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samedi 24 septembre 2011

L'armée gèle son projet d'antenne au Moléson

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Au sommet de la montagne chère aux Fribourgeois,
la nouvelle gare du futur téléphérique ne plaît déjà pas à tout le monde...
Vincent Murith



Hier matin, le préfet de la Gruyère stoppait les travaux. Dans l’après-midi, le Département de la défense annonçait le gel du projet jusqu’à l’année prochaine. Pour voir si des améliorations sont possibles.

Le Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS) a gelé son projet d’antenne du Moléson. Les travaux sont reportés à l’année prochaine: «Afin d’examiner les améliorations qu’il est possible d’apporter au projet initial», explique un communiqué de presse diffusé hier après midi.

Cet ajournement fait suite aux multiples réactions suscitées par la volonté du DDPS d’ériger un mât de 40 mètres à proximité de la station du téléphérique, volonté révélée jeudi par la RSR et «La Gruyère» (notre édition d’hier). C’est également la réponse du ministère d’Ueli Maurer à la décision prise hier matin par le préfet de la Gruyère, qui a ordonné l’arrêt des travaux. Car selon Maurice Ropraz, la procédure simplifiée choisie par le DDPS pour concrétiser son projet – qui dispense de toute mise à l’enquête et exclut la consultation des autorités locales – n’est pas adéquate. «Je doute que le projet réponde aux exigences de la procédure simplifiée», déclarait-il hier devant la presse.




Le coup de fil d’Ueli Maurer

Si le DDPS considère avoir respecté ladite procédure, il n’en a donc pas moins décidé de reporter les travaux à 2012. Un premier succès pour les autorités fribourgeoises, qui vont maintenant être consultées, ainsi que le confirme, satisfait, le conseiller d’Etat Georges Godel: «Ueli Maurer m’a appelé à 14 heures pour m’informer de sa volonté de discuter avec les parties concernées.» Et c’est bien ce contact que recherchait Maurice Ropraz avec son ordonnance d’hier: «Il fallait une mesure forte pour obliger le DDPS à discuter. L’effet escompté est atteint», se félicitait-il en fin de journée, un peu surpris de l’évolution fort rapide du dossier. Et le magistrat de préciser que l’interdiction prononcée hier reste toutefois valable.

Une décision nulle

Car le préfet considère que «les conditions prévues pour l’application d’une procédure simplifiée ne sont pas réunies». Selon lui, la décision du DDPS est «entachée de vices qui laissent présager sa nullité», écrit-il dans son arrêt.

Et Maurice Ropraz de relever que la procédure simplifiée s’applique «aux projets qui affectent un espace limité et ne concernent qu’un ensemble restreint et bien défini de personnes». Ce qui n’est pas le cas en l’espèce, estime-t-il: «Le projet prévu aura à l’évidence un impact considérable et sera clairement visible pour la population», soutient-il dans sa décision. Avant de compléter: «Cela touchera à mon sens un nombre indéfini de personnes!»

D’autre part, la loi stipule que la procédure simplifiée s’applique aux constructions qui n’ont que des «effets minimes sur l’aménagement du territoire et l’environnement». Ce qui, encore une fois, selon le préfet, ne sera pas le cas.

Le DDPS ne commente pas la décision du magistrat gruérien. «Mais sans doute arguera-t-on que je n’ai pas les compétences pour m’occuper des ouvrages militaires», devine Maurice Ropraz. A voir. Mais peu importe puisque, au final, le but visé est atteint: «Je voulais surtout éviter que cette antenne soit installée. Il aurait alors été extrêmement difficile de revenir en arrière.»

Ce premier acte joué, les négociations vont pouvoir commencer. Et plutôt rapidement: «Une délégation fribourgeoise, dont je serai, a rendez-vous lundi après midi avec Ueli Maurer», rapporte Dominique de Buman. «Nous devons trouver une solution pour que cette antenne s’insère mieux dans le paysage», insiste le conseiller national PDC, par ailleurs président de la Fédération suisse du tourisme et des Remontées mécaniques suisses. Avant de conclure: «L’esthétique est primordiale dans ce dossier. Une chose est sûre, on ne peut pas se permettre d’avoir un lampion japonais là-bas en-haut!»

Députation solidaire

Christian Levrat pense pour sa part que le DDPS cédera: «Je suis confiant, car toute la délégation fribourgeoise à Berne est du même avis. Nous savons travailler ensemble lorsque les intérêts de la région sont en jeu!» Il n’empêche, le conseiller national socialiste estime qu’il ne faut pas relâcher la pression populaire. Il est impératif selon lui de récolter le plus possible de signatures – tous partis confondus – contre l’érection de l’antenne honnie: hier en fin de journée, une pétition circulant sur internet (www.sauvons-le-moleson.ch) en avait déjà recueilli plus de 2200… I


«Le Rigi de la Suisse occidentale»

FRANCOIS MAURON*

«Du Moléson, on y voit ma maison.» Tout le monde a vu une fois cette publicité à la télévision, dont le slogan vante «le plus beau panorama de Suisse romande». Inconsciemment sans doute, les responsables de la station de Moléson-sur-Gruyères jouent avec un mythe qui veut que, depuis la fin du XVIII e siècle, leur belvédère n’est pas un sommet comme les autres. Et probablement que les hauts cadres du Département fédéral de la défense, majoritairement alémaniques, ignoraient que le Moléson – surnommé par les écrivains du XIX e siècle le «Rigi de la Suisse occidentale» – a, de ce côté-ci de la Sarine, un petit quelque chose de sacré, qu’il est ce que les historiens appellent un «lieu de mémoire».

Au cours de son existence, l’être humain ne s’est jamais réellement intéressé à la montagne avant la seconde moitié du XVIII e siècle. Auparavant, il en avait une vision plutôt négative, celle d’un monde oppressant et dangereux. Tout change donc après 1750. Des écrivains se mettent à célébrer les Alpes, cette nature sauvage à laquelle on confère, désormais, une beauté esthétique. C’est le début du tourisme en Suisse, et les voyageurs tiennent souvent des écrits exaltés sur ce qu’ils découvrent. Peu d’entre eux passent par la Gruyère, et les Préalpes fribourgeoises restent ignorées. A l’exception du Moléson, mentionné dans plusieurs textes de l’époque comme l’un des rares objets de la curiosité des voyageurs.

Au siècle suivant, dans la foulée des touristes étrangers, les élites fribourgeoises prennent soudain conscience de l’existence de leurs propres montagnes. Le Moléson acquiert un statut particulier, il devient «une des montagnes les plus remarquables du canton parce qu’elle élève sa cime au-dessus de toutes les autres» et qu’elle «offre une des vues les plus étendues de Suisse», selon Franz Kuenlin (1832). Et tant pis s’il existe des sommets plus élevés sur l’autre versant de l’Intyamon. Le Moléson est désormais le «Rigi fribourgeois», on en fait un symbole de la Gruyère, de tout le canton même, et c’est tout naturellement qu’en 1871, la section locale du Club alpin suisse prend son nom.

Glorifié par les intellectuels du cru, le «géant des Alpes gruyériennes» (colonel Perrier, 1881) devient la référence du tourisme naissant dans la région. D’aucuns voudraient y construire un hôtel, «comme au Rigi». Mais ces velléités sont sans suite, d’autant plus que l’heure est à la défense du patrimoine naturel, à la «Heimatschutz». Au début du XX e siècle, trois demandes de concession sont déposées à Berne pour ériger un chemin de fer sur le Moléson. Cela provoque un tollé, un peu comme l’antenne de l’armée aujourd’hui. Il n’y aura pas de train sur l’emblème gruérien, qui garde «sa sauvage grandeur» (Pie Philipona, 1906).

Pas de chemin de fer, certes, mais un téléphérique. Après 1945, il ne s’agit plus de préserver la nature, mais de rattraper le retard en matière touristique. Les remontées mécaniques sont construites dans les années 1960. Dans le même temps, l’image du Moléson est vendue au commerce, et on la retrouve notamment fortement associée aux produits de l’industrie agroalimentaire fribourgeoise. Le symbole demeure toutefois, à peine écorné par les stigmates de la modernité. De là à lui flanquer un énorme phallus de fer, il y avait tout de même un pas que l’armée a osé franchir. I

*L’auteur a rédigé un article historique intitulé «Le Moléson. Le Rigi de la Suisse occidentale», paru dans «Les Annales fribourgeoises» en 1997.


«On a quasiment poussé l’armée à s’installer là»

PROPOS RECUEILLIS PAR AURÉLIE LEBREAU

Avec le Moléson, l’armée suisse n’en est pas à son coup d’essai en matière d’installations d’antennes. Destinés à la navigation aérienne militaire et civile, ces mâts – chapeautés d’une grosse ogive ou d’un lampion japonais, selon les différentes appréciations – composent un nouveau système de radars. Le Chasseral, le Mont-Cunay – qui a finalement remplacé le site du Mont-Tendre dans le Jura vaudois – , mais aussi le Titlis ou le Rigi en sont déjà équipés.

Roman Hapka, directeur suppléant et responsable romand de la Fondation suisse pour la protection et l’aménagement du paysage, s’est battu contre toutes ces antennes. Le Broyard, par ailleurs candidat Vert au Conseil national et au Grand Conseil, partage cette expérience avec «La Liberté».

Avant le Moléson, le projet de l’armée d’installer une antenne similaire au Mont-Tendre avait déjà fait couler beaucoup d’encre...

Roman Hapka: En mai 2010, l’armée a convoqué associations et organisations non gouvernementales pour nous présenter le projet. Comme au Moléson, les travaux devaient débuter les jours suivants. Nous avons immédiatement fait recours à la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud. L’effet suspensif nous a été accordé et Ueli Maurer a rapidement prononcé un moratoire d’une année. Dans le même temps, Pro Natura, le WWF, le Club alpin suisse et notre fondation avions aussi fait recours auprès du Tribunal administratif fédéral.

Mais la grande différence d’avec le Moléson, c’est que le Mont-Tendre figure à l’Inventaire fédéral du paysage et Pro Natura y possède une réserve. Le problème du Moléson, c’est que le canton n’a jamais voulu le classer parce que cela posait problème avec le développement touristique. Et en poursuivant ce développement, on a quasiment poussé l’armée à s’installer là!

Vous battrez-vous avec autant d’ardeur pour le Moléson?

Cette fois, ce n’est pas aux associations environnementales de monter au créneau les premières. On y perdrait notre légitimité: se battre pour une montagne qui n’est pas protégée et sur laquelle le bâti est important? Non. Ce sont aux autorités cantonales d’agir. Ce qui s’est aussi passé dans le canton de Vaud pour le Mont-Tendre.

Pour ce cas-là, une association, «Sauvons le Mont-Tendre», avait été créée. La mobilisation citoyenne peut-elle jouer un rôle important?

Oui. Des milliers de personnes s’étaient rapidement inscrites à l’association. Il y avait également eu des manifestations au Mont-Tendre. A la fin, l’armée avait invité les associations impliquées à Bière pour nous dire qu’elle avait trouvé une solution de remplacement au Mont-Cunay, où il y avait déjà des installations de Skyguide (ndlr, Skyguide n’est pas impliqué dans le projet du Moléson). Et nous avions clairement senti à ce moment-là que l’armée avait peur pour son image.

Selon vous, quelles sont les chances que l’armée renonce à son mât de 40 mètres sur le Moléson?

Au niveau du droit, il n’y a aucune chance. Après, il y a l’aspect technique. Peut-elle le mettre ailleurs, par exemple sur le Gibloux, qui a déjà cet émetteur sur son sommet? Le problème ici, c’est que le sommet alpin fribourgeois le plus construit, c’est bien le Moléson! Pour que l’armée abandonne son projet, il faudra donc qu’elle puisse mettre son antenne ailleurs et que la mobilisation populaire et politique soit telle que son image en pâtisse.

Cela fait des années que nous tentons oppositions et recours contre ces antennes militaires et nous nous sommes faits ramasser! Au Titlis et au Rigi – qui sont des exemples très proches du Moléson – nous avions fait opposition et ça n’a pas marché. Parce qu’il y avait des restaurants sur les sommets, comme ici. Et les antennes y sont! Dans le fond, on ne peut pas en vouloir à l’armée puisqu’elle a choisi des sites déjà construits…

Que vous inspire cet énième dossier?

C’est peut-être l’occasion de nous interroger sur notre patrimoine paysager préalpin. Il y a une pesée des intérêts très importante. Pourquoi réagissons-nous si fort pour le Moléson, qui est pourtant le sommet le plus atteint par des infrastructures? Serions-nous prêts à sacrifier d’autres sommets? Si cette antenne devait être posée sur le Vanil-Noir, cela nous poserait-il moins de problèmes?

Autre réflexion. Il y a une question que la droite doit se poser. Ne serait-il pas temps d’adapter la loi fédérale, en tout cas pour les installations militaires qui sont visibles? Et que l’armée soit forcée de passer par les procédures normales, que nous connaissons tous? Bien sûr, il y aurait des oppositions, mais au moins, il y aurait un dialogue. Et l’on devrait trouver des solutions ensemble. I

Säntis et Rigi:pas des exemples!

THIERRY JACOLET

Le sang gruérien de Jean-François Rime n’a fait qu’un tour à l’annonce de l’installation d’une «cheminée» de 40 mètres sur le toit du Moléson. Le conseiller national UDC est vite monté aux barricades. Un peu trop précipitamment, à vrai dire. «On ne peut pas faire ce genre de choses sur le Moléson», décochait-il dans notre édition d’hier. «Il y a en Suisse des montagnes particulières comme le Säntis et le Rigi. Et le Moléson en fait partie.» Vraiment? Un petit tour sur internet et Google images lui aurait permis de se rendre compte comment on traite les montagnes «sacrées» du côté de Lucerne et d’Appenzell: un émetteur radio de 120 mètres trône au sommet du Säntis ( photos dr: en haut) et un autre de 95 mètres sur le Rigi. Ça promet pour le Moléson! Et si Jean-François Rime n’est pas convaincu par l’image, il peut toujours se rendre au Rigi pour constater les dégâts: la station émettrice ouvre ses portes au public aujourd’hui.

Patrick Pugin


L’horreur dans la montagne

Moléson défiguré. Moléson violé. Moléson outragé. Eriger un mât de 40 mètres de hauteur sur le sommet mythique du canton de Fribourg en se camouflant derrière l’écran de fumée d’une procédure spéciale? Le stratagème peu loyal de l’armée fait tousser toute une région. Y compris le préfet qui organise la contre-offensive sur arrière-fond de campagne électorale. Derrière lui se sont engouffrés tous les partis politiques comme dans une croisade de la préservation du patrimoine, droite et gauche confondues.

Face à un tel feu de barrage, un sursis d’un an a été accordé. Ropraz: 1; Maurer: 0. Un vice de procédure viendra-t-il sauver ce sommet si cher aux Fribourgeois? Mais s’il est si cher à leur cœur, pourquoi l’a-t-on déjà affublé d’un bunker métallique? Il fallait bien une station d’arrivée au nouveau téléphérique, rétorquera-t-on. Fallait-il l’ériger à cet endroit et briser le subtil équilibre de ses lignes sommitales? Le mauvais roman qu’écrivent les chantres du développement touristique est déjà très avancé. Ils savent aussi que la protection d’un site bloque tout développement.

Au lieu de penser attractivité et canons à neige, n’y aurait-il pas plus urgent: protéger le magnifique patrimoine naturel dont le canton a hérité? Cette même protection qui a permis au Mont-Tendre d’éviter l’outrage de l’hideuse antenne de l’armée. L’horreur dans la montagne ne fait que commencer.

Pierre-André Sieber

La Liberté.ch