La crise nucléaire s'est aggravée hier au Japon après une nouvelle explosion et un incendie à la centrale de Fukushima, où les accidents se succèdent depuis le violent séisme de vendredi qui a probablement fait plus de 10 000 morts. Le niveau de radioactivité dans la région a dangereusement augmenté. Qualifiant l'accident d'«apocalypse», le commissaire européen à l'Energie Günther Oettinger a estimé que les autorités locales avaient presque perdu le contrôle de la situation dans la centrale.
La centrale atomique de Fukushima a été le théâtre hier de deux nouvelles explosions et d’un incendie. Le niveau de radioactivité a augmenté jusqu’à Tokyo provoquant de la panique chez les habitants.
Des brèches sont apparues dans l’enceinte extérieure du bâtiment du réacteur 4, selon l’opérateur du site nucléaire de Fukushima, à 240 km au nord de Tokyo. De la radioactivité a été libérée dans l’atmosphère.
Une zone d’exclusion aérienne a été instaurée au-dessus de la centrale. Le premier ministre japonais Naoto Kan a demandé à la population de rester chez elle dans un rayon de 30 km autour de la centrale. Cent quarante mille personnes doivent rester confinées.
«La possibilité de nouvelles fuites radioactives se renforce», a déclaré M. Kan, appelant la population au calme. Les deux nouvelles explosions d’hier, dans les réacteurs 2 et 4, s’ajoutent aux deux qui s’étaient produites depuis samedi dans les réacteurs 1 et 3 en raison d’une accumulation d’hydrogène.
400 millisieverts par heure
Le niveau de radiation près du réacteur 4 a atteint 400 millisieverts (mSv) par heure. Une exposition à plus de 100 mSv par an peut engendrer des cancers, selon l’Association nucléaire mondiale.
L’explosion a provoqué un incendie dans un bassin de rétention de combustible usagé, un incendie éteint, a expliqué l’exploitant de la centrale, Tepco. L’entreprise va tenter d’injecter de l’eau dans les deux ou trois jours.
Le niveau de radiation serait devenu trop élevé dans la salle de contrôle du réacteur pour permettre aux ingénieurs de travailler normalement. Tepco a évacué 750 employés du site de Fukushima, où il ne reste plus actuellement que 50 ingénieurs et techniciens.
Scènes de panique à Tokyo
A Tokyo, les autorités ont déclaré que le niveau de radiation était hier dix fois plus élevé que la normale, ce qui ne constitue pas un risque pour la santé. Les 35 millions d’habitants du grand Tokyo n’ont pas besoin de prendre des précautions particulières, a rassuré le gouvernement. Mais les habitants de Tokyo se sont tout de même rués dans les magasins pour acheter des vivres et des produits de première nécessité, comme des bougies ou des sacs de couchage.
Des ambassades ont recommandé à leur personnel et à leurs ressortissants de quitter les zones touchées. Des compagnies aériennes ont entrepris de réorienter, réduire ou supprimer leurs vols à destination du Japon. Les multinationales demandent à leur personnel expatrié de quitter le pays ou de s’éloigner de Tokyo.
Des médias, notamment français, ont décidé de rapatrier leurs envoyés spéciaux au Japon en raison des risques encourus. Sept personnes travaillant pour France Télévisions ont déjà quitté le Japon et cinq autres devraient partir aujourd’hui.
Quant aux correspondants des médias suisses, certains tentent de quitter le pays, d’autres se contentent de s’éloigner de la zone sinistrée du nord-est. L’ambassade de Suisse à Tokyo, elle, a décidé de rester ouverte, malgré l’incertitude sur les conséquences des rejets radioactifs.
180 milliards de dollars
Les secouristes, dont des Suisses, continuent de s’affairer dans les régions touchées par le séisme et le tsunami, dont le coût financier pourrait atteindre finalement 180 milliards de dollars.
Environ 850000 foyers dans le nord du Japon restent privés d’électricité, alors que la région connaît une vague de froid. Au moins un million et demi de foyers sont aussi sans eau courante.
Des dizaines de milliers de personnes sont toujours portées disparues. Le dernier bilan des victimes fait état de 3313 décès. Les autorités évoquent une estimation d’au moins 10000 morts. Depuis vendredi, 450000 habitants ont été évacués du fait du séisme et du tsunami, et 80 000 autres à cause du risque nucléaire.
«Apocalypse»
«La situation est extrêmement grave», a clamé le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé. Quant au commissaire européen à l’Energie, Günther Oettinger, il a qualifié l’accident nucléaire d’«apocalypse ». Il a estimé que les autorités locales ont presque perdu le contrôle de la situation dans la centrale de Fukushima.
Les pays de l’Union européenne ont décidé hier d’effectuer en 2011 des tests de résistance de leurs centrales nucléaires, selon M. Oettinger. Plusieurs pays tiers, dont la Suisse, sont invités à participer à ces tests, mais également aux travaux préparatoires.
ATS