Chu de che / Je suis d'ici / Sono di qui / Ich bin von hier ! Notre liberté ne nous a pas été donnée, mais combattue et priée par nos ancêtres plus d'une fois! Aujourd'hui, comme autrefois, notre existence en tant que peuple libre dépend du fait que nous nous battions pour cela chaque jour. Restez inébranlable et soyez un gardien de la patrie pour que nous puissions remettre une Suisse libre telle que nous la connaissions à la génération suivante. Nous n'avons qu'une seule patrie!

dimanche 9 septembre 2012

Le Jambon de la borne




Le jambon de la borne est un jambon de porc fumé. Produit phare du patrimoine culinaire fribourgeois, il trône en bonne place dans le repas pantagruélique qui accompagne la fête de la Bénichon. Il est aussi le témoin d’une très ancienne façon de conserver la viande: le fumage à la "borne", grande cheminée ouverte dont la hotte est en planches. La plupart des fermes fribourgeoises (sauf dans le district du Lac) en étaient équipées, quelques-unes le sont encore. Mais ces bornes disparaissent inexorablement depuis un demi-siècle, au fur et à mesure de la rénovation des fermes. Toutefois l’aménagement de fumoirs spéciaux dans les boucheries a permis de perpétuer la tradition du jambon à la borne, spécialité qui reste très prisée de nombreux amateurs dans ce canton et ses environs.


Châlet fribourgeois avec Borne

Dans les temps anciens, on ne mangeait du jambon fumé qu’en hiver : les paysans élevaient leurs cochons l’été, préparaient la viande l’automne et la fumaient «à la borne», une large cheminée, pour chauffer les fermes. Le jambon «à l’os» est resté le pivot du menu de Bénichon, le repas «à rallonge» qui marque le retour du bétail en plaine, en automne. Aujourd’hui, des bornes adaptées au climat permettent de fumer la viande toute l’année. Le salage à sec, où le jambon est massé (à la machine et à la main) est un gage de qualité. Le jambon de la borne fribourgeois est en quête de l’AOC: le dossier, déposé à Berne, est en phase d’examen.





Selon le Dictionnaire suisse romand, le terme français "borne" désignant une cheminée est attesté pour la première fois en 1573 à Vevey. Céline Carrupt, dans son étude historique consacrée au jambon de la borne, rapporte que l’on fumait la viande à la borne en 1651 dans la région de Fribourg. L’historienne se réfère également à des sources du 19ème siècle, notamment le recueil de recettes d’Elisabeth de Gottrau (1832), pour montrer que cette spécialité fribourgeoise existe sous sa forme actuelle depuis plus d’une centaine d’années.

L’usage de la borne permettait un double processus de séchage et de fumage, qui répondait à la nécessité de conserver la viande tout en tenant compte du climat relativement humide de cette région de Suisse. Le Valais, le Tessin et les Grisons, plus ensoleillés, privilégiaient le séchage à l’air libre. Avec le développement de la maîtrise du froid (réfrigérateurs, congélateurs), surtout après la Seconde guerre mondiale, le fumage à la borne n’était plus une nécessité technique. Il est resté vivace à cause de son intérêt gustatif, à tel point que les rares bornes traditionnelles qui subsistent sont encore largement utilisées par les quelques bouchers qui y ont accès. Mais la plupart des bouchers ont dû aménager des fumoirs spéciaux qui reproduisent le plus fidèlement possible les conditions du fumage à la borne: un fumage lent, à froid, par combustion du bois et non de la sciure. Les amateurs s’accordent à préférer, sans discussion possible, la saveur des jambons fumés selon cette première technique; un jambon fumé à la sciure ne serait qu’un "jambon de campagne"! Certaines des "nouvelles bornes" sont climatisées, afin de transformer la viande de porc tout au long de l’année et plus seulement l’hiver. Notons que le fumage à la borne, qui était aussi une tradition vaudoise, a régressé beaucoup plus vite dans ce canton: comme le notent Daniel Glauser (2003) et Denise Reymond (2002), la réglementation destinée à combattre les incendies a contribué dès la fin du 19ème siècle à les faire disparaître des habitations principales. Dans la Broye vaudoise, on a toutefois continué d’apprécier le jambon à la borne confectionné dans les boucheries des environs.

Si aujourd’hui la transformation du jambon incombe aux bouchers-charcutiers et à leur personnel, cela n’a pas toujours été le cas. Jusque dans les années 1970 encore, on "faisait boucherie" dans certaines fermes fribourgeoises. Cette pratique, qui a presque entièrement disparu depuis, était très courante au milieu du 20ème siècle, les boucheries professionnelles étant rares dans les campagnes fribourgeoises. Le boucher de campagne se chargeait alors de l'abattage du porc et de la préparation de la viande. La veille, on préparait le matériel, les épices et on cuisait les choux. Le fumage n'avait lieu que durant la saison froide, afin de favoriser la conservation. Soulignons encore que la taille des porcs a fortement diminué et, par conséquent, celle des jambons aussi. En 1960, il était fréquent de tuer des bêtes de plus de 150 kg alors qu’aujourd’hui le poids d’abattage est d’environ 100 kg, voire moins.


Les étapes de la confection sont les suivantes:

Les jambons frais, refroidis, sont frottés avec un mélange de sel et d'épices dans un saloir à température et hygrométrie contrôlées. Puis, on les place dans des cuves. Tous les deux jours, on les frotte et on les déplace afin de favoriser une salaison régulière. Après 4 semaines (en moyenne), on les retire du sel pour les laisser une dizaine de jours supplémentaires dans le saloir. La dernière étape, le fumage des jambons suspendus dans la borne, dure environ 8 semaines à une température de 18 à 22°C. Deux paramètres sont essentiels: l'aération suffisante et la fumée de feu de bois (cf. ci-dessus). 


Considéré comme un produit de luxe jusque dans les années 1950, le jambon était servi à la Bénichon et lors de fêtes importantes tels que baptêmes, anniversaires ou désalpe. Dans le menu traditionnel du début de 20ème siècle, le jambon est dégusté entre le ragoût d’agneau aux raisins et le gigot d’agneau.

Aujourd’hui, certaines familles en mangent uniquement à la Bénichon accompagné de choux, pommes de terre et autres délices "de la borne" (notamment le saucisson).

Durant l'année, à midi ou le soir, le jambon à l'os est fréquemment servi avec du gratin, de la salade de pommes de terre ou d'autres viandes à manger froides (apéritif ou plat principal). Les boulangers vendent aussi des sandwichs au jambon de la borne. On mange donc le jambon de la borne cuit, froid ou chaud. 

Véritable spécialité régionale, les Fribourgeois l'apprêtent volontiers pour leurs convives n'habitant pas le canton. En outre, il est intéressant de relever que les amateurs de loto gagnaient quelquefois un jambon, lot le plus important offert aux joueurs chanceux! 

Préparation:

Avant la cuisson, le jambon est préalablement trempé dans de l'eau froide pendant plusieurs heures (1 jour) afin de le dessaler quelque peu. Pour une cuisson idéale, la température intérieure doit être de 68 à 70°C.

Laver la viande et la brosser à l'eau chaude.
Préparer le foyer et suspendre le chaudron à la potence.
Prendre le jambon par le manche et à 10 cm de couenne, faire une entaille circulaire, ceci pour éviter que la couenne éclate au cours de la cuisson.
Coucher le jambon au fond du chaudron, côté viande en bas, le recouvrir d'eau, environ 20 lt.
Mettre sur le foyer et laisser moutonner à feu doux. 

Temps de cuisson : 

1er kilo = 1 heure, ajouter une demie heure par kilo supplémentaire.
Exemple pour un jambon de 5kg = 3 heures.

1 heure avant la fin de la cuisson :
Ajouter les carottes entières,  le lard et les choux . Laisser moutonner 1 heure.

Le saucisson fumé de la borne se cuit à part (40 minutes à mijoter).

Contrôler la cuisson du jambon, essayer de soulever la couenne, si celle-ci s'enlève facilement, le jambon est à point. Il faut le sortir, l'envelopper d'un linge et d'alu et le réserver.

Le potage : Remplir la soupière de bouillon garni d'un peu de chou et de carottes coupées en rondelles. Servir le persil à part

Couper le jambon en tranches, le lard en morceaux et les saucissons en biais.Servir le plat de viande, et le plat de légumes.

Verser un peu de beurre noisette sur les pommes de terre.

Couper un jambon entier requiert une certaine technique et un couteau bien aiguisé, le but étant d'éviter de causer trop de déchets tout en découpant de belles tranches. Les bouchers coupent le jambon froid à la trancheuse et le jambon chaud ou tiède au couteau. Ensuite, on le déguste à l'aide d'un couteau et d'une fourchette ou directement à la main lors d'un apéritif. Bien emballées, les tranches de jambon se conservent plusieurs jours au réfrigérateur et peuvent même être congelées.  

Actuellement, on dénombre entre 38 et 40 producteurs dont 5 très importants. Selon des estimations fournies par le président de l’Association des maîtres bouchers-charcutiers du canton de Fribourg, 75'000 jambons seraient fumés à la borne chaque année. Certains grossistes fournissent leurs confrères vaudois ou fribourgeois ainsi que de grands distributeurs comme la Coop. Quelques commerces fribourgeois se sont spécialisés dans la vente de viandes fumées. Saucisses, saucissons, lard fabriqués selon le savoir-faire traditionnel exposé ci-dessus, accompagnent souvent le jambon dans l'assiette du consommateur. 

Aujourd'hui, on peut acheter du jambon sous différentes formes contrairement à ce qui se faisait auparavant: jambon entier à cuire (entre 5.5 et 8 kg), jambon cuit entier ou jambon cuit tranché. Les consommateurs achètent un jambon entier à l'occasion de la Bénichon alors que durant l'année ils se contentent souvent de tranches. Le boucher ne les coupe généralement pas à l'avance; il le fait devant le client à moins qu'il ne s'agisse d'un plat froid. Des sachets (sous-vide d'air) contenant un mélange de "délices de la borne" à réchauffer à la maison sont quelquefois proposés aux clients.

Pour terminer, ajoutons que l’on trouve des produits assez proches de celui-ci dans le Jura (où la borne s’appelle "voûte", voire "tuyé"), dans l’Emmental ou en Franche-Comté. Certaines similitudes apparaissent aussi avec "le jambon de la Forêt Noire."

Egger Ph.