Chu de che / Je suis d'ici / Sono di qui / Ich bin von hier ! Notre liberté ne nous a pas été donnée, mais combattue et priée par nos ancêtres plus d'une fois! Aujourd'hui, comme autrefois, notre existence en tant que peuple libre dépend du fait que nous nous battions pour cela chaque jour. Restez inébranlable et soyez un gardien de la patrie pour que nous puissions remettre une Suisse libre telle que nous la connaissions à la génération suivante. Nous n'avons qu'une seule patrie!

dimanche 4 mai 2014

Les Yéniches : qui sont-ils?


Drapeau yéniche (non officiel)


Les Yéniches (en allemand : die Jenischen, adjectif : jenisch) sont des personnes appartenant à un groupe ethnique semi-nomade d'Europe dont l'origine semble varier selon les familles. Ils ont leur propre langue, la langue yéniche dont certains éléments donnent une indication sur leur histoire en Europe. On les trouve principalement en Allemagne (région du Rhin), Suisse, Autriche, France, Belgique, Mexique et probablement en Espagne sous le nom de Mercheros.

Ils sont souvent assimilés aux Roms, du fait de leur vie nomade (autrefois généralisée mais aujourd'hui partielle), en marge des sociétés sédentaires, et exerçant les mêmes métiers (rémouleur, ferrailleur, ou vannier, ce qui leur vaut le surnom de « vanniers » en Suisse romande et en Alsace), et parce que leur langue révèle des influences romanès. Mais la plupart des Yéniches refusent d'être considérés comme des Roms. Les persécutions et le racisme dont les Roms furent et sont encore parfois victimes, notamment en Allemagne, pourraient peser dans ce refus.

Environ 200 000 Yéniches vivent en Allemagne, dont 120 000 en Bavière, Rhénanie-du-Nord-Westphalie et Bade-Wurtemberg. La majorité des Yéniches d'Allemagne sont à moitié ou complètement sédentaires ; 29 000 sont des nomades, c'est-à-dire qu'ils vivent et voyagent toute l'année dans des caravanes. En Suisse il y a 50 000 Yéniches, dont 3 500 nomades. En Autriche vivent 35 000 Yéniches, surtout au Tyrol, dans le Mühlviertel, le Waldviertel et dans le Burgenland, dont environ 3 500 sont nomades permanents. En Hongrie vivent 60 000 Yéniches et 11 000 en Biélorussie, dont un nombre indéterminé de nomades. En Belgique on dénombrait, dans les années 1990, 70 000 Yéniches itinérants, le nombre de sédentaires n'étant pas connu. Au Luxembourg, ils seraient quelque 2 800. Dans les autres pays d'Europe de l'Ouest où ils sont présents, comme la France et les Pays-Bas, on n'en connaît pas le nombre. Selon Alain Reyniers, « les Yéniches constituent aujourd'hui en France, sans doute le groupe le plus important (parmi les nomades) ». Plusieurs familles yéniches habitent le bidonville du Ruisseau Mirabeau à Marseille, où ils se sont sédentarisés.

Leurs pérégrinations peuvent les mener jusqu'en Serbie ou en Estonie. Seule la Suisse les reconnaît comme une minorité nationale.

On trouve des traces qui indiquent la présence de groupes Yéniches en Suisse dès le XIe siècle et en Allemagne dès le XIIIe siècle. En Suisse allemande, l'expression fahrendes Volk (peuple errant) est utilisée dans le langage administratif et par les intéressés eux-mêmes et ce depuis le Moyen Âge.

Les Yéniches ont toujours été perçus selon l'esprit du temps de la société sédentaire environnante. Quatre caractéristiques demeurent, quelle que soit l'époque :

1.La langue yéniche a certes, comme toute langue, évolué au cours des siècles mais sa structure est restée la même, comme le montrent des documents remontent à 1250. En Alsace, cette langue est composée du dialecte alsacien (allemand du Moyen Âge qui a peu évolué depuis l'arrivée des Français au XVIIe siècle) avec un vocabulaire typiquement yéniche et des mots empruntés à la langue des Roms. Les anciens métiers ayant fait la renommée de la communauté (vannerie) ont laissé plusieurs expressions (Zeinemacher, Wet a Wirgüle, Zeinepflejer...).
2.Une organisation en clans familiaux.
3.Une vie nomade.
4.Un mode de vie particulier et rude, dont certains aspects existaient encore dans les années 1980 dans le nord de l'Alsace : pour le baptême (les Yéniches sont catholiques), certains nouveau-nés étaient plongés dans la rivière Moder, les nombreux tatouages sur toutes les parties du corps étaient faits avec des cutters ou des couteaux de cuisine, mêlant cendre de bois, salive, encre et schnaps, et quelques aspects religieux, comme le lâchage de lapins le jour de Pâques entre Schirrein et Bischwiller.

Les Yéniches alsaciens, suisses et d'Allemagne méridionale ont des ancêtres issus des groupes variés parlant le rotwelsch ; les locuteurs du rotwelsch étaient eux-mêmes d'origines très diverses : commerçants ashkénazes parlant yiddish, mendiants, bandits, et de nombreux petits artisans et commerçants du Moyen Âge allemand. Les Yéniches français semblent pour la plupart issus de familles d'origine complètement différente, exception faite de certaines familles alsaciennes qui ont des ancêtres communs avec les Yéniches allemands, comme par exemple la famille Ehrenbogen ; mais les familles alsaciennes en question trouvent en général leurs racines de l'autre côté du Rhin.

En Alsace, la langue maternelle des Yéniches (Vanniers d'Alsace, "Zeinamocher, Kalbmacher, Zeinapflejer") est un socle d'Alsacien mélangé à de l'argot Rotwelsch, ainsi qu'un important vocabulaire emprunté aux Manouches nomades ou sédentaires (exemples de Bischwiller dans le Bas-Rhin, ou du quartier du Neuhof à Strasbourg). On peut citer quelques patronymes Yéniches donnant une idée des métiers ou des origines des ancêtres : familles Siegler (« tuillier »), Schmitt (« forgeron »), Meckes, Secula, Ehrenbogen (« laurier »), Schneider (« tailleur »), Kraemer (« épicier »), Mundschau, Remetter, Fuhrmann (« charretier »), Bodein, Feiertag.

Les Yéniches en Europe

En 1037 et en 1574, des édits laïcs et ecclésiastiques attestent qu'il existait des voyageurs, des mendiants et des gens libres itinérants, appelés à l'époque « Yienische » et « Freileute » dans les documents laissés par les Bourgmestres et l’Église catholique romaine dans la zone autour de l'actuel Fribourg-en-Brisgau, dans la région d'Haslacher Feld.

Depuis la seconde moitié XIXe siècle, entre autres à cause de la sédentarisation décrite ci-dessus, les voyageurs n'étaient plus aussi nombreux qu'au Moyen Âge. Les Yéniches ont été socialement considérés par les communistes comme partie du sous-prolétariat (classe, selon Engels, « la plus proche du prolétariat »), ils ont trouvé dans les années 1920, dans les écrits des anarchistes (comme par exemple Erich Mühsam) et des non-conformistes une reconnaissance historique en tant qu'« exemple vivant d'une contre-société autonome et non conventionnelle ».

Bien que, pendant le nazisme, les publications du bureau de Santé du Reich et les écrits des théoriciens du racisme Robert Ritter et Eva Justin n'apparentent pas les Yéniches aux Roms, les Yéniches sont considérés par les nazis comme asociaux, déportés dans les camps de concentration, astreints à des travaux forcés et souvent massacrés.

Un grand nombre d'entre eux sont envoyés dans des Stalags, des camps pour prisonniers de guerre. « Stalag » était l'abréviation de « Mannschaftsstamm- und Straflager ». Ce type de camp était destiné aux hommes du rang, les officiers étant détenus dans des Oflags. Selon les conventions de Genève de 1929, ces camps sont réservés uniquement aux prisonniers de guerre, pas aux civils. On les employait aux travaux très pénibles, construction et rénovation des routes et voies ferrées, mines de pierre, ramassages des ordures…

«Les gens se méfient de nous»

«Les gens font toujours référence à nos Mercedes. Mais, regardez, il n’y en a que quelques-unes dans le camp. Au total, en Suisse, il y a une vingtaine de ces voitures luxueuses pour toute la communauté yéniche itinérante, soit environ 5000 personnes. Certains Yéniches ont des entreprises, avec des employés, ils ont bien réussi. Et, comme le reste du pays, nous avons des crédits.» Emmitouflé dans sa doudoune, assis sur une chaise de jardin à l’abri de la pluie, Mike Gerzner regrette que la population ne connaisse rien ou pas grand-chose de son peuple. «Nous sommes des Suisses comme les autres. La seule différence, c’est que nos maisons ont des roues!» explique le jeune père de 30 ans, montrant son véhicule rutilant.

C’est pour se faire connaître et faire entendre leurs revendications que les Yéniches suisses sont entrés en protestation, la semaine dernière. Ils ont occupé un emplacement à Berne et ont été expulsés de force par la police. La violence déployée lors de cette opération reflète, selon les Yéniches, la méfiance de la population à leur égard. «La situation s’est beaucoup dégradée ces dernières années, regrette Marco Graf, venu spontanément se joindre à la discussion. Les gens sont plus méfiants et plus agressifs avec nous.» La faute en incomberait principalement aux gens de passage, Roms ou Gitans, qui traversent la Suisse en laissant leurs déchets derrière eux, n’hésitant pas à envahir les champs privés. «Jamais nous ne nous permettrions d’agir de la sorte. Notre but, c’est que tout se passe bien pour que nous puissions revenir! Mais les gens ne voient qu’une caravane et mettent tous les itinérants dans le même panier», regrette le Zurichois de 28 ans.

Pour Albert Barras, brocanteur de 48 ans, cette situation subsistera tant que le terme «gens du voyage» sera utilisé indifféremment pour qualifier toute personne voyageant en caravane. «Nous n’avons aucun lien avec ces gens. Nous n’arrivons pas à communiquer ni à cohabiter avec eux.» Selon le Fribourgeois, la solution serait de prévoir des emplacements uniquement réservés aux Suisses itinérants.

«On a ça dans le sang»

De nombreux Yéniches possèdent un quartier général, un appartement, une place fixe dans une aire ou dans un camping, où ils passent les mois d’hiver. Mais, dès les beaux jours, ils se mettent en route. «Ça nous démange, on a ça dans le sang. J’adore rentrer chez moi à Zurich en hiver. Et para­doxa­lement, dès que j’y suis, j’ai envie de repartir», explique Marco Graf. Et pourtant la vie en route a ses contraintes. «Les gens pensent qu’on est au camping, mais c’est tout faux», confie Mike Gerzner. La moindre lessive devient ainsi un dilemme. «Beaucoup vont au Lavomatic, mais c’est parfois loin. C’est pourquoi certaines caravanes sont équipées de lave-linge.» A ce moment-là, Marco Graf se fait interpeller par ses deux filles de 6 et 8 ans. Elles l’attendent justement pour aller au Lavomatic de Berne. «J’ai une montagne de lessive, j’en ai pour la journée», soupire-t-il, en se levant.

Enfants scolarisés en hiver

Pareil pour l’écolage des enfants. Pendant l’hiver, ils sont scolarisés. En été, ils rendent visite un jour par semaine à un professeur privé. Le reste du temps, les mamans sont chargées de l’éducation et des devoirs. «Je n’ai été à l’école que pendant six hivers, et pourtant je n’ai jamais redoublé une classe», déclare fièrement le Schwytzois. Pour les factures, les Yéniches récupèrent une à deux fois par mois leur courrier dans leur case postale, chez eux. «J’ouvre tout de suite les lettres et je vais à la poste avec mon carnet jaune faire les paiements», raconte Marco Graf. Et, comme pour tous les ménages du pays, l’assurance-maladie constitue un poste important du budget. Mike Gerzner explique qu’il débourse près de 900 francs par mois pour son épouse, Valérie, son fils de 2 ans et lui. Mais, malgré les difficultés, aucun des Yéniches installés à Nidau n’aimerait changer de vie. «Je suis heureux comme ça, assure Mike Gerzner. Si on m’offrait une maison, je la louerais!» Un avis confirmé par Albert Barras. «Un appartement, c’est beaucoup plus grand qu’une caravane. Mais, en même temps, c’est tellement plus petit», dit-il en montrant d’un geste ample le campement. Ce rythme de vie est encore plus farouchement défendu par la jeune génération. «Je vais profiter encore de la vie de célibataire», explique François Ostertag, 21 ans. Ses camarades venus se joindre à la conversation se moquent de lui, et de ses occasions manquées. «A mon âge, on est presque déjà un vieux garçon», sourit le peintre-ferblantier. Doit-il épouser une femme issue de la communauté yéniche? «Non, elle peut être sédentaire, mais elle doit être prête à apprendre.» Car, il le sait, il ne pourra jamais se fixer. «C’est impossible», dit-il en se levant, illustrant la bougeotte qui les caractérise, lui et sa communauté.

Une vie faite d’incertitudes

Vendredi prochain, les caravanes quitteront le site d’Expo.02, à Nidau. «Nous avons donné notre parole aux autorités», explique Mike Gerzner. Et ensuite? Il n’en a aucune idée. «Peut-être aurons-nous une proposition du canton de Berne, sinon je n’exclus pas de rentrer quelques jours.» Albert Barras, lui, prendra peut-être contact avec un paysan qui lui permet régulièrement d’installer sa caravane dans un champ contre un petit défraiement. «Notre vie est faite d’incertitudes, nous ne savons jamais à l’avance où nous irons. Mais nous sommes libres!» La liberté, valeur si chère aux Yéniches et pour laquelle ils sont prêts à se battre.

Ce qu'il faut savoir sur les Yéniches

ORIGINES 
Les Yéniches appartiennent à un groupe ethnique semi-nomade d’Europe. Ils ont leur propre langue, le yéniche, de racine germanique. On trouve des Yéniches en Allemagne, en Autriche, en France, au Benelux et en Suisse. Les premières références à la présence de groupes yéniches dans le pays remontent au XIe siècle.

NATIONALITÉ 
Les Yéniches de Suisse sont… Suisses. Certains patronymes typiques de cette communauté (Gerzner, Ostertag, Graf, etc.) sont présents dans les registres depuis le XVIe siècle.

MÉTIERS 
Peintre, ferblantier, brocanteur, aiguiseur, vannier (d’où leur surnom en Suisse romande). Les femmes n’ont souvent pas d’occupation professionnelle et s’occupent du foyer.

DOMICILE 
Les Yéniches ont leurs papiers dans la commune où ils vivent durant l’hiver, ou alors leur commune d’origine. Ils y paient des impôts.

RECONNAISSANCE 
Les Yéniches sont considérés par la Confédération comme une minorité. Ils se battent afin d’être un peuple à part entière.

Egger Ph.