Ce spectacle hystérique et assourdissant sur la Syrie, à l'instar de celui d'Irak 2.0, n'a lieu que parce qu'un président des États-Unis (PDEU) a créé un problème de « crédibilité » lorsqu'il a imprudemment déclaré que l'utilisation d'armes chimiques en Syrie serait une « ligne rouge ».
Par conséquent, le gouvernement américain a un besoin urgent de punir le transgresseur - on se fiche bien des preuves ! - pour maintenir sa « crédibilité ». Mais cette fois-ci, elle sera « limitée ». « Taillée sur mesure ». Seulement « quelques jours ». Un « coup de semonce » - comme PDEU l'a qualifiée. Pourtant, certaines « cibles de grande importance », mais pas toutes, dont les installations de commandement et de contrôle, ainsi que les systèmes de lancement, en Syrie, devront accueillir un tir de barrage de missiles de croisière Tomahawk (384 sont déjà positionnés en Méditerranée orientale).
Nous savons tous que le Pentagone adore baptiser ses diverses libérations humanitaires à travers le monde avec des noms comme Renard du Désert, Vautour Invincible ou autres productions idiotes de remue-méninges. À présent, il est donc temps d'appeler à l'Opération Tomahawk Avec Fromage.
C'est comme commander la livraison d'une pizza. « Bonjour, je voudrais une Tomahawk avec fromage ». « Pas de problèmes, elles sera prête dans 20 minutes ». « Attendez une seconde ! Il faut d'abord que je berne l'ONU. Puis-je passer la prendre la semaine prochaine ? Avec un supplément de fromage ? »
En 1988, l'Opération Renard du Désert - lancée par Bill Clinton, alias « je n'ai pas eu de relations sexuelles avec cette femme » - était destinée à « dégrader », mais pas détruire, la capacité de Saddam Hussein à fabriquer des armes de destruction massive inexistantes. À présent, le déploiement de ces Tomahawks profondément moraux est également destiné à « dégrader » la capacité du gouvernement de Bachar el-Assad à lancer des attaques chimiques non prouvées.
Pourtant, il reste toujours ce satané problème avec les Arabes perpétuellement ingrats, qui, selon le New York Times, « sont émotionnellement opposés à toute action militaire occidentale dans la région, peu importe combien la cause est humanitaire ».
L'Opération particulièrement humanitaire Tomahawk Avec Fromage connaît toutes sortes de problèmes avec le calendrier. PDEU part la semaine prochaine pour la Suède, d'où il se rendra à Saint-Pétersbourg pour le sommet du G20, lequel se tiendra jeudi et vendredi de la semaine prochaine. La horde légendaire de « fonctionnaires anonymes de la Maison Blanche » a déployé ses talents de communication comme des centrifuges affolées, insistant sur le fait que PDEU doit conclure Tomahawk Avec Fromage avant de rassembler son courage pour affronter le Président russe Vladimir Poutine et les autres dirigeants des puissances émergentes.
Sondant ses impossibilités - avec un œil sur le calendrier et un autre sur la résistance à élargir sa mini-coalition de bonnes volontés - PDEU semble maintenant rechercher une stratégie de sortie qui abandonnerait, en fait, l'Opération Tomahawk Avec Fromage.
D'autres sont beaucoup plus déterminés. Une bande prévisible de 66 anciens « responsables du gouvernement » et « experts en affaires étrangères », tous Siocons [néoconservateurs sionistes], sous la houlette du Foreign Policy Initiative [initiative en matière d'affaires étrangères, groupe de pression militariste et sioniste créé par des personnalités néoconservatrices de premier plan], a publié une lettre exhortant PDEU à aller bien au-delà de l'Opération Topmahawk Avec Fromage, soutenant une pizza n'épargnant aucun ingrédient létal. Ce serait une véritable mission humanitaire, capable de soutenir les « rebelles » syriens « modérés et, par-dessus tout, « dissuader l'Iran de développer des armes nucléaires ».
Rebelle mais pas idiot
Voyons un peu ce qu'un « rebelle » syrien « modéré » pense de tout cela. Haytahm Manna, exilé depuis 35 ans, est un membre clé de l'opposition syrienne non-armée (eh oui ! Ils existent). Mais il ne suit pas ce scénario ; il est résolument opposé à Opération Tomahawk, avec fromage ou supplément de fromage. (Voir ICI).
Pire : il démystifie la « preuve » du gouvernement américain d'une attaque chimique comme étant de la « propagande » et une « guerre psychologique ». Il souligne que ces produits chimiques ont été lancés par des « armes artisanales » ; cela concorde avec ce que disent les services de renseignement russes, qui sont certains que le gaz a été envoyé par un missile artisanal tiré d'une base contrôlée par l'opposition.
Manna indique des « vidéos et des photos qui circulaient sur Internet avant les attaques » ; l'utilisation antérieure par al-Qaïda d'armes chimiques ; et les Russes qui « travaillent sérieusement aux négociations de Genève II », contrairement aux Américains.
Mince ! Ce n'est pas exactement ce à quoi s'attendaient les concepteurs de l'Opération Tomahawk Avec Fromage. Si un exilé syrien tire ces conclusions, la même chose s'applique aux civils syriens qui sont sur le point d'être salués par ces Tomahawk profondément moraux.
Le Pentagone pourrait toujours adopter le Plan B. Un seul Tomahawk coûte au moins 1,5 million de dollars. Multipliez ce chiffre par 384. Tout cet argent dépensé n'en vaut pas la peine - car même si tous ces Tomahawks sont tirés pour des raisons humanitaires, le gouvernement de Bachar el-Assad restera quand même en place.
Alors, pourquoi ne pas larguer des cargaisons de Ferraris California sexy dessinées par Pininfarina ? Elles se vendent aux alentours de 200.000 dollars. Imaginez la frénésie parmi les forces d'élite d'Assad se battant pour saisir le Gros Lot. Le regard alléché de ces derniers ayant été détourné, les « rebelles » pourraient facilement se faufiler partout et prendre Damas. Et peut-être même mettre en scène la parade de victoire sur une flotte de Ferraris photogéniques. Appelons ça une amélioration par rapport à la Libye.
L'Opération Tomahawk Avec Fromage pourrait quand même avoir lieu ; mème avec un calendrier bousculé ; mème en contournant l'ONU ; même avec une mini-coalition de bonnes volontés ; même en se moquant totalement de la loi internationale. La Maison Blanche a bien fait comprendre que la « paralysie diplomatique » ne peut empiéter sur sa « crédibilité ».
Quant à ce qu'il s'est passé dix ans auparavant, après l'invasion et l'occupation de l'Irak, c'est le gouvernement des États-Unis, des parties de l'Otan (la Grande-Bretagne et la France) et des parties du Conseil de la Coopération du Golfe (l'Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis) qui ont enterré le « dialogue » précédent euro-arabe tant vanté et qu'ils ont transformé en cabale atlantico-islamiste voulant à tout prix écraser une autre république arabe laïque. Vous parlez d'un fromage qui pue !
Pepe Escobar