Marquer de la tête n’arrange pas le cerveau. Plusieurs publications scientifiques attestent de dégâts observés dans le crâne de ces sportifs exposés à des chocs violents. Les pauvres! S’ils sont cher payés, ils payent très cher aussi les coups encaissés sur leur ciboulot
Les cerveaux des footballeurs sont ravagés par l’encéphalopathie traumatique chronique, pensent des spécialistes de la Faculté de médecine de Boston: «Leur cerveau se trouve exposé à des commotions, qui sont autant de blessures invisibles qui finissent par ronger les tissus cérébraux, notamment dans des zones qui contrôlent les émotions, les colères, le sommeil et l’hypersexualité.» Avec de telles pathologies, comment ne pas leur pardonner tous leurs excès?
Attention, la réalité est plus complexe, affirme un chercheur en neuroscience. Hans-Peter Thier explore non seulement les capacités intellectuelles mais aussi les processus moteurs des footballeurs. La gestion des mouvements est-elle vraiment beaucoup moins exigeante que les prestations cognitives d’un joueur d’échec?
«L’activité cérébrale requise pour jouer aux échecs est transposable sans problème dans un programme informatique relativement simple. En revanche, les performances que réalisent notre cerveau pour le guidage des mouvements sont prodigieuses», explique-t-il (Die Zeit, 20.1.2011). Pour parvenir au but en dribblant trois adversaires, il se passe infiniment plus de choses dans la tête du footballeur que dans celle du joueur d’échec.
Comment un footballeur utilise-t-il donc ses «bits», à quoi doit-il penser? «Il ne s’agit pas ici de penser. Penser est un processus conscient. Dans la mobilité, ce qui se passe l’est inconsciemment.» Le dicton «bête mais shoote bien» n’est donc pas remis en question par le professeur de l’université de Tübingen qui précise: «Lorsque l’on parle de quelqu’un de bête, on se limite à ce que nous associons à de la réflexion, au raisonnement conscient, à de l’argumentation rationnelle. Or, la bêtise n’est qu’un déficit partiel de performance. Si on prend en compte l’ensemble des informations traitées par le cerveau, alors la partie occupée par la motricité inconsciente occupe un volume beaucoup plus grand.»
Ainsi, le cerveau d’un attaquant comme Lionel Messi traite naturellement une énorme quantité d’informations. Aucun robot ne peut rivaliser avec lui. Grâce à la flexibilité, il intègre, avant d’ajuster un tir mortel, des données relatives au gazon, à la température de l’air, au positionnement des joueurs ou à sa propre fatigue. La localisation de ces facultés motrices se trouvent essentiellement dans le cortex cérébral.
Quant au trait de génie capable de planifier le déroulement idéal de la passe qui tue, il relève de la mise en oeuvre d’un coprocesseur qui pallie au manque de précision du cortex. C’est le cervelet. Il intervient alors pour finaliser de tels projets.
Dès lors, l’équipe suisse de football, incapable de trouver samedi dernier le chemin du but à Sofia, plutôt que de payer très cher son entraîneur, ne devrait-elle pas songer à faire appel à un neurologue qui sélectionnerait les joueurs selon d’autres critères?
Geneviève Grimm-Gobat