Tous les partis européens ont choisi leurs candidats pour les élections européennes, Martin Schulz et Jean-Claude Juncker étant donnés favoris pour la nouvelle présidence de la Commission européenne.
«Je serais pour une application à toute l'Europe du modèle de démocratie helvétique», avait déclaré M. Schulz, aujourd'hui président du Parlement européen, à la «Handelszeitung». De fait, «l'Union européenne pourrait énormément apprendre de la Suisse», avait ajouté cet Allemand de 58 ans. (photo: Keystone)
«Peu importe pour la Suisse» lequel d'entre eux l'emportera, assure Klaus Armingeon, politologue à l'Université de Berne. Le conservateur Jean-Claude Juncker et le social-démocrate Martin Schulz sont tous deux des Européens convaincus. Tant l'un que l'autre ont toutefois par le passé fait des déclarations très positives sur la Suisse et montré de la compréhension pour sa situation.
«Je serais pour une application à toute l'Europe du modèle de démocratie helvétique», avait déclaré M. Schulz, aujourd'hui président du Parlement européen, à la «Handelszeitung». De fait, «l'Union européenne pourrait énormément apprendre de la Suisse», avait ajouté cet Allemand de 58 ans.
L'ancien chef d'Etat luxembourgeois Jean-Claude Juncker, 59 ans, avait pour sa part assuré dans le «Tagesanzeiger» qu'il avait prouvé être «un ami de la Suisse», précisant l'avoir «toujours défendue dans tous les domaines à Bruxelles».
«Pas une priorité»
Après le «oui» à l'initiative de l'UDC contre l'immigration, une question reste en suspens: lequel des deux candidats serait le plus enclin à prendre en compte les intérêts helvétiques dans les négociations avec l'UE?
Jean-Claude Juncker, originaire d'un petit pays en de nombreux points semblable à la Suisse, dont un pilier de l'économie est sa place financière et qui possède un système basé sur le consensus politique? Ou plutôt Martin Schulz, originaire d'Allemagne, un Etat lui aussi fédéral et qui entretient de bonnes relations avec son petit voisin du Sud?
Le politologue bernois Klaus Armingeon écarte la question d'un signe de main: «le différend entre la Suisse et l'UE ne repose pas sur un manque de compréhension mutuelle, mais sur la fin prévue de la libre circulation des personnes», souligne-t-il. Quelle que soit son identité, le président de la Commission européenne n'approuvera pas un ramollissement de l'accord, au contraire, assure M. Armingeon.
«Le devoir de la Commission est de garantir la cohésion», explique-t-il. «Si elle permet des exceptions pour la Suisse, les autres Etats vont vouloir en avoir eux aussi.»
«Grand ami de la Suisse»
Le politologue prend pour exemple l'actuel président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. Le Portugais a vécu six ans en Suisse et visité à cette époque tous les cantons du pays, selon ses dires. Il se décrit comme «un grand ami de la Suisse».
Après le «oui» à l'initiative contre l'immigration le 9 février, il a cependant souligné que les accords avec l'UE allaient tomber, poursuit Klaus Armingeon. M Barroso a affirmé que l'UE ne pouvait pas accepter que la Suisse ne participe que partiellement au marché commun. «Voilà ce que 'l'ami' a dit», lance le politologue.
Si un membre de la Commission européenne est important pour la Suisse, il s'agit, selon M. Armingeon, d'Ungare László Andor, responsable pour la libre circulation des personnes. Celui-ci l'a toutefois jusqu'ici défendue becs et ongles, comme tous les membres de la Commission.
Rôle bien plus important
D'après le politologue, le Service européen pour l«action extérieure de l'UE, subordonné à la cheffe de la diplomatie européenne et vice-présidente de la Commission européenne Catherine Ashton, joue un rôle bien plus important pour la Suisse. Il est le terreau des négociations entre les autorités helvétiques et l'UE. Les diplomates européens David O'Sullivan et Gianluca Grippa y sont attachés.
Si la Suisse et l'UE parviennent à un compromis, les meneurs des négociations devront convaincre la Commission européenne et, surtout, les gouvernements des 28 Etats membres, souligne M. Armingeon. Et ces derniers devront approuver à l'unanimité les concessions faites à la Suisse, précise-t-il.
Lourdes conséquences
Le coeur du problème, «c'est que des compromissions faites à la Suisse entraînent de lourdes conséquences politiques pour chacun des Etats et pour l'UE», ajoute le politologue. «Même les meilleurs amis de la Suisse hésiteront à payer ce prix.»