Chu de che / Je suis d'ici / Sono di qui / Ich bin von hier ! Notre liberté ne nous a pas été donnée, mais combattue et priée par nos ancêtres plus d'une fois! Aujourd'hui, comme autrefois, notre existence en tant que peuple libre dépend du fait que nous nous battions pour cela chaque jour. Restez inébranlable et soyez un gardien de la patrie pour que nous puissions remettre une Suisse libre telle que nous la connaissions à la génération suivante. Nous n'avons qu'une seule patrie!

lundi 6 mai 2013

La bêtise supposée du peuple


Curieusement, ceux qui combattent l’idée considérée comme idiote d’une élection du Conseil fédéral par le peuple utilisent des arguments qui ne le sont pas moins -- notamment la bêtise soupçonnée et sous-entendue dudit peuple.

Cette lune-là est bien vieille, c’est sûr. Une des plus vieilles même, cerise blette sur la reine des tartes à la crème. L’élection du Conseil fédéral par le peuple! Et pourquoi pas par les martiens, ou les girafes à col court, entendrait-on presque ricaner de-ci, de-là.

Pour un scrutin à deux tours, rappelons-le quand même, chaque quatre ans, et réservant deux sièges à la Suisse latine.
 Difficile certes au premier abord de donner tort au sage d’entre les sages, le vieux Couchepin qui bouge encore et soutient, dans Le Temps, qu’une élection par le peuple verrait le triomphe de personnalités passe-partout, fades en diable et adoubées par le mol consensus médiatique.

Sous-entendu: moi qui n’ai jamais loupé une élection, dans celle au Conseil fédéral je me serais planté profond, tellement j’étais impopulaire et tellement forte était ma personnalité. Ce qui s’appelle un argument ad hominem, ou plutôt, dit avec l’accent, la preuve par bibi.

Sauf qu’une récente élection populaire, valaisanne de surcroit, est venue contredire le géant de Martigny. Une personnalité forte, ultra clivante, détestée par des médias certes schizophrènes qui lui ont offert, et continuent, le don d’omniprésence et d’ubiquité dans les colonnes et autres fenestrons, a été malgré tout plébiscitée par ce peuple tellement ignare et moutonnier aux yeux du grand fauve Pascal. Oskar Freysinger, donc, nouveau chef des écoles et de la police, ce qui sonne un peu comme dans un polar sicilien.

Quant à l’inquiétude couchepinienne concernant une prétendue incapacité romande à évaluer une candidature mettons thurgovienne, elle semble là aussi présupposer que la Suisse serait un endroit peuplé majoritairement d’imbéciles. Aussi bien au bord du Léman, où l’on serait inapte à la curiosité, que le long du lac de Constance, où l’on ignore sans doute la notion même de campagne électorale.

Enfin prétendre que le système actuel favorise l’émergence de fortes personnalités, la seule énumération du Conseil fédéral en exercice suffirait à réduire l’argument en cendres menues. Schneider-Ammann, Burkhalter, Maurer, Berset, où êtes-vous? Qui êtes-vous?

S’agissant des parlementaires — tel le socialiste zurichois Andreas Gross — soutenant que l’élection du Conseil fédéral par le peuple affaiblirait le parlement, leur avis a autant de valeur que celui de voleurs de pommes qui se prononceraient contre l’augmentation du kilo de golden.

Certains vont même plus loin que le soupçon de bêtise et d’ignorance fait au peuple. Couchepin, toujours lui, le dit sans détour: ce peuple-là, celui de la démocratie, celui qui tranche et élit, il en professe le plus net mépris, car dans cette configuration, demande-t-il, «qu’est-ce que le peuple en Suisse? 50%, plus une voix». Pouah, pouah, pouah en effet.

C’est pourtant cette froide entité administrative qui s’apprête, si l’on en croit les sondages, à refuser le cadeau empoisonné de l’UDC. Consciente peut-être de cet argument qui suffirait à lui seul à condamner la fausse bonne idée: la force principale du système suisse n’est-elle pas de n’octroyer à chacun que des bribes de pouvoir, des miettes d’autorité, à ne concentrer aucun vrai pouvoir entre une unique paire de mains?

La légitimité issue d’une élection triomphale devant le peuple pourrait mettre à mal ce fragile équilibre. Cette absence de pouvoir réel ne serait-elle pas à l’origine d’une gouvernance apparaissant de plus en plus, comparée du moins à ce qui se fait ailleurs, comme un petit miracle de vertu et de sagesse?