Chu de che / Je suis d'ici / Sono di qui / Ich bin von hier ! Notre liberté ne nous a pas été donnée, mais combattue et priée par nos ancêtres plus d'une fois! Aujourd'hui, comme autrefois, notre existence en tant que peuple libre dépend du fait que nous nous battions pour cela chaque jour. Restez inébranlable et soyez un gardien de la patrie pour que nous puissions remettre une Suisse libre telle que nous la connaissions à la génération suivante. Nous n'avons qu'une seule patrie!

dimanche 21 avril 2013

Le service étranger des confédérés



Le Lion de Lucerne (en allemand : Löwendenkmal) est une sculpture située à Lucerne, en Suisse.

Dessinée par Bertel Thorvaldsen, puis sculptée en 1820-1821 par Lukas Ahorn, elle commémore les mercenaires suisses morts au service du roi Louis XVI de France, en 1792, lorsque les révolutionnaires prennent d'assaut le Palais des Tuileries à Paris.

L'écrivain Mark Twain décrit la sculpture, représentant un lion mortellement blessé, comme « la pièce de pierre la plus triste et émouvante du monde »

Depuis le début du XVIIe siècle, un régiment de mercenaires suisses sert dans le cadre de la Maison du roi de France. Le 6 octobre 1789, le roi Louis XVI est contraint de déménager avec sa famille du château de Versailles au palais des Tuileries à Paris. En juin 1791, il tente de s'évader vers Montmédy.

Au cours de la journée du 10 août 1792, les révolutionnaires prennent d'assaut le palais. Des combats éclatent spontanément après que la famille royale ait été exfiltrée des Tuileries pour se réfugier avec l'Assemblée nationale législative. Les gardes suisses, à court de munitions, sont débordés par des adversaires en nombre supérieur. Une note écrite par le roi, qui a été retrouvée, ordonnait aux gardes suisses de se retirer et de retourner dans leurs casernes, mais ceci fut seulement pris en compte après que leur position fut devenue intenable.

Parmi les gardes suisses défendant les Tuileries, plus de 600 sont tués durant les combats ou massacrés après leur reddition. On estime que 200 autres sont morts en prison des suites de leurs blessures ou sont tués au cours des massacres de Septembre qui suivent.

Mis à part une centaine de gardes parvenus à fuir les Tuileries, les seuls survivants du régiment sont un détachement de 300 hommes envoyé en Normandie quelques jours auparavant.

Les officiers suisses figurent parmi les gardes tués, bien que le major Karl Josef von Bachmann aux commandes des Tuileries a été formellement jugé et guillotiné en septembre, toujours vêtu de son manteau d'uniforme rouge. Deux des officiers suisses qui ont survécu ont atteint un grade supérieur sous Napoléon.



L'initiative de créer un monument est prise par Karl Pfyffer von Altishofen, un officier des gardes qui se trouvait en congé à Lucerne à l'époque des événements. Il commence à recueillir de l'argent en 1818.
Le projet est dessiné par le sculpteur danois Bertel Thorvaldsen et taillé en 1820-1821 par Lukas Ahorn, dans la falaise d'une ancienne carrière de grès près de Lucerne. Il mesure dix mètres de long sur six mètres de haut.

Lion de la Confédération, à Atlanta. 


Le monument porte une dédicace latine, Helvetiorum Fidei ac Virtuti (À la loyauté et à la bravoure des Suisses). Le lion mourant est présenté empalé par une lance, couvrant un bouclier portant la fleur de lys de la monarchie française ; un autre bouclier à côté de lui porte les armoiries de la Suisse. Une inscription sous la sculpture répertorie les noms des officiers et le nombre approximatif des soldats morts (DCCLX soit 760) et survivants (CCCL soit 350).
La pose du lion est copiée en 1894 par Thomas M. Brady pour son Lion de la Confédération situé dans le cimetière d'Oakland à Atlanta (États-Unis).

Le service étranger


Le service étranger englobe le mercenariat, où des mercenaires sont fournis à un prince par un chef de guerre agissant pour son propre compte, et le service capitulé, réglé par des accords ou capitulations passés entre Etats.




1 - Le service étranger dans l'historiographie

Le service étranger relève de l'histoire militaire et politique, dont il est un secteur capital pour l'étude de la période du XVe à la fin du XVIIIe s. Or l'histoire militaire a connu au XXe s. des mutations importantes qui l'ont éloignée de l'"histoire-bataille" traditionnelle. Décloisonnée, internationalisée, elle est notamment devenue l'histoire "des militaires", relevant davantage de l'histoire sociale et économique, de l'analyse des institutions militaires ou des relations entre armée et société, que des épopées nationales.

Cette évolution est aussi perceptible en Suisse. La place du service étranger dans l'historiographie suisse est substantielle dès le XVIIIe s. Longtemps décrié, considéré comme une sombre page de l'histoire suisse, nuisible à l'affirmation et à la cohésion nationales, il se charge au contraire, au début du XXe s., d'une valeur positive. Réhabilité notamment par Paul de Vallière, il est élevé au rang d'élément constitutif de l'identité nationale. On ne retient que l'exaltation du courage, la fidélité et le désintéressement des mercenaires, exemplaires des valeurs patriotiques. Cette inclusion dans la mythologie nationale se charge de sens dans le contexte des deux guerres mondiales et de l'entre-deux-guerres, mais elle contribue aussi à retarder la modernisation de l'étude du service étranger. Depuis les années 1970 toutefois, une attention accrue est portée au substrat socio-économique du service étranger, sans négliger les données politiques et diplomatiques, les attitudes et les mentalités, le poids des traditions familiales ou locales. La conscience s'est affirmée de la complexité du sujet, de ses incidences sur les structures sociales, l'économie, la démographie ou les modes de diffusion culturelle.

Ce regard neuf implique une documentation nouvelle, diverse, d'origine militaire ou civile, dans les pays d'embauche et en Suisse même: contrôles de troupes offrant prise à l'analyse statistique et à la reconstitution de la composition des unités, des carrières, des aspects économiques du service; archives d'unités; documents de nature réglementaire: capitulations, ordonnances, règlements; sources classiques de l'histoire sociale: état civil, registres notariaux, archives judiciaires. En Suisse, on relèvera l'intérêt des registres des "chambres des recrues" (Rekrutenkammer, Werbungskammer).

2 - Le service étranger, des origines au milieu du XIXe siècle

2.1 - La ligne générale

L'âge d'or du service étranger se place entre les guerres d'Italie et la Révolution française. Auparavant, c'est la genèse d'une pratique dont les formes se stabilisent dès 1515. Après la Révolution, on peut parler de la survie d'une tradition déjà en perte de vitesse au XVIIIe s., de plus en plus anachronique par rapport aux mentalités et aux formes de l'organisation militaire des Etats naguère demandeurs. Ces 280 ans peuvent se décomposer en deux temps, séparés par la coupure des années 1670.

Avant 1670, c'est l'époque de la Reisläuferei, soit des enrôlements de bandes de mercenaires, puis de compagnies aux ordres d'un capitaine-entrepreneur (Entrepreneurs militaires), enrôlements généralement très temporaires, le temps d'une campagne, quelques semaines ou quelques mois. Dès 1670, d'abord en France, apparaissent les unités de mercenaires permanentes, intégrées à des armées qui deviennent elles aussi permanentes. La taille des unités s'élargit, la durée des engagements se précise et s'étend. La réglementation du service devient plus rigoureuse, la hiérarchie plus marquée, la discipline plus exigeante; les aspects techniques de la formation du soldat, dans un système où se resserrent les liens entre art militaire et technologie, prennent de l'importance, avec la modernisation de l'armement (généralisation du fusil à silex et à baïonnette à douille, apparition des grenadiers et disparition des piquiers, développement de l'artillerie). Au combat, la redéfinition de l'emploi de l'infanterie conduit au morcellement des unités et à la diminution de la profondeur des lignes (le carré ou hérisson est dépassé), dans une précision plus exigeante des mouvements. Les formes de la guerre s'adoucissent, avec la progressive interdiction du pillage, longtemps partie intégrante de la rétribution du mercenaire, ou la disparition de la tradition du massacre des prisonniers et des blessés ennemis.

2.2 - Les étapes principales

Dès le début du XIIIe s., des "Suisses" se rencontrent au service des empereurs; à la fin du siècle, des Confédérés soldés combattent pour Rodolphe Ier de Habsbourg. Ces pratiques se multiplient au XIVe s., notamment en Italie (service des Visconti à Milan). Le convenant de Sempach (1393) essaie vainement de limiter cet usage.

Très rapidement apparaît la distinction entre troupes officiellement levées, "avouées", capitulées, en principe seules autorisées, et les enrôlements individuels ou par bandes, souvent interdits, parfois tolérés. Le service étranger est une affaire d'Etat, placée sous le contrôle d'un gouvernement cantonal qui pratique une "politique du mercenariat" et s'efforce d'en maîtriser les flux; la Diète s'y essaie aussi, vainement. Les enrôlements se multiplient au XVe s., freinés cependant par l'impérialisme des cantons qui ont besoin de soldats pour satisfaire leurs ambitions propres.

Le service de France connaît un fort développement. La première alliance franco-suisse, en 1453, constitue une base diplomatique durable. Les victoires des guerres de Bourgogne font monter la cote des Suisses. En 1480, Louis XI engage un corps d'auxiliaires suisses régulièrement constitué. Dès 1481, il accorde aux militaires suisses en France des privilèges, notamment fiscaux, ultérieurement complétés. En 1497 est mise sur pied à Paris la compagnie des Cent-Suisses de la garde, première unité helvétique permanente. On assiste alors à une diversification du service: des Suisses servent en Espagne, Autriche, Savoie, Hongrie.

La participation suisse aux guerres d'Italie accroît sensiblement les effectifs; il y a par moment jusqu'à 10 000 ou 20 000 Suisses au service de France. Puis la suprématie de l'infanterie suisse, qui bute sur l'artillerie, est mise en échec lors des cuisantes défaites de Marignan (1515), de la Bicoque (1522), de Sesia (1523) et surtout de Pavie (1525). Il devient aussi de plus en plus difficile de séparer les intérêts supérieurs des cantons ou de la Confédération de ceux des classes dirigeantes directement concernées. L'émergence de ces problèmes et de ces inconvénients amène un débat sur le principe du service étranger et l'apparition d'une opposition critique, dont l'incarnation la plus virulente sera le réformateur Zwingli.

Le succès du mercenariat tient à des facteurs d'ordre militaire. Il est tout d'abord ancré dans les spécificités miliciennes du système de défense helvétique, dont il faut souligner la modernité: la levée générale obligatoire (Service militaire obligatoire) est exceptionnelle en Europe avant la Révolution française. Le devoir militaire est bien accepté, identifié à la défense d'une "patrie" concrète, vallée ou canton (Milices cantonales). La société suisse est aussi très imprégnée des valeurs guerrières propres à l'Occident chrétien et elle a le goût des armes et de la violence. Par ailleurs leurs victoires, acquises face à des ennemis souvent désunis ou décadents, donnent aux Suisses une réputation d'invincibilité. Ces aptitudes rencontrent un besoin: l'armée féodale, l'ost, ne suffit plus aux souverains qui ne parviennent pas à obliger leurs sujets au service militaire et optent pour l'engagement de professionnels soldés, renouant avec une longue tradition (voir les armées de l'Antiquité, largement composées de mercenaires).

C'est dans ce contexte que se développe au sortir du Moyen Age le système dit de l'entreprise militaire, caractérisé par l'intervention d'intermédiaires privés rétribués par les souverains pour recruter des unités, sans forcément les commander eux-mêmes. En Suisse, le dispositif est particulier; les cantons se substituent aux intermédiaires, traitent avec les monarques d'un côté et avec des chefs de bande ou d'unités de l'autre et encaissent une partie des bénéfices de l'opération, qu'il contrôlent.

Le service de France domine de manière écrasante, sur des bases diplomatiques nouvelles (Paix perpétuelle de 1516, alliance franco-suisse de 1521 et ses renouvellements) incluant des capitulations (la "capitulation générale" de 1553 est en vigueur jusqu'en 1671), ce qui raréfie les enrôlements illicites. Des mercenaires suisses participent en masse aux guerres de religion, du côté catholique et du côté réformé, sans pour autant se rencontrer sur le champ de bataille. L'organisation des troupes se précise: instauration en 1526 des revues mensuelles, payement plus régulier, apparition de régiments commandés par des colonels, d'arquebusiers helvétiques. Dès 1571 un "colonel général des Suisses et Grisons" fait le joint entre le gouvernement et les Suisses, sans les commander; dans cette charge lucrative et honorifique se succéderont les plus grands noms de la noblesse française. Une seconde unité permanente est fondée en 1616 par Louis XIII, le régiment des Gardes suisses. Par ailleurs la diversification des services s'accélère: de nombreuses capitulations sont signées avec l'Espagne (pendant la guerre de Trente Ans surtout), la Savoie, Venise, Gênes. Le service non avoué reprend aussi vie, par exemple en Suède, Saxe, Bavière.

Dès 1671, Louis XIV, au service duquel se sont constituées de nombreuses compagnies "franches" ou "ambulantes", hors capitulations, crée des régiments suisses permanents, portant le patronyme de leur colonel. Le régiment bernois d'Erlach, sur pied dès 1672, est le premier des onze régiments de ligne créés et maintenus jusqu'à la Révolution. L'introduction de régiments permanents, bientôt généralisée en Europe, s'explique en partie par les mutations des techniques guerrières évoquées ci-dessus, qui exigent une formation plus longue et plus poussée. On engage dès lors pour trois ou quatre ans, parfois plus. Les Suisses perdent dans ces réformes ce qui restait de leur supériorité sur le champ de bataille, mais l'érosion est lente et compensée par des hauts faits d'armes qui prolongent leur réputation.

Parallèlement au service de France, principal demandeur (en 1678, à la fin de la guerre de Hollande, sept régiments et quarante compagnies franches, soit un effectif théorique de 25 000 hommes), les autres services se développent. Les capitulations des cantons catholiques avec l'Espagne sont nombreuses jusqu'à la fin du XVIIIe s. Les réformés, en dehors de la France, se rapprochent des Provinces-Unies. On sert aussi en Grande-Bretagne, en Pologne, en Autriche (jusque vers 1740), en Savoie. Le service de Venise disparaît en 1719.

Au XVIIIe s., on commence à percevoir la décadence du mercenariat helvétique, décadence d'abord "économique et morale" selon Richard Feller, avant d'être statistique. Les Suisses s'interrogent sur les avantages et les inconvénients de cette tradition. Pour les propriétaires d'unités, dont les charges ont crû (l'équipement des soldats est aux frais des propriétaires, sauf les armes; le poids économique de la désertion est très lourd), les risques financiers augmentent. Pour les hommes, la disparition du pillage et la diminution progressive de la valeur réelle de la solde entament l'attrait du service, dans une société en mutation économique où les facteurs favorables à l'émigration perdent en importance. Le durcissement de la discipline avec l'introduction du drill modifie l'image du service. La condition du soldat est perçue comme avilissante et des préjugés négatifs se développent, influencés par l'esprit du siècle qui dévalorise le métier des armes. Notons encore l'influence du drame de la bataille de Malplaquet, en 1709, où des Suisses, servant à la fois dans les rangs français et dans ceux de la coalition (Empire, Prusse, Grande-Bretagne, Pays-Bas), s'entretuent: 8000 d'entre eux sont massacrés dans cette boucherie. Les réformes du ministre français Choiseul, en 1764, déplaisent en Suisse, car elles augmentent le poids du contrôle de l'Etat sur les unités de mercenaires. La fin du siècle est une période de paix, donc d'inactivité militaire peu favorable au maintien du service étranger.

La Révolution et l'Empire accélérent ce déclin, remettant en cause le principe du mercenariat au moment où émergent l'armée nationale moderne et le service obligatoire. En France, un décret de juillet 1791 supprime tous les régiments étrangers, sauf les suisses, au vu de la décomposition disciplinaire des unités proprement françaises. Cette décomposition gagne aussi les troupes suisses, de plus en plus impopulaires, exposées à la propagande révolutionnaire. Des Gardes suisses désertent dès juillet 1789, le régiment de Châteauvieux se mutine à Nancy en août 1790 et sa révolte est rudement mâtée. Le massacre des Tuileries, le 10 août 1792, provoque l'indignation au pays et débouche sur le licenciement des troupes suisses par le décret de l'Assemblée législative du 20 août 1792. Le service de France est interrompu jusqu'en 1798. Son rétablissement est marqué par une dénaturation fondamentale, puisque, fruit de la contrainte politique, il devient obligation, conscription partielle déguisée. Cette dérive perdurera sous l'Empire. Un nombre important de Suisses s'engageront toutefois à titre individuel dans les armées révolutionnaires et napoléoniennes.

On assiste à une renaissance de la tradition à la chute de Napoléon. Les troupes suisses en France passeront volontairement au service de Louis XVIII et la Garde royale sera recréée. Une dernière capitulation est signée en 1816, pour quatre régiments de ligne et deux régiments de la Garde, soit un effectif théorique de 14 000 hommes. Le sursaut est de courte durée: le principe du mercenariat est de plus en plus attaqué en France et en Suisse. Trois cents Suisses se font encore tuer lors de la révolution de Juillet 1830, en défendant les Tuileries et le Louvre et, dès août, la Diète rappelle tous les régiments. C'est la fin du service de France, qui survivra dès 1831 sous la forme de la Légion étrangère; mais il ne s'agit plus que d'enrôlements individuels, sans intervention des autorités cantonales.

En Suisse, les critiques du mercenariat se multiplient. Le développement d'un sentiment national, la démocratisation des institutions et de l'opinion condamnent cet archaïsme. En outre de nouvelles formes d'émigration massive se développent, capables de résoudre de manière plus acceptable les problèmes dus à une surpopulation relative.

Le service d'Espagne disparaît par décret des Cortès en 1823; le service de Hollande dure jusqu'en 1829 (capitulation de quatre régiments en 1814); celui de Savoie disparaît en 1815 (les Cent-Suisses de la Garde en 1832) et celui d'Angleterre en 1816. Les deux services les plus durables seront celui du pape (deux régiments capitulés en 1832, dissous en 1849 lors de la révolution romaine, reformés sous le nom de régiments étrangers, dont un subsistera jusqu'en 1870) et celui du royaume de Naples, disparu en 1789, réapparu en 1825, aboli en 1859.

Le cas de Naples est au cœur de la discussion qui amènera l'abolition du service étranger. L'article 11 de la Constitution de 1848 prohibe la signature de nouvelles capitulations, sans abolir celles déjà souscrites ni interdire les enrôlements individuels. L'interdiction de toute forme de service étranger sans l'autorisation du Conseil fédéral date de 1859. C'est ainsi que, par exemple, les combattants volontaires de la guerre d'Espagne furent poursuivis pénalement. C'est la disparition juridique du mercenariat, qui se maintiendra très marginalement sous des formes particulières (Garde suisse pontificale), mais sans plus avoir la dimension d'un phénomène social.

3 - Importance et effets démographiques

Il est extrêmement difficile de déterminer le poids de l'émigration militaire, en dépit des certitudes longtemps avancées. Selon Wilhelm Bickel (1947), il y aurait eu entre 900 000 et 1,1 million de soldats suisses ayant servi à l'étranger du XVe s. à 1850; Vallière va jusqu'à deux millions. Une approche critique basée sur des réalités comptables et non sur les effectifs prévus par les capitulations, conduit à une sensible réduction (travaux de Markus Mattmüller), cependant non sérieusement quantifiable. On sait maintenant que les effectifs réels des unités capitulées étaient très souvent inférieurs au vœu exprimé dans les capitulations, et que les troupes "suisses" comprenaient une forte proportion d'étrangers, pouvant dépasser 50%.

L'analyse de la destinée des soldats révèle l'ampleur considérable de la mortalité en service; Willy Pfister l'estime à 18,1% pour les 8000 Argoviens bernois ayant servi en France, en Sardaigne et aux Pays-Bas au XVIIIe s. Plus que les combats, ce sont les maladies et les épidémies qui tuent. La surmortalité est très nette chez les jeunes recrues. Une autre révélation est l'importance de la désertion, plaie des armées d'Ancien Régime, dont l'historiographie traditionnelle exemptait les mercenaires suisses. Liée aux formes du recrutement, provoquée par le dégoût de la discipline et de la vie militaires, la désertion découle aussi d'impasses économiques, le soldat étant souvent endetté auprès de son capitaine qui peut en fin de contrat exiger une prolongation du service. Au XVIIIe s., les Suisses semblent avoir déserté autant que d'autres (environ un quart des effectifs argoviens susdits).

L'impact démographique de l'émigration militaire, a priori conçue par les intéressés comme temporaire, n'a pu être globalement mesuré. Si la ponction, saisie à l'échelle d'une région ou d'un canton, pour la fin du XVIIe et le XVIIIe s., ne dépasse pas quelques pourcents de la population totale, ses effets micro-régionaux ont pu être sensibles. La relativisation du nombre des départs en fonction de celui des hommes en âge de servir, économiquement le plus actifs et en âge de procréer, le démontre (voir l'exemple du canton de Glaris). A la perte sèche consécutive aux départs s'ajoutent l'effet des absences temporaires sur la natalité et un déséquilibre dans la répartition sexuelle de la population, qui augmente le nombre des célibataires et pousse à l'émigration féminine. Ainsi le service étranger a pu constituer un frein réel à la croissance démographique.

4 - Aspects économiques et sociaux

Les retombées économiques du service étranger en Suisse peuvent se saisir à plusieurs niveaux. Celui des finances publiques tout d'abord, sous la forme des Pensions payées par les souverains demandeurs aux autorités des cantons accordant le recrutement; il y a là un bénéfice net. Ce type de prestation peut se doubler de pensions privées, accordées aux intervenants haut placés dans la négociation. Instaurée au XVe s., la pratique des pensions se généralise au XVIe et les montants augmentent, les sommes versées pouvant représenter, surtout dans les petits Etats à landsgemeinde, une part importante du budget cantonal. Toutefois, elle tend à diminuer au XVIIIe s. avec la croissance des rentrées fiscales.

Quant aux officiers, leurs espoirs de gain sont aléatoires, dépendant, pour les capitaines propriétaires de compagnie, de leur aptitude à une saine gestion de l'unité, des conditions de la capitulation, mais aussi de l'utilisation de la compagnie et des capacités financières du commanditaire. Les impondérables sont nombreux et les bénéfices varient beaucoup. Aux XVIe et XVIIe s., si les enrichissements spectaculaires sont rares, la situation est relativement favorable. Elle commence à se dégrader dès la fin du XVIIe s., alors que le coût du recrutement augmente, que la désertion se banalise, que les pertes en hommes croissent et que le contrôle financier du Dienstherr se précise. L'endettement devient une modalité courante de financement. La dégradation de la situation financière de l'entrepreneur militaire est une caractéristique du XVIIIe s. Seuls quelques officiers supérieurs, colonels ou généraux, peuvent encore s'enrichir, alors qu'aux siècles précédents, le service étranger était à l'origine de l'aisance de maintes familles. Les officiers subalternes ont de plus en plus de peine à s'en sortir sans l'aide de leur famille; pour obtenir de l'avancement, il leur est souvent indispensable de disposer d'appuis, de réseaux d'influence et de moyens financiers. Dans ces conditions, le maintien, voire le développement d'une tradition de service dans certaines catégories sociales est paradoxal. A Zurich, cette tradition répond au souci de maintenir ou d'acquérir une influence politique, à l'attrait d'un style de vie nobiliaire et peut aider à l'ascension sociale de la bourgeoise urbaine.

La misère de la condition des simples soldats est patente au XVIIIe s. lorsque la valeur réelle de la solde régresse sensiblement, ce qui contraste avec la situation antérieure, où l'attrait économique du mercenariat était indéniable. Les retenues sur la solde ou sur la prime d'engagement (Handgeld) se multiplient et il devient impossible de faire des économies en vue du retour au pays. La dégradation salariale conduit à un déclassement économique et entraîne une diminution des engagements, d'autant que les emplois se multiplient au pays. Alors que dans les décennies qui précèdent la Réforme, on se plaint d'une pénurie de main-d'œuvre due à l'ampleur des recrutements et qu'aux XVIe et XVIIe s. les capitaines rencontrent peu de difficultés pour mettre sur pied leurs compagnies, tout change au XVIIIe. Ceci entraîne une corruption des méthodes de recrutement et une augmentation de la part des marginaux et des étrangers dans les régiments suisses.

Dans une appréciation très générale, on peut considérer que jusqu'à la fin du XVIIe s., le service étranger contribue à réduire le surpeuplement relatif de la Suisse et influence de manière positive la formation du revenu national, malgré des rentrées financières directes plutôt modestes. La corrélation économie-recrutements est bonne, spécialement en phase de crises conjoncturelles. Au XVIIIe, les retombées positives s'estompent et finissent par disparaître. Même en période difficile, on ne constate plus de recours massif au mercenariat. La dévalorisation du métier des armes s'affirme et cette perception n'est pas le propre des élites socioculturelles. Elle se diffuse dans la population tout entière, via le clergé, surtout réformé, vieil ennemi du service étranger, les récits d'anciens soldats et les abus visibles du racolage. L'attractivité économique et la valeur sociale du mercenariat sont durement atteintes. A terme, la tradition est dès lors condamnée; la décadence amorcée au XVIIIe s. se précipite au XIXe.

La garnison fribourgeoise du Fort de Barraux (Isère - France)

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Ancien fort, situé sur la commune de Barraux (au nord de Grenoble) dans la vallée du Grésivaudan.

La construction du fort fut entreprise par Charles-Emmanuel le grand, duc de Savoie et commença le 24 août 1597, le jour de la Saint-Barthélémy.


En l'an 1600, le Roi Henri IV visite le Fort et décide de faire garder le fort par des fribourgeois et des fédérés et gens du canton d'Uri en raison de leur religion catholique parlant français méprisant les savoyards. Ce qui fut fait à partir de 1603. Car le Roi voulait faire de ce fort un poste avancé certes , mais surtout un poste de ravitaillement bien entretenu et gardé qui devait servir aux troupes du roi le cas échéant, qui pouvait ainsi se déplacer plus rapidement étant sur de trouver vivres et munitions à Fort Barraux.

Il semblerait, que la première compagnie citée au Fort pour sa garde et son approvisionnement était celle de Ulmann Heyd qui aurait été remplacé en 1630 par la compagnie de Antoine de Reynold. Cette compagnie dite de Reynold, semble s'être installée dans le Fort pour une bonne période, se transmettant certainement toujours sous le même nom. Cependant, nous manquons de preuves à ce sujet. Nous pouvons pourtant penser que cette compagnie était en poste en 1664-1665, période qui nous intéresse. Nous trouvons des noms de soldats qui se seraient mariés et installés au Fort.  Les actes du XVIIe siècle ne sont que fragmentaires. Il n'y a de rôle de la compagnie de Reynold qu'à partir de 1700 et du recrutement qu'à partir de 1719.

Quelques-uns de ces noms sont aux archives de la Mairie de Barraux.





Philippe Henry