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Les élèves de sixième année primaire fribourgeoise sueront sur leurs copies les 26 et 27 mars.
vincent murith
Chaque année, quelque 2600 élèves de 6e année passent la PPO pour aller au cycle d’orientation. Test parfois stressant pour les élèves, les parents et les maîtres.
Il y a eu le TAC qui en a fait trembler plus d’un. Aujourd’hui, il y a la PPO qui en fait suer beaucoup. Trois lettres qui ne disent peut-être pas grand-chose à ceux qui n’ont pas d’enfant. Et pourtant. La procédure de pré-orientation, que l’on appelait test d’aptitudes et de compétences jusqu’en 2005, est un passage obligé pour les écoliers fribourgeois. Ils sont environ 2600 élèves de sixième année à subir, chaque année à la fin mars, deux jours d’examens qui se déroulent en classe.
Un passage de l’école primaire au cycle d’orientation (CO) basé sur quatre examens d’environ une heure chacun en français, allemand, mathématiques et environnement. Objectif:déterminer dans laquelle des trois sections existantes au CO – prégymnasiale, générale ou exigences de base – l’élève sera orienté.
«C’est un mauvais moment à passer», explique une maman dont le fils a passé l’épreuve il y a un an. Et de préciser:«La pression est importante pour ces enfants qui sont âgés en moyenne de 12 ans. De plus, c’est un système élitiste fondé sur les notes et la performance et qui ne tient pas forcément compte de la personnalité de l’élève.»
Cette Fribourgeoise se souvient que son fils n’en menait pas large les jours précédant le fameux examen. «Certains paniquent complètement!Ce n’est pas évident pour un enfant de cet âge de donner le meilleur de lui-même durant deux jours sans forcément comprendre tous les enjeux», explique-t-elle.
Trop tôt en mars
C’est qu’une très mauvaise note à la PPO peut faire basculer l’orientation d’un élève. Ainsi, un enfant affichant d’excellentes notes durant l’année scolaire, mais qui se «plante» sérieusement à l’épreuve, devra régater pour effectuer ses trois années d’école secondaire en prégymnasiale.
«Il faut relativiser!L’avis de l’enseignant, comme celui des parents ainsi que les notes durant l’année scolaire, comptent également. On peut ainsi donner sa chance, sous certaines conditions, à un élève qui perd ses moyens. Il pourra dès lors faire un essai dans une section. Nous l’avertissons cependant que ce ne sera pas facile… Il a aussi la possiblité de passer dans une autre section en cours de route et à condition qu’il obtienne les notes requises. Tout cela est finalement très compliqué», indique Gaétan Emonet, président de la Société pédagogique fribourgeoise francophone (SPFF) qui n’hésite pas à qualifier la PPO de sujet «brûlant».
Il en veut pour preuve le sondage lancé en 2010 par la SPFF. «Nous avons reçu 110 réponses d’enseignants, ce qui est assez représentatif. A la question de savoir s’ils sont favorables à la PPO, 55% d’entre eux ont dit non. C’est un peu embêtant…»Parmi les reproches formulés figure la période durant laquelle a lieu l’examen. «Beaucoup estiment que mars, c’est trop tôt. Il faut parfois se dépêcher de terminer le programme.»
Ils se sentent contrôlés
Le contenu des épreuves est également pointé du doigt. «Celle concernant l’environnement est pointue car elle contient des analyses de cartes et de documents, entre autres, qui ne sont pas aisées», ajoute Gaétan Emonet. Et de faire ce constat: «On sent que les enfants sont stressés et les parents aussi! Tout dépend de l’état d’esprit de l’enseignant. Pour ma part, je ne parle jamais du test à mes élèves lorsqu’ils sont en cinquième année.»
Agé de 12 ans et demi, Samuel, lui, a déjà entendu parler de la PPO à la fin de la cinquième année. A moins de deux semaines du grand jour, le jeune élève de l’école de la Vignettaz à Fribourg ne stresse pas trop. Il faut dire qu’il affiche une moyenne d’environ 5,5 qui devrait logiquement le conduire tout droit en prégymnasiale. «Je me dis simplement que ce sera une grosse évaluation. Nous en avons d’ailleurs fait à blanc pour nous exercer», explique-t-il, tout en remarquant que deux ou trois copains de classe sont quand même stressés par cet examen. Pour se rassurer, certains n’hésitent pas à suivre des cours de soutien.
Un petit coup de pouce…
La pression est également bien présente du côté des enseignants, qui ont souvent l’impression que la Direction de l’instruction publique contrôle leur travail. Selon le président de la SPFF, il n’est d’ailleurs pas rare qu’ils aient des remarques de l’inspecteur suivant les résultats de leur classe. «Il me semble qu’il faut faire confiance aux maîtres qui connaissent leurs élèves car ils les suivent durant les deux dernières années primaires. C’est notre boulot de savoir dans quelle section devrait être dirigé l’élève!»
Le hic, c’est que l’enseignant peut parfois être tenté d’aider ses élèves lors de l’épreuve qui se déroule en classe. «Je ne cache pas que cela peut arriver; 64% des sondés ont d’ailleurs estimé que le système est juste et impartial», relève le président de la SPFF.
Au final, il ressort de ce questionnaire que les enseignants seraient davantage en faveur d’une abolition de la PPO. Certains sont toutefois d’avis que le test constitue une épreuve neutre bien utile lors de divergences avec les parents d’élèves. Cela peut rassurer des maîtres qui font face à des parents qui veulent à tout prix que leur enfant soit dirigé en prégymnasiale, dixit Gaétan Emonet.
L’idéal? Se baser sur les notes de l’année et sur une discussion avec les parents. «Le problème, c’est que ces épreuves ne changent pas vraiment la donne et ne servent donc pas à grand-chose: 99% des enseignants disent que la PPO ne les a pas fait changer d’avis quant à l’orientation d’un élève», conclut Gaétan Emonet.
La procédure se base sur une observation attentive des élèves
La PPO, ou procédure de pré-orientation, ce n’est pas seulement deux jours d’examen. Non, c’est un peu plus compliqué… «Les épreuves que passent les élèves dans le cadre de la PPO ne constituent qu’une étape de la procédure et représentent un indicateur qui sera combiné avec d’autres. Il s’agit d’une procédure qui tient compte des observations conduites sur les deux dernières années primaires», insiste la Direction de l’instruction publique, de la culture et du sport. Mise en place depuis l’année scolaire 2005-2006, la procédure de pré-orientation se base donc sur une observation «attentive» des élèves durant la cinquième et la sixième primaire. Les notes du troisième semestre du cycle 5P-6P (soit fin janvier de la sixième année) sont prises en compte. «Les épreuves passées à la fin mars ne sont pas destinées à tester l’entier des connaissances et compétences des élèves, mais doivent donner un reflet significatif», poursuit la DICS.
Concrètement, l’enseignant détermine, en se basant sur les notes du premier semestre et celles des évaluations, le type de classe qui correspond au mieux au degré de maîtrise démontré par l’élève. Il tient également compte de l’attitude de ce dernier face au travail et aux apprentissages scolaires. Puis, en avril, un entretien a lieu entre l’enseignant, l’élève et les parents qui ont reçu, au préalable, les résultats de l’examen. «Parents et enseignants échangent leurs observations, Ces regards croisés permettent d’élargir la réflexion. A l’issue de l’entretien, les parents indiquent s’ils partagent ou non la proposition de l’enseignant», note encore la DICS. Chaque situation d’élève est ensuite analysée dans une séance de travail réunissant l’enseignant, l’inspecteur primaire et le directeur du CO qui débouche sur une proposition de pré-orientation qui est communiquée aux parents. En cas de désaccord, c’est la direction du CO qui prend la décision qui peut faire l’objet d’un recours.
Environ 2600 élèves issus de toutes les classes de sixième année primaire du canton passent chaque année un tel examen. L’année passée, 36% ont été pré-orientés en section prégymnasiale, 43% en classe générale et 21% dans le type de classe à exigences de base. Parmi ce 21%, il faut compter 3% des élèves de classe de développement.
Les Alémaniques ont quant à eux une pratique différente. Alors que leurs camarades romands passent deux jours d’épreuves en français, allemand, mathématiques et environnement, les élèves de langue allemande comptent un seul jour d’examen comportant deux branches (allemand et mathématiques). «Au final, même si nous avons quatre épreuves, leur durée n’excède pas celle des Alémaniques car leurs épreuves sont proportionnellement plus longues soit 5 heures et 30 minutes contre 5 heures et 20 minutes pour les francophones», précise la Direction de l’instruction publique.
TROIS QUESTIONS À...
Isabelle Chassot, directrice de la DICS
> Conseillère d’Etat en charge de la Direction de l’instruction publique, de la culture et du sport, Isabelle Chassot est également présidente de la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique.
En quoi la procédure de pré-orientation (PPO) est-elle un bon système?
Le système scolaire fribourgeois fonde sa procédure d’évaluation sur les résultats obtenus en sixième primaire et aux évaluations cantonales, sur l’avis de l’enseignant et sur celui des parents incluant celui de l’élève. Cette procédure implique une analyse pédagogique détaillée des connaissances et des compétences de l’élève. Le canton de Fribourg a choisi d’organiser son cycle d’orientation en trois types de classes, adaptées aux besoins différenciés des élèves. La perméabilité est assurée entre les types de classe, car le cycle d’orientation offre aux élèves la possibilité de passer d’un niveau à l’autre en fonction de leur progression. Dans ce cadre, la procédure de pré-orientation est un bon instrument qui permet de déterminer le type de classe qui correspond le mieux à chaque élève au terme de l’école primaire.
Les élèves vaudois ne passent pas d’examen pour aller au CO. Est-ce envisageable dans le canton de Fribourg sachant que, selon un sondage, la majorité des enseignants seraient favorables à l’abolition de la PPO?
Dans le canton de Vaud, le système scolaire prévoit un regroupement des élèves en cinquième et sixième primaire. Des épreuves communes, dont les résultats sont intégrés à la procédure d’orientation, sont passées par tous les élèves en octobre et en mars de la sixième. Le canton de Fribourg, quant à lui, n’entend pas changer sa procédure d’orientation, car elle donne satisfaction, le nombre minime de recours peut en attester. Le sondage que vous citez a été signé par une centaine d’enseignants, 94 exactement, dont 52 se disent non favorables et plutôt non favorables à la procédure actuelles, 44 se déclarent favorables et plutôt favorables. Il faut savoir que plus de 300 enseignants ont des classes de 5P et 6P. La PPO n’est en aucun cas une procédure d’évaluation du corps enseignant. Elle est une aide dans le dialogue avec les parents pour conduire le processus de pré-orientation.
Les Alémaniques ont une autre pratique. Pour quelle raison et y a-t-il un projet d’harmonisation?
Il est normal que les deux procédures de passage ne soient pas strictement identiques, puisque l’école, ses programmes et son approche socio-culturelle et pédagogique ne sont pas identiques dans les deux parties linguistiques. La législation et les pratiques fribourgeoises assurent l’égalité de traitement tout en respectant chacune des deux cultures pour elle-même, avec toutes ses richesses et ses diversités.
Stéphanie Schroeter
La Liberté