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dimanche 10 février 2013

Au-delà du cheval : des produits d'équarrissage dans les plats cuisinés ?


Comment produire une viande de qualité dans des produits industriels vendus 1,60 euro la barquette ?

Photo d'illustration. © Jean-Yves Desfoux / Maxppp 


Les Anglais ont été trompés sur la marchandise avec l'affaire des lasagnes à la viande de cheval étiquetée de boeuf. Soit. La viande de cheval, si elle peut être parasitée par la trichinose, est moins grasse et plus saine que la viande de boeuf, d'autant que la qualité d'une viande est fortement dépendante de ce que consomment des animaux. Dans ce domaine, les chevaux sont plutôt mieux nourris que les bovins et porcs des élevages intensifs industriels. Donc, même si l'hippophagie n'est pas prisée outre-Atlantique, nos amis anglais ne risquent rien a priori, sauf si...

Car on s'aperçoit tout simplement que les contrôles qualité de l'entreprise (de nombreuses autres doivent être dans le même cas) et des organismes officiels ont été plus que défaillants en étant incapables de détecter la différence entre la viande de cheval et celle de boeuf, à moins qu'il n'y ait tout simplement pas de contrôles ! Depuis combien de temps ces pratiques existent-elles ? Ces dysfonctionnements n'ouvrent-ils donc pas la voie à bien d'autres interrogations ? Analysons par exemple le coût d'une boîte de raviolis (fourchette haute) de 1,6 euro pour 400 grammes de composé "pur boeuf".

Dans une barquette à 1,60 euro, 40 centimes de viande !

Comment arriver à ce prix qui comprend la fabrication de la boîte, l'impression des étiquettes, la confection du plat composé à base de pâtes, de boeuf (attention la mention "à base de boeuf" indique qu'il y a bien d'autres composés), de sauce tomate, de condiments, d'ajout d'additifs ?... Puis, n'oublions pas le transport des boîtes, la marge du vendeur. Au-delà des frais fixes, sur quelle partie peut-on faire des économies ? Sur la qualité du contenu ! Ainsi a-t-on dans cette boîte une viande pour un coût que l'on pourrait estimer inférieur à 0,40 euro les 100 grammes.

L'exemple donné peut être étendu à de nombreux plats confectionnés, poulet "basquaise", hachis Parmentier à la fois en conserve ou surgelé... Cette viande est issue de pays à bas coût de main-d'oeuvre : est-ce simplement possible économiquement de produire en conservant un minimum de qualité ? Il y a tout de même des limites en dessous desquelles il n'est plus possible de fournir, sauf peut-être en ajoutant, au-delà des plus bas morceaux (tendons...), des produits d'équarrissage.

Les rendre "comestibles" est fort simple, la cuisson, l'adjonction de divers composés chimiques peuvent les rendre plus "sains", et la simple irradiation (largement pratiquée dans certains pays) détruit les micro-organismes. La viande ainsi traitée devient "consommable" sans risque sur le plan bactériologique. Il faudrait que les organismes privés et publics disent clairement comment sont effectués leurs contrôles, notamment vis-à-vis des pratiques possibles d'irradiation non déclarées.

L'Union préconise... l'autocontrôle des industriels !

Le scandale ne fait que commencer et il faut souligner le fait que l'Europe accepte un laisser-faire surprenant dans la mesure où elle n'a pas réussi à imposer une vraie traçabilité des produits alimentaires dans les plats composés. La mention de l'origine du pays des divers ingrédients n'est même pas obligatoire grâce, entre autres, au lobby intense des industriels, alors même que l'alimentation industrielle tend vers une industrie d'assemblage. Quant à la Commission européenne, elle est favorable à plus d'autocontrôle de la part des industriels ! Avec certainement parmi les arguments, peut-être soufflés par les lobbyistes, qu'il faut soulager les autorités sur le plan financier. Or, c'est bien par le contrôle des autorités luxembourgeoises puis anglaises que la supercherie a été détectée concernant l'étiquetage trompeur.

Le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire Stéphane Le Foll a affirmé que tout cela n'était pas acceptable : "Il faut faire respecter une chose simple, ce qu'on inscrit sur une étiquette doit être conforme à ce qu'il y a dans le produit. (...) Il doit y avoir correspondance entre le contenant et le contenu." Le contenant, c'est la boîte, et le contenu, ce qu'il y a dedans. Or, M. Le Foll n'est pas sans savoir que l'on ignore la composition d'un grand nombre de produits alimentaires consommés par des millions de gens au nom du "secret" industriel, certains revendiquant même cet aspect sur le plan marketing.

Le soupçon concernant la présence de viandes issues de l'équarrissage existe, reste aux organismes de contrôle nationaux et européens à infirmer ou confirmer cette hypothèse. Si le ministre de l'Agriculture veut réellement passer aux actes, nous l'y aiderons.


Dr Laurent Chevallier