d’un an pour radier du Registre foncier le titre disparu.
En cas de vente, il est prévu que la cédule ne sera pas radiée mais transférée au nouveau propriétaire qui pourra alors la réutiliser à son profit, avec l’avantage de ne pas devoir supporter les droits de mutation et autres frais liés à la constitution d’une nouvelle cédule. Le prix de cette cession peut être stipulé comme étant inclus dans le prix de vente de l’immeuble ou au contraire justifier le paiement d’une indemnité supplémentaire par l’acquéreur.
Enfin, la mise en circulation d’une cédule est susceptible de compromettre d’autres droits inscrits après sa constitution. Ainsi la remise en gage par le conjoint survivant d’une ancienne cédule hypothécaire inscrite sur la maison familiale peut aboutir à la radiation de son droit d’usufruit!
On le voit bien, le propriétaire doit être très attentif lorsqu’il remet un tel titre hypothécaire en circulation, et c’est pour cette raison que la loi exige que le contrat constitutif d’une cédule soit établi en la forme notariée.
* Notaire à Genève.
Reconnaissance de dette:
C’est un peu la reine des preuves lorsqu’il s’agit de poursuivre un débiteur pour le recouvrement d’une somme d’argent. Fort de cette reconnaissance de dette, le créancier est dispensé d’une partie de la procédure de poursuites et s’épargne, en particulier, l’étape judiciaire visant à convaincre le juge du bien-fondé de sa prétention. En matière de cédule, la loi est encore plus stricte: la reconnaissance de dette ne peut comporter ni contre-prestation ni condition permettant au débiteur de se défendre. Celui-ci n’a principalement pour seule défense devant le juge que de rapporter la preuve de son paiement. C’est l’entier de son patrimoine personnel qui est engagé par cette reconnaissance de dette, et non pas seulement l’immeuble mis en gage.
Droit de gage immobilier:
Rappelons simplement que par ce droit le créancier peut demander la réalisation aux enchères du bien immobilier mis en gage, avec le privilège d’être payé en priorité sur le produit de réalisation.
La cédule étant ainsi constituée, examinons de quelle manière elle sera utilisée par les parties au moment du contrat de prêt initial qu’elles ont conclu.
Garantie directe:
Le contrat de prêt initial est intégré dans la cédule hypothécaire, il s’éteint par le mécanisme appelé «novation», soit l’extinction de la dette initiale suivie de la constitution d’une nouvelle dette. C’est la solution retenue en priorité par le Code civil de 1912. Mais la pratique s’est de plus en plus écartée de cette solution qui permet mal de tenir compte des changements intervenus au cours du contrat (modification du taux d’intérêts, amortissements partiels, etc.).
Garantie indirecte:
Le contrat de base conclu par le débiteur et son créancier subsiste et le titre de la cédule est remis au créancier à titre de gage mobilier. Le créancier n’est donc pas d’emblée propriétaire de la cédule, il n’a sur elle qu’un droit de gage. Il ne peut se prévaloir de la reconnaissance de dette qu’elle contient. Ainsi la créance de base conclue par les parties peut être d’un montant différent, contrairement à l’hypothèse d’une garantie directe. Mais en cas de défaut de paiement la situation du créancier est moins favorable: il doit dans un premier temps initier une procédure de recouvrement lui permettant d’acquérir aux enchères la propriété du titre de la cédule; dans une seconde procédure, il pourra faire valoir le droit de gage immobilier et faire ainsi procéder à la réalisation du bien. Les banques ont progressivement abandonné l’usage du nantissement des cédules hypothécaires, eu égard à ces procédures de poursuite allongées et plus onéreuses.
Garantie fiduciaire:
C’est depuis des années la formule la plus couramment utilisée par les banques. Un contrat de cession à titre fiduciaire est conclu par les parties en complément au contrat de prêt initial. Aux termes de ce contrat, la banque acquiert directement la propriété du titre hypothécaire et de la dette qu’il contient, mais avec l’engagement pris envers le débiteur de n’en disposer que pour recouvrer les montants qui lui sont effectivement dus en cas de poursuite, et à raison du contrat de prêt initial. Ainsi le débiteur peut remettre ce titre en garantie d’une dette moins importante que celle inscrite sur le titre, sachant que son créancier s’interdit d’en disposer au-delà du montant effectivement dû. De son côté, la banque évite les contraintes d’une double procédure en réalisation de gage.
On se doute bien que ces différentes constructions juridiques ont suscité une jurisprudence abondante. Sans les mentionner en détail, il semble important de souligner que la remise d’une cédule au créancier est un acte de disposition majeur, et il est primordial de déterminer à quelles conditions il pourra en disposer.
Mentionnons également le fait que la cédule hypothécaire, contrairement à l’hypothèque, peut être utilisée successivement pour des contrats différents.
Après le complet remboursement, le débiteur peut réclamer la restitution du titre hypothécaire. Il lui est alors recommandé de le conserver en lieu sûr (coffre bancaire, dépôt chez son notaire, etc.); en cas de disparition du titre – ce qui arrive malheureusement trop souvent en suite de décès du propriétaire –, il faut entreprendre une procédure judiciaire coûteuse qui durera plus d’un an pour radier du Registre foncier le titre disparu.
En cas de vente, il est prévu que la cédule ne sera pas radiée mais transférée au nouveau propriétaire qui pourra alors la réutiliser à son profit, avec l’avantage de ne pas devoir supporter les droits de mutation et autres frais liés à la constitution d’une nouvelle cédule. Le prix de cette cession peut être stipulé comme étant inclus dans le prix de vente de l’immeuble ou au contraire justifier le paiement d’une indemnité supplémentaire par l’acquéreur.
Enfin, la mise en circulation d’une cédule est susceptible de compromettre d’autres droits inscrits après sa constitution. Ainsi la remise en gage par le conjoint survivant d’une ancienne cédule hypothécaire inscrite sur la maison familiale peut aboutir à la radiation de son droit d’usufruit!
On le voit bien, le propriétaire doit être très attentif lorsqu’il remet un tel titre hypothécaire en circulation, et c’est pour cette raison que la loi exige que le contrat constitutif d’une cédule soit établi en la forme notariée.
* Notaire à Genève.
Etienne Jeandin