Les habitudes médiatiques changent avec les générations
Ils ont grandi avec internet et c’est sur internet qu’ils vont chercher de l’information gratuite. La presse traditionnelle et payante est-elle condamnée ?
«Aujourd’hui, les jeunes cherchent l’info ailleurs, explique Florence Ruffetta, responsable marketing au «Matin Dimanche». Ils sont habitués à internet et s’attendent à tout y trouver.» En effet, actuellement, les jeunes «n’ont pas le réflexe de consulter les médias traditionnels. Mais si un quotidien leur tombe sous la main, ils sont preneurs», renchérit Jean-Blaise Held, journaliste, enseignant et codirecteur de l’agence Microplume.
Ainsi, la plupart des jeunes sont loin de ne pas s’informer du tout. C’est plutôt la manière de le faire et le support médiatique qu’ils plébiscitent qui changent. «Chez les jeunes, l’information passe avant tout par internet, observe Jean-Blaise Held. Même ceux qui sont avides d’actualité s’informent principalement par ce biais.»
Si, au niveau universitaire, beaucoup d’étudiants s’informent régulièrement via les grands médias, les plus jeunes se contentent des journaux gratuits, certains ne s’informent même pas du tout. Ce qui interpelle Jean-Blaise Held: «Imaginer qu’une proportion non négligeable de jeunes ignore tout de ce qui se passe en Syrie ou en Egypte, cela laisse une impression étrange.» L’enseignant s’interroge: «Comment peut-on garantir la démocratie si les citoyens ne disposent plus d’un socle de connaissances solide lié à l’actualité?»
La démocratie menacée?
Toutefois, les médias ne délaissent pas leur jeune lectorat, comme le «Matin Dimanche» qui a lancé début 2011 une formule destinée aux 8-13 ans. Le «Petit Matin Dimanche» (PMD), proposé sous forme de quatre pages encartées dans le dominical romand, permet «aux parents de prolonger la lecture avec leurs enfants, explique Florence Ruffetta. Mais c’est aussi l’occasion d’habituer les tout-petits à l’actu.» En effet, le «PMD» explique le monde aux 8-13 ans mais il explore également des actualités parfois difficiles. «On ne veut pas éviter des thèmes comme la guerre en Syrie ou au Mali. On essaie de les expliquer à travers ce que les enfants vivent dans ces pays», indique la responsable marketing.
S’adresser directement aux jeunes, c’est aussi une manière d’accrocher de futurs lecteurs, selon Florence Ruffetta. Car il s’agit bien d’habitudes. Bastien Boschung, étudiant à l’Université de Fribourg, le confirme: «J’ai grandi avec des journaux à la maison et c’est la routine pour moi d’en lire tous les matins. S’il n’y avait plus de journaux chez moi maintenant, j’irais en acheter ou je m’abonnerais.»
Les jours sont comptés
Si on peut espérer que les gens continueront à s’informer, de quelle manière le feront-ils dans dix ans? Pour Bastien Boschung, les jours des médias traditionnels sont comptés: «J’aime bien tenir un journal entre mes mains, mais j’ai l’impression qu’on ne pourra pas lutter encore longtemps pour sauver la presse papier.» «Les médias traditionnels pourraient bien se relancer après ce gros creux», espère Jean-Blaise Held. Selon lui, ils sont les seuls qui ont la capacité de hiérarchiser et d’organiser l’information; un savoir faire capital si on veut que les citoyens 2.0 ne se retrouvent pas noyés sous le flot continu d’infos venues d’internet…