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dimanche 22 janvier 2012

Le Titanic, un sujet de fond

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L’historien fribourgeois Gérard A. Jaeger analyse le naufrage le plus célèbre de tous les temps.

Il est exactement 23h39, le 14 avril 1912 au large de Terre-Neuve. Dans le poste d’observation perché à quinze mètres au-dessus du pont du Titanic, le matelot Frederick Fleet écarquille les yeux façon boules de billard. Iceberg droit devant! La suite de l’histoire, le monde entier la connaît. Ou du moins pense la connaître, a fortiori depuis la sortie, en 1997, du film onze fois oscarisé de James Cameron. Spécialiste de l’histoire maritime et des navigateurs, le Fribourgeois Gérard A. Jaeger est allé au-delà des mythes et légendes entourant le fait divers le plus marquant du XXe siècle. L’historien installé depuis une trentaine d’années à Paris, dont il aime s’échapper pour gagner son pied-à-terre de Corbières, vient de publier un livre passionnant, décortiquant la tragédie sous toutes ses coutures et rectifiant nombre d’idées reçues.

Il s’est notamment appuyé sur une riche documentation, réunie avec l’aide de sa collaboratrice Béatrice Alvergne, et s’est rendu sur les lieux associés à l’histoire du Titanic:le chantier naval de Belfast où il a été construit, Londres, où l’entrepreneur William James Pirrie et James Bruce Ismay, directeur de la White Star Line, ont décidé en 1907 de lancer une nouvelle classe de paquebots géants conçus pour surpasser la concurrence américaine. Et New York, que le colosse des mers aurait dû rejoindre si son voyage inaugural s’était déroulé comme prévu…



L’ombre froide de la fatalité

Les lecteurs avides de révélations fracassantes pourraient être déçus: Gérard A. Jaeger ne dévoile pas la cause du naufrage du Titanic. Forcément, car il n’y en a pas vraiment. «Cette catastrophe est la conséquence d’une succession de malchances. Il s’agit, selon moi, d’un épiphénomène de l’Histoire», explique l’auteur.

Est-ce à dire qu’il n’y a pas de coupable? Que le capitaine Edward John Smith, davantage occupé à faire le mondain parmi les passagers de première classe qu’à piloter son navire, a fait tout juste? Que son officier de quart William McMaster Murdoch, qui a ordonné la manœuvre d’évitement de l’iceberg dont l’issue allait s’avérer catastrophique, n’a rien à se reprocher? Que l’ingénieur naval Thomas Andrews n’a pas commis d’erreur dans la conception du navire?Bref, que la noyade de près de 1500 personnes – sur 2208 passagers et membres d’équipage – dans les eaux glacées de l’Atlantique est due à la fatalité?

Cela paraît inconcevable à l’heure où tout drame implique la mise au pilori d’un coupable. En 1912 déjà, l’opinion publique, échauffée par le retentissement médiatique de la première grande catastrophe humaine répercutée dans le monde entier, avait choisi les siens. Pour les Américains, qui avaient perdu beaucoup de concitoyens dans le naufrage, c’est Joseph Bruce Ismay qui était tout désigné.

Le tort du patron de la White Star Line, qui avait embarqué sur le Titanic comme «simple» passager de première classe? Avoir survécu. Ce qui lui vaudra d’être décrit comme un couard, par opposition au capitaine Smith, au premier lieutenant Murdoch et à l’ingénieur Andrews, qui ont tous eu le bon goût de disparaître dans les flots. Une rumeur, sans doute infondée, prétendra qu’Ismay avait mis le capitaine Smith sous pression en l’incitant à faire accélérer le navire pour battre un record. A l’inverse, Edward John Smith sera décrit comme un véritable héros, ayant sauvé un bébé de la noyade avant de s’abîmer dans la mer avec son bateau. Peu vraisemblable.



Réhabilitation posthume

Côté anglais, les critiques se sont focalisées sur Stanley Lord, le capitaine du Californian, un navire américain qui croisait dans les parages du drame, et aurait trop tardé avant de venir au secours des naufragés du Titanic. «On lui a reproché sa lâcheté, alors qu’il a fait ce que toute personne normale aurait fait à sa place», constate Gérard A. Jaeger. A savoir ne pas foncer proue en avant à travers un champ de glace, au risque de heurter un iceberg et de sombrer avec tout son équipage. Lord ne sera réhabilité que bien après sa mort, lorsqu’il s’est avéré que l’épave du Titanic– localisée en 1985 – se trouvait à des dizaines de milles de l’endroit où l’on avait initialement situé le naufrage. Et que le Californian était donc en réalité bien plus éloigné des lieux du drame que ce qui avait été prétendu.



Le secret des profondeurs

Alors, à qui la faute? Dans la tragédie du Titanic, il n’y a pas de Francesco Schettino (le capitaine irresponsable et gaffeur ayant récemment provoqué le naufrage du Costa Concordia au large des côtes italiennes) à blâmer. Après plus d’une année de recherches, Gérard A. Jaeger en est convaincu: «La catastrophe du Titanic n’est pas due à la désinvolture ou à un excès de confiance de la part des navigants. Le capitaine Smith pouvait être confiant, car il se trouvait, objectivement, à bord du meilleur bateau du monde.» La présence d’un banc de glace à l’endroit du naufrage était totalement inhabituelle en cette période de l’année.

Quid de la manœuvre d’évitement ratée du premier lieutenant Murdoch, qui a causé une déchirure longitudinale de la coque condamnant le navire?«Vouloir éviter l’iceberg était un réflexe tout à fait naturel, cela ne lui a jamais été reproché.» Mais il est vrai que s’il avait foncé droit dans la masse de glace, le Titanic aurait sans doute été sauvé… Quoi qu’il en soit, la tragédie conservera à tout jamais sa part de mystère: la section endommagée de la coque est enterrée sous les sédiments, inatteignable, par 4000 mètres de fond. Et y restera pour l’éternité. I

Gérard A. Jaeger, Il était une fois le Titanic, Ed. L’Archipel, 336 pp.



Une manne pour les cinéastes

La tragédie du Titanic a inspiré, ces cent dernières années, de nombreux cinéastes. Et l’œuvre de James Cameron ne constitue, si l’on ose dire, que la pointe de l’iceberg de la vaste filmographie dédiée à l’infortuné géant des mers. A la fin de son ouvrage, Gérard A. Jaeger en dresse d’ailleurs l’inventaire. A peine un mois après le naufrage, le réalisateur Etienne Arnaud sortait Rescapée du Titanic, un film muet tourné avec l’actrice américaine Dorothy Gibson, alors âgée de 23 ans, qui se trouvait à bord du paquebot et en avait réchappé.

Le 17 août 1912, quatre mois après la catastrophe, c’est une équipe de cinéastes allemands qui prenait le relais avec Dans la Nuit et la Glace, réalisé par le Roumain Mime Misu.

Atlantique (ou Atlantik en version allemande), sorti en 1929, est le premier film parlant consacré au drame. Alfred Hitchcock y participe en tant que figurant. La White Star Line, estimant qu’il portait préjudice à la compagnie, a tenté en vain d’empêcher sa sortie. Le film sera finalement diffusé avec un avertissement soulignant son caractère fictif. La propagande nazie s’est également emparée de la catastrophe. Commandé par Joseph Goebbels en 1942, Titanic met en scène des responsables Anglais sans scrupules, dont la veulerie est contrebalancée par le courage d’un officier et de passagers de troisième classe… allemands bien sûr.

C’est en 1953 que sort la première superproduction hollywoodienne consacrée au plus célèbre naufrage de l’histoire. Sobrement intitulé Titanic lui aussi, le film réalisé par Jean Negulesco remporte l’oscar du meilleur scénario original. Suivra, cinq ans plus tard,A Night to Remember (en version française: Atlantique, Latitude 41), un film de Roy Baker. Tourné en 2010, Titanic II n’a été distribué qu’en DVD. Le film raconte le naufrage d’un paquebot imaginaire. Toute ressemblance, etc.

Marc-Roland Zoellig
La Liberté