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Un père estime les petits francophones prétérités face aux alémaniques lors de la procédure de préorientation au CO. Isabelle Chassot conteste. Vincent Murith
La procédure de préorientation (PPO) à l’entrée du CO semble plus dure pour les francophones de 6e primaire que pour les Alémaniques. Un père de famille crie à l’inégalité de traitement, Isabelle Chassot réfute.
Les élèves de sixième année primaire du canton de Fribourg respirent. La procédure de préorientation, communément appelée PPO, est derrière eux depuis la fin mars. Les écoliers devraient donc savoir prochainement dans quel degré, prégymnasial, général ou exigences de base, ils effectueront leur scolarité au Cycle d’orientation. Le sujet récemment développé dans nos colonnes («LL»du 23 mars) a suscité quelques réactions courroucées principalement de la part d’un parent d’élève qui met en avant des inégalités de traitement entre francophones et Alémaniques.
Les jours d’examen
Les élèves de langue française passent un examen réparti sur deux jours tandis que leurs copains alémaniques subissent un seul jour d’épreuves. Une situation que la directrice de l’Instruction publique de la culture et du sport (DICS), Isabelle Chassot, attribue notamment à «l’école, ses programmes et une approche socioculturelle et pédagogique qui ne sont pas identiques dans les deux parties linguistiques» (voir ci-après).
«L’explication est courte! Quand bien même on voudrait admettre des différences de ce genre, elles sont insuffisantes, en respect du principe de l’égalité de traitement consacré notamment à l’article 8 de la Constitution fédérale. On comprend mal que dans notre canton il puisse exister des critères différents pour régler des situations identiques comme le passage au CO», estime un père de famille qui souhaite rester anonyme, pour protéger ses enfants.
Des notes différentes
Le Fribourgeois s’interroge aussi sur les notes que les écoliers de langue française doivent obtenir à la PPO pour être orientés en section prégymnasiale. «Ils doivent obtenir une moyenne de 5,5 qui tient compte des résultats du premier semestre dans les quatre branches dans lesquelles ils sont interrogés durant la PPO», explique le papa dont les enfants ont déjà passé les fameux examens. Et de préciser que les Alémaniques sont admis en prégymnasiale avec une moyenne de cinq à la PPO ainsi qu’aux résultats du premier semestre de sixième année.
Plus de branches
Le hic c’est que les élèves de langue française sont interrogés dans quatre domaines (français, allemand, mathématiques et environnement), alors que leurs homologues germanophones ne passent que deux examens (allemand et mathématiques). Encore une inégalité de traitement selon le père de famille, qui pointe également du doigt l’absence d’épreuve d’environnement (doux mélange de sciences, géographie et d’histoire, ndlr) à la PPO alémanique. «C’est inacceptable sachant que cette branche est souvent perçue comme la plus difficile selon les enseignants.»
Des langues à sens unique
Autre question, importante dans un canton qui revendique haut et fort son bilinguisme: l’égalité des langues. Les francophones passent un examen dans la première langue nationale alors que les Alémaniques sont dispensés de tester leurs connaissances dans la langue de Molière.
Présence d’un surveillant
Les classes francophones sont seules avec leur enseignant durant les deux jours d’examens ce qui pose parfois quelques petits soucis d’impartialité… Du côté germanophone, en revanche, un enseignant du CO est présent parmi les élèves pendant les examens.
Recours
«Tout parent soucieux de garder intactes les chances de succès scolaire de son enfant devrait sérieusement songer à soulever le grief de la violation de l’égalité de traitement moyennant un recours auprès de la DICS». Il peut aussi saisir le Tribunal administratif ou le Tribunal fédéral.
Selon nos sources, le TF n’aurait jamais rendu de décision dans le cadre d’une procédure de préorientation signe que les parties concernées ont toujours trouvé un terrain d’entente. I
«Le passage au CO est basé sur des conditions légales»
Directrice de l’Instruction publique, de la culture et du sport (DICS), Isabelle Chassot dit regretter le caractère anonyme du témoignage du père de famille qui pointe du doigt des inégalités de traitement entre francophones et Alémaniques. Elle s’insurge en outre contre la «juridisation» de l’école qu’elle considère comme un véritable «poison». Concernant les différences entre les deux parties linguistiques dans la procédure de préorientation (PPO), Isabelle Chassot relève que le taux d’élèves de langue française ayant intégré la première année en prégymnasiale lors de la dernière rentrée s’élève à 34% contre 28% du côté germanophone.
A la question de savoir pourquoi les élèves alémaniques ne subissent pas d’examen en français alors que les francophones, eux, passent une épreuve d’allemand, elle répond: «Les Alémaniques n’ont pas encore d’examen en français en raison de l’actuelle méthode d’enseignement, basée surtout sur la communication. Pour l’heure, il n’est pas possible de mettre en place une épreuve orale.» Cette pratique devrait changer avec l’introduction d’un nouveau moyen d’enseignement de la langue partenaire: les Alémaniques passeront à moyen terme un examen écrit en français. Quant à l’environnement, matière absente à la PPO alémanique, Isabelle Chassot précise que les notes du premier semestre de la sixième primaire en sciences ont davantage de poids du côté alémanique que francophone.
Rappelons que le passage au CO, pour les deux parties linguistiques, prend en compte quatre éléments: les notes du premier semestre, les épreuves de la PPO, les recommandations des enseignants et celles des parents. Reste que pour l’heure, l’environnement ne devrait pas figurer au menu de la PPO alémanique.
Pour les notes, Isabelle Chassot est claire: il n’y a pas d’inégalité de traitement puisque la proposition pour la prégymnasiale est fixée à 5,5 pour les francophones comme pour les Alémaniques. En outre, dire que, côté francophone un 5,5 est nécessaire pour le passage en PG est un raccourci.
Et qu’en est-il de la surveillance des classes lors des fameuses épreuves? Isabelle Chassot confirme qu’un enseignant du CO est présent dans les classes de langue allemande durant l’examen. «Aucun enseignant, dans les deux parties linguistiques, ne corrige les épreuves de ses élèves.» Est-il imaginable que les classes francophones soient également encadrées par un enseignant extérieur? «Je ne vois pas l’intérêt car je ne doute pas de l’objectivité et de l’impartialité des correcteurs de ces épreuves. Si un maître donnait un coup de main à ses élèves cela se verrait dans la correction.»
Isabelle Chassot insiste sur le fait que les deux systèmes ont des moyens d’enseignement propres et que le passage au CO est basé sur des conditions légales. Cela assure donc l’égalité entre les deux filières.
Reste la question des recours. «Ils n’ont jamais porté sur l’examen de la PPO comme tel mais sur le résultat final, en particulier sur l’élément des notes du premier semestre. Nous en avons enregistré deux du côté alémanique et 13 pour la partie francophone en 2011. En 2010, on en compte respectivement 5 et 3. Aucun recours n’a jamais abouti au Tribunal cantonal!»
Stéphanie Schroeter
La Liberté