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lundi 18 février 2013

Idée reçue : les antidépresseurs favorisent les suicides


L'existence possible d'un lien entre antidépresseurs et suicide suscite la controverse depuis des années. Le point de vue de deux psychiatres.

Évaluer le rapport bénéfices-risques des antidépresseurs, dont les plus prescrits sont le Prozac, le Zoloft, le Deroxat et autre Effexor, n'a rien d'évident, prévient d'emblée le docteur Michel Botbol, professeur de pédopsychiatrie au CHU de Brest. En effet, ceux-ci sont utilisés pour traiter une maladie - la dépression - qui est une cause majeure de suicide.

"Dans ces conditions, il est très difficile de savoir si le passage à l'acte est dû aux médicaments, à l'échec du traitement ou à l'état psychique du patient." D'autant plus difficile que beaucoup de laboratoires publient uniquement les études présentant leurs produits sous un jour favorable, ce qui fausse la perception qu'ont les médecins de l'efficacité et de l'innocuité de ces médicaments.

Déconseillé chez les jeunes adultes à risque

"Plusieurs essais cliniques ont montré que, dans la population adulte, il y a un peu moins de suicides chez les personnes déprimées sous antidépresseurs que chez celles qui reçoivent un simple placebo, affirme cependant Michel Botbol. En revanche, chez les enfants, les adolescents et les jeunes adultes, on note la tendance inverse." Certaines études indiquent même qu'un enfant ou un adolescent a deux fois plus de risques d'avoir des comportements suicidaires quand il prend un antidépresseur qu'un dépressif du même âge ne recevant qu'un placebo. La raison ? Ces molécules soulagent la douleur morale liée à la dépression, mais elles peuvent aussi lever les barrières morales et sociales qui, en général, brident nos comportements. "Cela peut favoriser le passage à l'acte, en particulier au début du traitement", explique le spécialiste.

C'est pourquoi les autorités sanitaires françaises et européennes déconseillent la prescription d'antidépresseurs aux moins de 18 ans. L'Agence nationale de sécurité du médicament souligne que chez l'enfant et l'adolescent "un traitement médicamenteux ne peut être envisagé qu'en association avec une psychothérapie et doit être accompagné d'une surveillance étroite du patient".

Des médicaments mal prescrits

Pour le docteur Jean-Yves Pérol, psychiatre spécialiste des troubles bipolaires et du sommeil, le problème est plutôt celui de la mauvaise prescription de ces médicaments très complexes par des médecins qui ne les connaissent pas assez - les généralistes sont à l'origine de 80 % des ordonnances : "Environ un tiers des patients traités pour une dépression souffrent en réalité de troubles bipolaires. Si cette pathologie n'est pas diagnostiquée et qu'on leur prescrit un antidépresseur au lieu d'un régulateur de l'humeur, cela ne fait qu'aggraver leur état et accroît le risque de suicide.

Or, la plupart des médecins prescripteurs n'ont jamais effectué de stage en psychiatrie et n'ont pas été formés pour établir cette distinction." La solution ? "Afin d'éviter les erreurs de diagnostic, il faudrait que la décision initiale de prescrire un antidépresseur soit prise exclusivement par l'un des 12 000 psychiatres qui exercent en France. Comme cela se fait en Grande-Bretagne, par exemple, où ils ne sont pourtant que 6 000 pour le même nombre d'habitants", soutient le docteur Pérol.

Rémi Maillard