Les véhicules électriques sont enfin performants mais vont également amener un nouveau problème environnemental: les batteries en fin de vie, dont le recyclage coûte cher.
Plus puissantes, plus compactes, plus efficaces et surtout plus autonomes: les voitures électriques de seconde génération qui arrivent cette année sur le marché sont enfin prêtes à concurrencer les véhicules à essence. Part décisive de la réussite, les batteries lithium-ion une technologie déjà utilisée dans les ordinateurs et les téléphones portables leur assurent une autonomie moyenne de 150 à 200 km, soit plus du double de la génération précédente qui avance au nickel-cadmium. Ces nouvelles batteries ne sont pas sensibles à l’effet mémoire et peuvent être chargées à tout moment. Leur durée de vie, annoncée de huit à douze ans, devrait être équivalente à celle des véhicules.
Des perspectives réjouissantes, mais qui occultent une question centrale: que faire des batteries usagées, qui se compteront en millions d’ici à une dizaine d’années? Des technologies permettent certes de recycler les batteries lithium-ion et de revaloriser leurs composants. Malheureusement, la valeur des produits récupérés est bien inférieure aux coûts de recyclage, et devrait le rester, selon un rapport français de l’Agence de l’énergie et de la maîtrise de l’environnement. Ce coût net s’ajoutera inévitablement à celui de la batterie, qui peut déjà représenter la moitié du prix du véhicule pour les modèles d’entrée de gamme. Cela pourrait constituer à court terme un obstacle de taille au développement de recyclage, d’autant plus que son vrai coût reste mal connu, la filière n’ayant pas encore été déployée à une échelle industrielle.
Du lithium qui finit dans du béton
Les procédés actuels consistent à mettre en solution dans un solvant les métaux présents dans la batterie, ou à les fondre dans un four à haute température. Cette seconde option a été retenue par l’entreprise belge Umicore dont l’usine pilote présente une capacité de 7’000 tonnes par an soit 14’000 à 35’000 batteries de véhicules électriques.
Le lithium a beau être qualifié «d’or gris» pour l’importance économique qu’il représente pour les pays producteurs, celui contenu dans les batteries finira dans des agrégats de béton. Car sa disponibilité et le faible coût de son exploitation, notamment dans les lacs salés d’Amérique du Sud, ne le rendent pas rentable à revaloriser. Les recycleurs se concentrent ainsi sur le nickel, le manganèse, et surtout le cobalt, qui constitue jusqu’à présent «le principal moteur économique du recyclage des batteries lithium-ion», souligne Linda Gaines, spécialiste du recyclage à l’Argonne National Laboratory dans l’Illinois. «Mais à l’avenir, le cobalt sera remplacé par des composés moins précieux, ce qui risque de diminuer encore la rentabilité de l’opération.»
Le recyclage devrait continuer à constituer un coût net et les industriels ont tout intérêt à faire durer l’utilisation des batteries. Après leur emploi dans des véhicules électriques (où elles ne seront en principe plus utilisées en deçà d’une performance de 80%), elles serviront dans des applications dites de seconde vie: on envisage de les connecter au réseau pour stocker les excédents d’électricité produite par des installations photovoltaïques et éoliennes, ou de s’en servir comme dispositifs d’alimentation électrique de secours, par exemple dans les hôpitaux. Ces marchés risquent toutefois d’être pénalisés par l’absence de standardisation des batteries entre constructeurs.
La responsabilité des fabricants
Les batteries risquent-elles, après cette seconde vie, de finir dans la nature ou d’être recyclées dans des pays du Sud dans des conditions peu sécurisées, comme c’est aujourd’hui le cas pour de nombreux appareils électroniques? On peut espérer que non: une directive européenne de 2006 impose aux entreprises qui mettent les batteries sur le marché comme les compagnies automobiles d’assurer leur collecte et leur recyclage.
Le texte précise aussi que le processus de recyclage doit atteindre un rendement correspondant au minimum à 50% du poids des batteries. Pour l’instant, cette exigence est facile à atteindre, car les batteries comprennent une part importante de plastiques, d’électronique et de métaux facilement recyclables comme le cuivre et l’aluminium. Mais le taux de récupération minimum risque d’être relevé dans les années à venir. «On peut encore obtenir un rendement de 70% à un prix relativement bas, souligne Frédéric Salin, de la société de recyclage française Snam. Mais au-delà, l’augmentation des coûts devient exponentielle.» De quoi braquer les industriels et compromettre l’avenir du recyclage des batteries électriques.
Combustion spontanée et gaz toxiques
Depuis leur introduction en 2007, les iPhone ont dû faire face à un problème de sécurité embarrassant: des phénomènes de combustion spontanée déclenchés par la surchauffe d’une batterie lithium-ion défectueuse. Au début janvier 2013, des incidents similaires ont cloué au sol les nouveaux Boeing 787 «Dreamliner». Ces risques étaient pourtant bien connus: l’électrochimiste français Michel Armand dénonçait par exemple, en 2011 la dangerosité des batteries lithium-ion à oxyde de manganèse, la technologie adoptée, par les compagnies automobiles européennes et japonaises. Il recommandait alors le phosphate de fer, une option jugée plus stable et retenue par les Etats-Unis et la Chine.
Les sapeurs-pompiers s’étaient également inquiétés des risques posés par les batteries lithium-ion en cas d’incendie qui pouvaient émettre des gaz toxiques et notamment du fluorure d’hydrogène. Mais selon des essais réalisés par l’Institut national de l’environnement et des risques industriels en 2011, un incendie de véhicule électrique ne dégage pas davantage de gaz toxiques que celui d’un véhicule classique.