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vendredi 10 août 2012

Pavillon suisse en haute mer

Le «Matterhorn» navigue sous pavillon suisse. (Michael Eichmann, BWL)


Cela peut sembler étrange qu’un pays non maritime dispose d’une marine marchande. Pourtant, les 41 navires commerciaux battant pavillon rouge à croix blanche représentent un pilier essentiel de la stratégie de défense de la Suisse en cas de crise mondiale.


La flotte marchande suisse, dont le port d’attache est Bâle mais dont les bâtiments naviguent en haute mer, a été fondée en 1941 lorsque, la guerre s’intensifiant, il a fallu trouver de nouvelles routes pour approvisionner l’économie nationale.

Aujourd'hui la flotte, qui contribue pour une très petite part du produit intérieur brut, en comparaison avec les grandes compagnies maritimes étrangères opérant de Genève, a été maintenue toujours dans le même but.

Six sociétés privées possèdent et exploitent une flotte de navires commerciaux, porte-conteneurs et bateaux-citernes battant pavillon suisse. A une condition: ils doivent être prêts à changer de cargaison et de route sur ordre de la Confédération.

«Nous avons une flotte très variée et elle doit être en mesure d’assurer, sur demande du gouvernement, l’approvisionnement vers la Suisse de certaines marchandises qui viendraient à manquer en cas de crise majeure, explique Reto Dürler, responsable de l’Office suisse de la navigation maritime (OSNM). Sinon, elle bénéficie d’un statut commercial et le gouvernement n'a aucun contrôle sur ses itinéraires.»

En échange de sa flexibilité, la Confédération, sans subventionner la flotte en tant que telle, fournit des garanties de prêt (jusqu’à 1,1 milliard de francs) pour aider les armateurs à financer l'achat de nouveaux bâtiments.

«C'est une compensation en échange du risque limité que les armateurs devront peut-être un jour mettre leurs bateaux à la disposition du gouvernement», précise Reto Dürler, ajoutant que la Suisse dispose actuellement de l’une des flottes marchandes les plus modernes du monde.

Et cette flotte s’agrandit: elle est passée de 32 bateaux en juin 2008 à 41 aujourd’hui, plus deux autres commandes qui doivent être livrées à la fin de l'année.

Pas une exception

La Suisse est loin d'être un cas exceptionnel, et plusieurs autres pays sans littoral, comme la Mongolie, la Slovaquie, le Kazakhstan et la Bolivie, exploitent eux aussi une flotte marchande. Sur les 156 pays dont c’est le cas, la Suisse occupait en 2010 le 76e rang en termes de taille, selon le CIA World Factbook.

Le plus intéressant peut-être, c’est que cette flotte se développe alors que la navigation mondiale tend, elle, à se contracter.

Ian Lewis, journaliste de la nouvelle publication sur l'industrie maritime Trade Winds, a une vingtaine d’années d’expérience dans ce domaine. Il relève qu'après la crise économique de 2008, le secteur s’est retrouvé avec une offre excédentaire de bateaux de toutes catégories. Des vraquiers qui rapportaient dans les 200'000 francs par jour à leurs propriétaires un jour avant la crise ont vu les profits dégringoler à 5000.

«A ce point, je pense que c'est inutile, répond Ian Lewis à propos du développement de la flotte suisse. Il y a déjà trop de bateaux; inutile d’en construire de nouveaux.»

Mais la modernité de ses bateaux pourrait avantager la marine suisse. Selon Ian Lewis, les grandes sociétés sont de plus en plus réticentes à affréter des bateaux trop vieux. Et de citer le cas du MSC Napoli, vieux de 16 ans et sous contrat avec la compagnie maritime italienne MSC basée à Genève, qui s’était échoué dans la Manche en 2007.

«Actuellement, le plus grand souci des armateurs est l'âge et l’état des bateaux, parce que personne ne veut voir un bateau couler comme le MSC Napoli… parce que là, vous vous retrouvez avec un énorme problème, note Ian Lewis. Et donc, on tient compte de l’âge des bateaux. Tous ceux qui ont plus de 15 ans sont considérés avec méfiance.»

Équipages étrangers

Comme c’est le cas de la plupart des bateaux naviguant sous les couleurs des pays occidentaux, les équipages des bâtiments suisses sont constitués en grande partie de marins asiatiques ou d'Europe de l'Est.

Reto Dürler explique cela par le fait que, les voyages internationaux étant devenus plus faciles et moins chers, l'attrait de la vie de marin a diminué. Tandis que des centaines de Suisses travaillaient comme marins dans les années 1960 ou 1970, ils représentent aujourd’hui moins d’un pour cent des équipages de la flotte helvétique.

Hans-Peter Schwab, ingénieur en chef retraité qui a passé 18 ans dans la marine, tant à bord que parmi le personnel au sol, raconte à swissinfo.ch que, à l’époque où il avait commencé à naviguer, il existait peu d'autres possibilités pour quelqu’un qui voulait voir le monde.

«J'ai commencé sur des bateaux battant pavillon suisse mais, en 1972, j’ai opté pour les bateaux ‘libres’, battant ce qu’on appelle un pavillon de complaisance. C’était plus avantageux puisque je pouvais gagner presque le double de mon salaire. Bien sûr, cela dépendait de la société. Moi j'ai navigué sur des bateaux américains et grecs.»

Hans-Peter Schwab ajoute qu’il ne connaît pas les tarifs d’aujourd'hui, mais que «pour les Européens de l’Est ou les Asiatiques qui composent la plupart des équipages, ils sont certainement plus hauts que dans leur pays.»

De son côté, Ian Lewis déclare que le plus difficile, pour les armateurs, est de trouver des officiers qualifiés et entraînés.

La menace des pirates

Un autre défi pour les navires suisses, qui traversent le Golfe d'Aden et longent la côte africaine en moyenne une fois par mois, c’est la menace croissante des pirates. Malgré la neutralité suisse, ils ont failli se faire arraisonner plusieurs fois, selon Reto Dürler.

Les navires des autres pays peuvent compter sur la protection de leur marine nationale mais, en l’absence d’une marine militaire suisse en haute mer, comment font les Suisses pour se protéger? Ian Lewis répond que les capitaines de bateaux de tous pays ont demandé l’autorisation d’avoir des gardes armés à bord pour décourager les pirates.

Sans donner de détails sur les mesures de protection suisses, Reto Dürler indique que les armateurs sont tenus d’«adhérer strictement» aux normes développées pour dissuader la piraterie au large des côtes de la Somalie et dans la mer d'Arabie par l'association internationale de navigation Bimco. «Chaque armateur a sa méthode pour appliquer des moyens de dissuasion.»

Sophie Douez
(Traduction: Isabelle Eichenberger)