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dimanche 22 janvier 2012

Nestlé est à nouveau dans le viseur

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Partout dans le monde, comme au Pakistan, Nestlé fait main basse sur l’exploitation du marché de l’eau. dr





Le documentaire «Bottled Life», présenté demain à Soleure, démontre la manière dont Nestlé «transforme de l’eau en or». Le géant de Vevey accepte enfin de prendre position.

Les prochains rendez-vous de Nestlé avec l’actualité risquent de se transformer en «malencontreux hasards» dégageant une image peu reluisante. Mardi s’ouvre, à Lausanne, le procès contre le géant alimentaire et la société de surveillance Securitas, pour espionnage à l’encontre du mouvement Attac. Le 28 janvier au WEF de Davos, Peter Brabeck, président de Nestlé, est invité à s’exprimer sur le thème de l’eau dans une discussion sur la pénurie d’or bleu dans le monde. Or, ce dimanche, un documentaire suisse présenté aux Journées cinématographiques de Soleure montrera comment Nestlé contribue à assécher des sources d’eau potable dans le monde pour commercialiser une eau en bouteille inconnue en Suisse, «Pure Life». D’où le titre du documentaire «Bottled Life» («La vie en bouteille», ou plutôt «La vie embouteillée»?) réalisé par le cinéaste Urs Schnell et le journaliste Res Gehriger.

Quand Nestlé subit des critiques, c’est pour le lait en poudre, le chocolat, le cacao ou sa surveillance d’organisations critiques. On n’avait pas encore entendu parler de l’eau. Qu’est-ce qui vous a mis sur cette piste?

Urs Schnell: Je voulais me pencher sur la thématique de l’eau, un bien qui est beaucoup plus important que le pétrole, quand, en 2006, j’ai entendu parler des mouvements de citoyens aux Etats-Unis contre Nestlé. On n’avait presque jamais parlé, en Europe, de résistance américaine à un groupe dont de nombreux Suisses sont si fiers. J’ai découvert que Nestlé réalisait près de dix milliards de chiffre d’affaires dans le monde avec l’eau en bouteille et que leur nouvelle marque, «Pure Life», développée en 1997, était distribuée dans quelque 30 pays, surtout dans les pays du Sud où l’eau potable est un bien rare. Mais «Pure Life» n’est évidemment pas gratuite...

Mais dans plusieurs Etats américains, dont le Michigan, le Colorado, le Maine, les habitants se battent contre Nestlé, qui y a acheté de grandes surfaces de terrains et pompe de l’eau dans différentes sources–contrairement à l’eau de ses autres marques comme Vittel, Perrier ou San Pellegrino, qui proviennent d’une source unique–avant de la mettre en bouteille et de la vendre, dans le cas de la «Poland Spring», comme «eau de source», selon un accord obtenu en 2003. Possédant la matière première, le groupe fait des profits mirobolants avec la mise en bouteille d’une eau enrichie d’une recette de sels minéraux dont elle a le secret de fabrication. Partout dans le monde, au Brésil, au Pakistan, au Nigeria notamment, Nestlé essaie d’acheter les terrains avec les sources, ou d’autres entreprises en possession de droits, pour exploiter de l’eau…

Vous dites que les messages publicitaires sont très efficaces…

Le succès repose sur une stratégie qu’il faut bien qualifier de brillante: tout le discours «life style», développé par Perrier puis repris–en même temps que la marque–par Nestlé dans les années 90, en l’enrichissant d’arguments hygiéniques du type «il faut boire tant de litres d’eau par jour», ont fait chuter aux Etats-Unis la consommation de boissons sucrées et littéralement fait exploser les ventes de bouteilles d’eau. En 2008, en revanche, une baisse est intervenue, probablement en raison des mouvements citoyens qui ont fini par obtenir quelques succès.

Les autres groupes de boissons, comme Pepsi ou Coca-Cola, pratiquent-ils différemment?

Nestlé a été plus malin que Coca-Cola et Pepsi, qui eux mettent en bouteille l’eau sortant des robinets. Nestlé possède les sources! Or, il y a déjà pénurie d’eau dans plus de vingt Etats américains. En détenant la matière première, Nestlé est parfaitement équipé pour l’avenir. Les transports aux Etats-Unis couvrent déjà de longues distances. Nestlé exporte aussi «Pure Life» du Pakistan–qui était le marché test et où la nappe phréatique a déjà diminué–vers l’Afghanistan.

Nestlé a refusé de vous répondre et d’ouvrir ses usines à vos équipes de tournage. Avez-vous aussi subi des pressions?

Les prises de vue n’ont pas été faciles. Dans le Maine, une agence de relations publiques a joué au chat et à la souris avec nous. Le journaliste Res Gehriger a été ennuyé au Pakistan. Mais certains commentaires en Suisse alémanique nous accusent aussi de vouloir «descendre» Nestlé. D’autres pensent que nous avons été trop gentils, pas assez «Michael Moore». Notre but n’était pas de critiquer pour critiquer, nous voulions connaître les raisons d’un succès aussi phénoménal.

Tout le discours du groupe sur les «valeurs partagées», la responsabilité sociale et le respect de l’environnement, ce n’est que du vent?

Cela ne correspond en tout cas pas, dans les cas où nous avons enquêté, à la réalité. I

Sortie du film: 25 janvier en Suisse romande, 26 janvier en Suisse alémanique
http://www.bottledlifefilm.com



La réaction de Nestlé

Le service de communication de Nestlé a répondu par écrit à nos questions:

«Nestlé n’utilise que 0,005% des prélèvements mondiaux d’eau douce et Nestlé Waters seulement 0,0009%. Il n’est pas dans l’intérêt de nos activités à long terme de mal gérer les ressources en eau que nous exploitons et nous nous sommes engagés à gérer ces ressources de manière responsable.

Notre secteur eaux embouteillées n’est pas en concurrence avec les approvisionnements en eau publics, la principale source d’eau potable pour toute population.

»L’eau Nestlé «Pure Life» a d’abord été lancée au Pakistan en 1998 en tant que boisson à prix abordable s’adressant aux familles à revenu moyen à la recherche d’une eau saine.

»Il nous arrive parfois d’acheter des terrains lorsque nous pensons que c’est la seule façon d’atteindre nos objectifs de préserver la qualité originelle de la ressource de toute pollution extérieure, à condition que l’acquisition soit possible. Nous payons toujours une taxe aux collectivités locales directement en fonction des quantités prélevées.

»Nestlé est un leader reconnu dans le débat visant à rétablir la balance entre le prélèvement d’eau et la disponibilité d’eau de sources naturelle. Nestlé est, entre autres, membre fondateur du CEO WATER MANDATE (CWM) du Pacte mondial des Nations Unies depuis juillet 2007.

»Nous avons décidé de ne pas participer à «Bottled Life», car nous avions la forte impression que le film serait unilatéral et ne représenterait pas la société et ses collaborateurs de manière équitable. Nestlé reste ouvert à une participation à des discussions et à des projets où les deux parties ont une chance égale de présenter leur point de vue. Ce que nous savons du film confirme notre impression initiale.»



CRITIQUE

Eau en bouteille: l’histoire de l’arroseur arrosé

CHRISTOPHE KOESSLER, LE COURRIER

NESTLÉ • Le documentaire suisse «Bottled Life» met en cause vertement le commerce de l’eau pratiqué par Nestlé. Certaines pratiques priveraient même des populations d’eau potable, comme au Pakistan.

Nestlé est désormais le leader mondial du commerce de l’eau en bouteille. Le précieux liquide représente aujourd’hui environ 10% du chiffre d’affaires de la firme et génère plus de 650 millions de francs de bénéfices. Peter Brabeck, directeur général de la multinationale helvétique, en a fait son cheval de bataille. Et utilise ce produit pour vanter la responsabilité sociale et environnementale de la firme. Qu’en est-il? Nestlé, qui détient plus de 70 marques, mène-t-elle vraiment une politique éthique? Tel est le point de départ de l’enquête menée par le réalisateur Urs Schnell et le journaliste Res Gehriger dans «Bottled life». Ils nous emmènent de l’Ethiopie au Pakistan, en passant par le Nigeria et les Etats-Unis. Après une entrée en matière un peu poussive, le film s’avère vite captivant. A voir dans les salles obscures du pays à partir de mercredi.

C’est au Pakistan que les conséquences des pratiques de Nestlé s’avèrent les plus problématiques. Près de Lahore, la fabrique de Sheikupura pompe des millions de litres d’eau de la nappe phréatique pour sa marque, très en vue, «Pure life», destinée aux classes moyennes et hautes de la capitale. Mais voilà, depuis l’installation de l’usine, le village voisin a vu le niveau de ses puits baisser drastiquement. Au point que l’eau prélevée par ses habitants est devenue le plus souvent impropre à la consommation, causant maladies et semant la mort chez les enfants. Les villageois, qui ne peuvent d’ailleurs se payer le luxe d’acheter de l’eau en bouteille, ont décidé de réagir en adressant une pétition à l’intention de Nestlé. Leur demande: l’installation d’une conduite d’eau depuis l’usine pour alimenter le village. Ou à défaut le forage d’un puit.

La firme helvétique a tout simplement refusé. Pendant ce temps, la petite bourgeoisie de Lahore profite de l’image soignée de l’eau «Pure Life», conquise par un marketing omniprésent: «Pour beaucoup de jeunes, c’est devenu la mode d’avoir une bouteille «Pure Life» à la main. Ça leur donne un statut social. On se profile ainsi comme une personne moderne, soucieuse de sa santé. Une manière d’adhérer à la jet-set pakistanaise», analyse Ehsan ul Haque, professeur en marketing à l’université.

Même stratégie aux Etats-Unis où Nestlé a acheté la marque «Poland Spring», l’eau en bouteille la plus bue dans le pays. Sponsor officiel du marathon de New York où le breuvage incolore à l’étiquette verte est distribué gratuitement aux coureurs. Cette eau est puisée à l’extrême nord de la côte est, dans l’Etat du Maine, où Nestlé a acheté de nombreux terrains. Coût de l’opération pour la firme: le prix du terrain et les impôts sur la propriété du sol. L’eau est gratuite. «Pourtant, chacune des cargaisons des camions citernes sortant de l’usine rapportera 50000 dollars à Nestlé une fois vendue sur les étalages des magasins», assure la voix off.

Fatigués du bal incessant des camions et préoccupés par l’impact de ce prélèvement sur l’environnement, les nappes et les lacs, de nombreux habitants sont entrés en résistance. Une lutte menée principalement par des femmes. «L’eau est un bien fondamental, pas une marchandise. C’est pourquoi nous nous sommes unis avec des amis et voisins. Nous voulons empêcher Nestlé de débarquer ici pour pomper l’eau à tout va», explique à la caméra Denise Carpenter, assistante médicale et agricultrice, à Newfield. Une bataille qui s’avérera ardue. Deux victoires historiques seront pourtant au rendez-vous pour les opposants. Et le documentaire de conclure: «A qui appartient l’eau sur notre planète?»

Ariane Gigon
La Liberté