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mardi 20 mai 2014

Le massacre de centaines de dauphins se perpétue dans les îles Féroé au Danemark

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Photo sans retouche

Si le massacre d’animaux marins est souvent l’apanage des pays asiatiques (chasse à la baleine, massacre de dauphins au Japon, Corée du Sud, etc.), ces pratiques existent également plus près de chez nous. En Europe, outre la chasse à la baleine en Islande, un pays s’adonne chaque année au début de l’été à une pratique sanguinaire : le Grindadrap, soit le rabattage et le massacre de familles entières de dauphins-pilotes (ou globicéphales, ou encore baleines-pilotes) aux îles Féroé (Danemark)


Le grindadrap : une pratique très ancienne 

On peut affirmer avec certitude que le Grindadrap existe depuis le XVIe siècle, même s’il date probablement du IXe siècle. Cette chasse est également l’occasion, pour les jeunes pêcheurs qui s’y initient de soit-disant prouver leur virilité. De 1709 à aujourd’hui, les prises ont toutes été consignées dans un registre et tout cétacé attrapé y figure : chaque année, entre plusieurs centaines à plus d’un millier de baleines et dauphins sont capturés et tués.

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C’est aujourd’hui le Musée d’Histoire Naturelle des îles Féroé, à Tórshavn, qui détient ce fameux registre. Les Féringiens[2] sont le dernier peuple du Nord à s’adonner à ce type de pêche à la baleine, alors que cette pratique était autrefois extrêmement répandue en Atlantique-Nord et même au-delà. A l’origine, le grindadrap demandait une grande coordination des pêcheurs embarqués sur des bateaux, qui devaient encercler un groupe de baleines ou de dauphins et les emmener dans une baie, où les cétacés étaient bloqués dans les eaux peu profondes.

Les pêcheurs restés sur le rivage s’avançaient dans l’eau et traînaient les baleines jusqu’au bord avec des cordes et des crochets, puis les poignardaient et les égorgeaient avec de grands couteaux (des grinds) tout en leur brisant la colonne vertébrale.

Des variantes consistent à harponner les baleines puis les capturer dans des filets. Après le Grindadrap, les participants comptent le nombre de prises et évaluent la pêche. Les autorités locales distribuent équitablement et gratuitement la viande et la graisse de baleine aux résidents, qui les ramènent chez eux pour préparer la viande. Un Grindadrap bien mené pouvait nourrir le village tout entier pendant des mois.


Scène de massacre lors d'un Grindadrap
© lail-alsahara.com



Une tradition culturellement très ancrée 

Autrefois nécessaires pour nourrir la population féringienne, les massacres de globicéphales n’ont plus de sens aujourd’hui alors que les iles Féroé affichent l’un des niveaux de vie les plus élevés d’Europe[3]. De plus, on sait aujourd’hui que la viande et la graisse de ces animaux contient des polluants et des substances toxiques, dues à l’activité d’industries lourdes d’autres pays, qui se sont accumulés dans les tissus des animaux via le processus de la bioaccumulation[4].

À cause de fortes concentrations de mercure et de PCB[5] dans ses tissus, la chair des globicéphales n’est plus considérée comme comestible par le corps médical féringien lui-même. Les taux de toxicité dépassent largement les limites imposées par la législation européenne. Beaucoup d’habitants ont réduit leur consommation de viande et de graisse de baleine, suite aux publications du système hospitalier féringien, mais cette consommation n’a pas disparu complètement : elle reste une tradition culturelle. Le Grindadrap perdure donc et est aujourd’hui le plus grand massacre de mammifères marins d’Europe. La « tradition » s’est largement modernisée : les Féringiens ont désormais recours aux bateaux à moteurs, à des radars, des téléphones portables… On est loin des barques et des signaux de fumée d'antan.

Vidéo déconseillée aux personnes sensibles 


Les globicéphales, une espèce menacée

Les dangers que doit affronter le globicéphale sont nombreux : surpêche, raréfaction de leur nourriture, pollution, acidification des océans, captures accidentelles, nuisances sonores liées aux activités militaires, tests sismiques… autant de raisons qui expliquent sans doute leurs échouages réguliers. À cela s’ajoutent ces massacres traditionnels particulièrement choquants. Dans la région des îles Féroé, la population de globicéphales est estimée à environ 31 000 (Waring et al . 2006), mais il n’existe pas d’information sur lestendances mondiales et cette chasse ne semble pas compromettre la survie de l’espèce, contrairement aux filets dérivants des chalutiers.

Aux îles Féroé, quelques mesures ont été prises pour limiter les prises : seules 23 plages autorisent ce type de pêche. Amener les cétacés sur une autre plage est illégal. De plus, le gouvernement a donné aux autorités civiles le pouvoir d’interdire le Grindadrap si la nourriture n’est pas nécessaire. Ailleurs en Europe, l’espèce est sérieusement protégée et des mesures sont prises pour éviter sa capture accidentelle, notamment via les filets dérivants interdits depuis 2002 dans l’Union Européenne.

Sea Shepherd, une des nombreuses organisations qui s'opposent au Grindadrap




Sea Shepherd[6] est engagé dans la lutte contre le Grindadrap depuis 1984 et a plusieurs fois navigué jusqu'aux iles Féroépour empêcher les massacres sur place. La fondation Brigitte Bardot s'est récemment associée à Sea Shepherd, et a cofinancé un navire moderne d'interception qui a notamment servi à dénoncer le massacre des îles Féroé.

Durant l'été 2011, Paul Watson et l'équipe de Sea Shepherd s'y étaient rendus pour aider au tournage d'un documentaire américain, intitulé « Whale Wars[7] ». Leur objectif était de recueillir des images et si possible empêcher le massacre des globicéphales. Aucun Grindadrap n'a eu lieu en leur présence, mais la pratique n'a pas cessé pour autant.

Sea Shepherd dépose un recours contre le Danemark

La lutte a récemment pris une autre tournure : l'organisme de protection des fonds marins a déposé un recours devant la commission européenne pour faire interdire le massacre aux îles Féroé. En effet, Sea Shepherd accuse le Danemark de violer trois conventions[8] dont la signature l'engageait à tout mettre en œuvre pour protéger les globicéphales.

Associée à la Fondation Brigitte Bardot, Sea Shepherd a envoyé une lettre ouverte à la reine Margrethe II du Danemark, appelant le pays à faire pression sur les îles Féroé pour faire abolir « une pratique aussi cruelle qu'inutile ». En l'absence de réponse, les deux organisations ont prévu de mener une campagne internationale contre le Danemark, dont ils jugent la complicité intolérable.

Selon Sea Shepherd, les globicéphales sont dotés d'une intelligence complexe, d'une conscience d'eux-mêmes et d'une grande solidarité entre membres d'une même famille : aussi l'agonie est un moment particulièrement atroce pour ces animaux. On peut d'ailleurs observer que les dauphins ne prennent pas la fuite, mais reviennent défendre les plus petits d'entre eux, pour finir tous massacrés...

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Notes

  1. Les îles Féroé sont un archipel situé entre la mer de Norvège et l'océan Atlantique nord, à peu près à mi-chemin entre l'Écosse et l'Islande. C'est une province autonome du royaume du Danemark depuis 1948.
  2. Un des trois peuples juridiquement rattachés au Danemark, avec les danois et les groenlandais. Ils sont environ 49 000 habitants, contre 5,5 millions de danois, soit moins d'1% de la population danoise.
  3. Le PIB/habitant est estimé à 33 500 $ en 2008, contre 36 900 $ en 2011 pour la France. Source : Index Mundi.
  4. La bioaccumulation désigne la capacité de certains organismes à absorber et concentrer dans tout ou une partie de leur organisme certaines substances chimiques, éventuellement rares dans l'environnement (oligoéléments utiles ou indispensables, ou toxiques indésirables).
  5. Les PCB sont des substances extrêmement toxiques pour l'homme et pour l'environnement. Voir : http://www.developpement-durable.gouv.fr/Que-sont-les-PCB-Quels-sont-leurs.html
  6. Fondée en 1977, Sea Shepherd Conservation Society est une organisation internationale à but non lucratif pour la protection de la faune et de la flore marine. Elle met en place des stratégies d'action directe pour enquêter et intervenir si nécessaire afin de combattre les activités illégales en haute mer qui détruisent les écosystèmes marins.
  7. Justiciers des mers est une série documentaire américaine qui suit Paul Watson, fondateur de la Sea Shepherd Conservation Society, et son équipage.
  8. Convention de Berne, Convention de Bonn et ASCOBANS