Tristan Scherwey et Christoph Bertschy invalident toutes les avancées de la recherche sur le cerveau.
Antti Törmänen et Tristan Scherwey. Les chercheurs sont formels: plus on fait de sport et plus on devient intelligent. Keystone
Depuis quelques années, disons une dizaine d’années, les spécialistes des neurosciences s’échinent à démontrer que l’exercice physique agit favorablement sur le cerveau. Toute une partie de l’apprentissage cognitif passerait par le mouvement.
Je résume de mémoire – et les experts ès ciboulot voudront bien pardonner quelques raccourcis purement journalistiques – mais l’essentiel de cette théorie dit que le fait de bouger, de pratiquer un sport, de travailler sa coordination, tout ça facilite les connexions neuronales et accélère la neurogenèse: plus on fait de sport et plus l’on devient intelligent. Je simplifie, je sais… C’est pour que les habitués des pages sportives de ce quotidien puissent entrer dans le débat.
Il y a même une théorie qui dit que l’homme est devenu sapiens par la course à pied, mais j’ai oublié les subtilités de cette thèse et je m’en voudrais d’ennuyer des lecteurs encore endeuillés, quatre jours après la défaite contre Berne en finale du championat suisse: «Ihr werdet nie Schweizermeister.»
Pour annoncer La Semaine du cerveau, qui se tient chaque année au mois de mars (un peu en même temps que les play-off), «La Liberté» a interviewé un neuroscientifique passionnant, Jean-Luc Velay. Et que disait ce chercheur aux lecteurs de «La Liberté», le samedi 9 mars? Je cite: «Il y a un point de vue que je défendrai jusqu’au bout: c’est que l’apprentissage cognitif passe par le corps.»
Plus loin: «Maintenant, les sciences cognitives et la philosophie ont développé le concept de cognition incarnée. Que dit cette théorie? Grosso modo, elle dit que tous nos processus cognitifs, même les plus abstraits, sont enracinés dans la mise en action de notre corps et dans nos mouvements.»
Avouez que c’est un beau plaidoyer pour le sport: il suffirait de bouger pour muscler son cerveau. On se prend à rêver d’une population de sportifs de plus en plus intelligents, subtils et cérébraux, une sorte d’intelligentsia du vestiaire, une académie de la cuissette… On ferait des sudokus à la mi-temps, on regarderait «Questions pour un champion» dans le bus qui conduit à la Valascia et soudain, de la banquette arrière, quelqu’un crierait avant tout le monde «Martin Heidegger» lorsque Julien Lepers aurait dit: «Durant le semestre d’hiver 1923-1924, j’ai donné un cours à l’Université Philipp de Marbourg dont le titre était «Einführung in die phänomenologische Forschung», je réfléchis à la notion centrale du Dasein, je suis...» Martin Heidegger, oui!
On se prend à rêver et on tombe, un soir de défaite, sur Christoph Bertschy, qui brûle une écharpe de Gottéron, et sur Tristan Scherwey, qui traite les Fribourgeois de «fils de pute» et qui montre son cul… Et on se dit les neurosciences, les sciences cognitives, les avis d’expert, tout ça, c’est du pipeau. Après «la cognition incarnée», voici la connerie incarnée pour les siècles des siècles.