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mercredi 15 février 2012

14 février 842 : Louis le Germanique et Charles le Chauve (petit-fils de Charlemagne) se prêtent serment d'assistance mutuelle

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À la mort de Louis le Pieux en 840, son fils aîné Lothaire Ierrevendique l'empire au détriment de ses frères Louis le Germanique et Charles le Chauve qui se liguent contre lui. Le 24 juin 841, Lothaire est défait lors de la bataille de Fontenoy.




Pour les contemporains, il s'agit d'un "jugement de Dieu" : un seul homme ne doit plus régner sur un si vaste empire. Il convient donc que Charles et Louis passent un véritable accord politique, un traité d'alliance entre égaux. Ce furent les Serments, prononcés à Strasbourg le 14 février 842, par lesquels ils se reconnaissent des territoires : la partie francophone pour Charles, le domaine germanophone pour Louis. Comme c'est la langue qui détermine le partage, et pour être compris de tous, les rois prêtent serment en langue vulgaire : le roman pour Charles, le tudesque (1) (germain) pour Louis. Entre ces deux ensembles linguistiques, une longue bande de terre s'étirant du Nord au Sud est dévolue à Lothaire qui lui laissera son nom, la Lorraine, et deviendra à la fin du Moyen Âge le puissant duché de Bourgogne. Ce partage en trois parts à peu près équivalentes est entériné par le traité de Verdun en 843.

C'est Nithard, petit-fils de Charlemagne et cousin des princes qui, dans son Histoire des fils de Louis le Pieux, consignera les Serments de Strasbourg dans les deux parlers employés. Jusque-là, l'écriture était entièrement latine. Ainsi ce texte est-il à la fois le premier rédigé en français et le premier rédigé en allemand.

(1) Le mot tudesque vient de l'adjectif germanique tiudesc, qui signifie "populaire". Cette racine se retrouve aussi dans le mot tiudesc-Land qui signifie le "pays du peuple". Au fil du temps, il se transformera en Deutschland, nom actuel de l'Allemagne.



Ergo XVI. kal. marcii Lodhuuicus et Karolus in ciuitate quae olim Argentaria uocabatur, nunc autem Strazburg uulgo dicitur, conuenerunt et sacramenta quae subter notata sunt, Lodhuuicus romana, Karolus uero teudisca lingua iurauerunt. Ac sic, ante sacramentum circumfusam plebem alter teudisca, alter romana lingua alloquuti sunt. Lodhuuicus autem, quia maior natu, prior exorsus sic coepit.

[...] Pro Deo amur et pro christian poblo et nostro commun saluament, d'ist di in auant, in quant Deus sauir et podir me dunat, si saluarai eo cist meon fradre Karlo, et in aiudha, et in cadhuna cosa, si cum om per dreit son fradra saluar dist. In o quid il mi altresi fazet. Et ab Ludher nul plaid nunquam prindrai qui meon uol cist meon fradre Karle in damno sit.

Quod cum Lodhuuicus explesset, Karolus teudisca lingua sic hec eadem uerba testatus est.

In Godes minna ind inthes christianes folches, ind unser bedhero gealtnissi, fon thesemo dage frammordes so fram so mir Got geuuizci indi madh furgibit so haldi htesan minan bruodher so so man mit rehtu sinan bruher scal, in thiuthaz er mig so soma duo, in di mit Luheren in nohheiniu thing ne gegango, theminan uuillon immo ce scadhen uuerhen. [...]



Le 14 février 842, Louis et Charles se réunirent dans la cité autrefois nommée Argentaria, et qu'on appelle aujourd'hui Strasbourg dans le parler local ; ils prêtèrent les serments qui suivent, Louis en roman, Charles en tudesque [...]

"Pour l'amour de Dieu, pour le peuple chrétien et pour notre salut commun, je jure que dorénavant, autant que Dieu m'en donnera savoir et pouvoir, je secourrai mon frère Charles que voici, lui apportant aide et toute chose, comme on doit secourir son frère selon le droit, à condition qu'il fasse de même à mon égard. Avec Lothaire, je ne tiendrai aucun plaid qui de ma volonté puisse porter tort à mon frère Charles que voici."

Quand Louis eut terminé, ce fut au tour de Charles de prêter le même serment en langue tudesque.
"Pour l'amour de Dieu, pour le peuple chrétien et pour notre salut commun, je jure que dorénavant, autant que Dieu m'en donnera savoir et pouvoir, je secourrai mon frère que voici, lui apportant aide et toute chose, comme on doit secourir son frère selon le droit, à condition qu'il fasse de même à mon égard. Avec Lothaire, je ne tiendrai aucun plaid qui de ma volonté puisse porter tort à mon frère Louis."

Egger Ph.