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jeudi 1 mars 2012

Berne s’écrase devant Washington

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Le Conseil national s’apprête à lâcher du lest face au fisc américain pour préserver sa place financière. Reste que la guerre au secret bancaire a déjà débuté il y a 40 ans.

Le démantèlement du secret bancaire suisse est loin d’être une nouveauté. Les Etats-Unis s’y concacrent depuis plus de quarante ans. En 1968, le Conseil fédéral accepte d’ouvrir des négociations avec les Etats-Unis pour régler une situation de nature, dit-il, «à troubler sérieusement les relations entre les deux pays». Déjà à l’époque, le sujet qui fâche, ce sont les «banques suisses» utilisées «de façon abusive». C’est «l’entraide en matière fiscale» qu’il faut absolument accorder aux Etats-Unis. Et c’est le risque que «le secret bancaire, déjà critiqué» ne soit universellement «mis en cause» si Berne refuse.

En l’occurrence, les clients encombrants des banques suisses pour lesquels les Etats-Unis demandent la levée du secret bancaire sont d’un type très particulier Il s’agit de grands patrons de la mafia! Soupçonnés par Washington de cacher en Suisse «leurs gains considérables». Et pour lesquels des enquêtes fiscales (avec levée du secret bancaire) constituent souvent «le seul moyen d’amener les responsables du crime organisé devant des tribunaux».

C’est ce que l’on appelle l’échange automatique d’informations

Les discussions seront longues et difficiles mais la Suisse acceptera finalement que dans ces affaires, le secret bancaire soit désormais levé également en cas de soupçon de fraude fiscale. Jusqu’alors un tabou absolu.

La fraude devient délit

Le Traité d’entraide judiciaire conclu à cette occasion – et qui entre en vigueur en 1977 – encourage même Berne à faire un pas de plus. En 1978, en effet, la Suisse décide que la fraude fiscale sera désormais considérée comme un délit criminel – avec levée du secret bancaire en cas d’enquête – dans sa propre législation et plus seulement dans ses rapports avec l’Amérique (voir ci-après).

Par la suite, et surtout à partir des années 90, les Etats-Unis continueront à jouer un rôle important dans le démantèlement progressif du secret bancaire. Notamment par le biais de conventions fiscales conclues avec la Suisse.

Les fréquentes récriminations de la France (socialiste ou sarkozyste), de l’Allemagne et de l’Union européenne joueront certes aussi un rôle. Et la Suisse devra lâcher du lest en rapport avec l’évolution de la criminalité internationale (législation sur le blanchiment d’argent). Mais sans les pressions américaines (spécialement en liaison avec l’affaire UBS), le démantèlement ne serait jamais allé aussi vite.

La loi FATCA

On notera à cet égard que la plus grosse concession jamais faite par la Suisse dans ce domaine – l’acceptation que l’entraide administrative internationale puisse désormais être accordée aussi en cas de soupçon d’évasion fiscale – date de mars 2009. C’est-à-dire à un moment où, à cause de l’affaire UBS, la tension était à son comble entre la Suisse et les Etats-Unis. Et ce n’est pas fini puisqu’en vertu de la future loi américaine sur les comptes étrangers (FATCA) – qui entrera en vigueur en 2013 – les banques suisses seront quasiment contraintes (dans leur intérêt) de renseigner entièrement les Etats-Unis sur les avoirs de leurs clients assujettis aux impôts américains.

C’est de facto ce que l’on appelle l’échange automatique d’informations. Et Berne, qui tolère la chose lorsqu’elle est pratiquée par les Etats-Unis, aura toujours plus de peine à la refuser à Bruxelles. I

La révolution de 1978

Le 1er janvier 1978, le Conseil fédéral met en vigueur une loi qui punit désormais aussi de l’emprisonnement celui qui aura trompé le fisc en recourant «à des documents faux, falsifiés ou inexacts».

C’est une petite révolution car jusqu’alors, la fraude fiscale est considérée comme un délit «de gentlemen» puni uniquement par amende et n’autorisant pas la levée du secret bancaire en cas d’enquête.

«Les délits fiscaux graves comme l’escroquerie fiscale» écrit à ce propos le Conseil fédéral dans son message au parlement «sont moralement tout aussi condamnables que l’escroquerie de droit commun». Et il n’y aurait aucune raison de punir moins sévèrement «des manquements aussi importants à l’égard de la collectivité».

Lors du débat au parlement (nous sommes en 1977 et décidément, l’histoire se répète), la gauche propose que l’on criminalise également (avec possibilité de lever le secret bancaire) la simple soustraction fiscale (évasion), c’est-à-dire le fait de ne pas déclarer un revenu. Au Conseil national, la proposition est rejetée par 90 voix contre 57. MW

L’espoir d’un règlement global

Depuis que la cheffe du Département des finances Eveline Widmer-Schlumpf a dévoilé les grandes lignes de sa stratégie de l’argent propre, mercredi passé, le suspense était retombé. La conseillère fédérale a réussi à s’attirer les bonnes grâces de la gauche, si bien que seule l’UDC a continué à se battre contre l’adaptation de la Convention de double imposition(CDI) avec les Etats-Unis. Résultat: le Conseil national s’apprête à s’aligner sur la position du Conseil des Etats. Il est entré hier en matière par 116 voix contre 51. Faute de temps, la discussion de détail a été renvoyée à lundi.

Principale différence par rapport aux CDI conclues avec d’autres Etats: l’entraide administrative ne s’applique pas seulement à des contribuables déterminés. Le texte autorise des demandes d’information groupées.

Un arrêt du Tribunal administratif fédéral a ouvert la porte aux demandes groupées émanant des Etats-Unis. Le président du parti libéral radical Fulvio Pelli se satisfait tant bien que mal de cette mesure. Il la voit comme un outil de négociation, sachant que onze banques suisses encourent des poursuites pénales pour avoir encouragé leurs clients à frauder le fisc américain. Le PLR et le PDC ont reçu d’Eveline Widmer-Schlumpf l’assurance que la CDI révisée n’entrerait en vigueur que lorsque qu’une solution globale serait dégagée. L’UDC va plus loin en réclamant l’inscription de cette condition dans la loi. Très remonté, Christoph Blocher souligne que ce n’est pas la première fois que la Suisse est mise sous pression par les Etats-Unis. «Devons-nous aider les autres pays à remplir leurs caisses vides en affaiblissant notre secret bancaire?»

La gauche place le débat sur un autre plan. Pour le président du PS Christian Levrat, la Suisse ne peut pas se permettre de voler périodiquement au secours de banques délictueuses. Elle doit édicter des règles de comportement. A cet égard, le PS salue la stratégie de l’argent propre annoncée par le Conseil fédéral. Il souligne qu’il maintiendra la pression pour qu’elle ne reste pas lettre morte. Cette stratégie repose sur une auto-déclaration de conformité fiscale des clients étrangers et une obligation de diligence accrue pour les banques. Au risque de décevoir la gauche et les Verts, Eveline Widmer-Schlumpf affirme que «ce n’est pas le premier pas vers un échange automatique d’information; c’est une alternative».

CHRISTIANE IMSAND

Michel Walter
La Liberté