Chu de che / Je suis d'ici / Sono di qui / Ich bin von hier ! Notre liberté ne nous a pas été donnée, mais combattue et priée par nos ancêtres plus d'une fois! Aujourd'hui, comme autrefois, notre existence en tant que peuple libre dépend du fait que nous nous battions pour cela chaque jour. Restez inébranlable et soyez un gardien de la patrie pour que nous puissions remettre une Suisse libre telle que nous la connaissions à la génération suivante. Nous n'avons qu'une seule patrie!

lundi 8 décembre 2014

10 août 1792 : Le massacre des Gardes Suisses


Documentaire sur le tragique épisode du massacre des Gardes Suisses de Louis XVI, massacrés au château des Tuileries, alors qu'ils défendaient la famille royale, par des révolutionnaires fanatiques enragés et avides de sang.



L'horreur aux Tuileries

Le 10 août 1792 est une date-clé pour l'édification de la République française... et un cauchemar dans l'histoire des Suisses au Service de la France.

Retour sur cette journée historique, qui s'est déroulée dans un lieu que certains, aujourd'hui, rêvent de ressusciter.

«Jamais, depuis, aucun de mes champs de bataille ne me donna l'idée d'autant de cadavres que m'en présentèrent les masses de Suisses [...]»

C'est un expert en boucheries humaines qui s'exprime là, puisqu'il s'agit de Napoléon, qui se souvient, sur le tard, de cette fameuse journée du 10 août à laquelle il assista, alors jeune capitaine, en spectateur.

La Prise des Tuileries le 10 août 1792 par Jacques Bertaux, (Musée du château de Versailles)


«Qu'un sang impur abreuve nos sillons»

1792. Cet été-là est orageux. Depuis avril, la France est en guerre contre l'Autriche. Elle le sera bientôt contre la Prusse. Paris est électrique. Pression extérieure, échauffement intérieur, avec un roi qui refuse les décrets de l'Assemblée législative. Le 20 juin déjà, la foule a envahi les Tuileries, coiffant Louis XVI d'un bonnet phrygien qui le fera passer pour un pitre...

Le 1er août, on apprend à Paris que le duc de Brunswick, commandant des troupes ennemies, menace la ville de destruction s'il devait être fait le moindre outrage à la famille royale. L'insurrection monte. Et est amplifiée encore par les «fédérés», volontaires de l'armée française, qui arrivent des provinces.

Ainsi les Marseillais, révolutionnaires exaltés, entrent-ils à Paris en entonnant un chant sanguinaire, le «Chant de guerre de l'armée du Rhin». Le 10 août aura la couleur de ce brûlot écrit par Rouget de Lisle et qui deviendra plus tard «La Marseillaise».

Le tocsin sonne dans la nuit du 9 au 10 août, au matin duquel se constitue la «Commune insurrectionnelle de Paris». Louis XVI et sa famille sont aux Tuileries, entourés par leurs Gardes Suisses, un certain nombre de gentilshommes et des gardes nationaux, ceux qui ne sont pas encore passés du côté de la Révolution. Les Gardes-Françaises ont quant à eux quitté le bateau depuis belle lurette.

Ce jour-là, le peuple va envahir les Tuileries... alors que le roi a quitté les lieux dès 8h30 du matin pour se réfugier auprès de l'Assemblée.

Louis Augustin comte d’Affry (Général de corps d’armée, gouverneur militaire de Paris, général en chef de toutes les troupes suisses au service de la France, colonel de la garde suisse du roi de France, ambassadeur des intérets de la Confédération Helvétique en France).

Le 10 août 1792, en pleine révolution française, une partie de la garde suisse est massacrée, lors de la prise du Palais des Tuileries, celle-ci étant placée sous la responsabilité du comte d'Affry, que l'on s'en soit pris à lui et que l'on ait tenté d'en faire un bouc émissaire à Fribourg. Les quinze mille hommes des régiments suisses au service de l'Armée française, en sont le fer de lance, redoutés sur tous les champs de batailles. Les mille quatre cents hommes de la garde royale suisse, en sont le fleuron. A la suite du massacre, l'émotion est immense en Suisse. Certains, dans la Suisse populaire, celle des hommes de troupe de la garde, souhaitèrent y voir l'expression d'une indifférence et d'une incompétence supposées des aristocrates patriciens qui la commandaient. Des historiens suisses, patriotes, emportés par des certitudes préconçues qui flattent leur sens de l'épique, proposent, depuis, des explications manichéennes sans, de toute évidence, n'avoir jamais réfléchi en toute objectivité et sans avoir fait de recherches sérieuses sur le déroulement des événements de cette période. L'évocation des horreurs des massacres et de la valeureuse résistance de la garde est exacte. A cette occasion, la garde suisse fut héroïque. D'autant qu'il s'avère que le palais des Tuileries n'était pas fortifié, que la garde ne disposait pas d'artillerie à mitraille et qu'elle n'avait d'ailleurs pratiquement pas de munitions pour ses armes individuelles. Les assaillants, en fort surnombre, disposaient d'artillerie. Il est, faute d'être justifié, cohérent dans ces conditions, et si l'on ne se penche pas sur la réalité objective des faits, à partir des documents d'époque, d'affubler le comte d'Affry d'incompétence, voir de sénilité, compte tenu de son grand âge, comme cela fut fait par certains. Il est clair qu'une telle interprétation a longtemps arrangé beaucoup de monde en Suisse, pour les raisons précédemment citées. Quant aux historiens français, ils semblent s'être, dans leur majorité, limités à des conjectures abstraites à propos des événements du 10 août 1792 concernant les Suisses, sans que cela ne les préoccupe davantage. Avec une condescendance bien française, ils s'en sont remis aux Suisses qui, eux, s'en sont remis au flou. Il se trouve que ces considérations ne supportent pas une étude sérieuse et objective. Les correspondances du comte d'Affry démontrent irréfutablement que, malgré son grand âge, il dispose, en 1791 et 1792, de toute la vivacité et de toute l'acuité de son brillant esprit. L'étude minutieuse de ces correspondances et des faits politiques éclaire d'une tout autre manière son action et, à travers elle, le rôle important de la Suisse à la révolution française. Il ne fut pas incompétent, il fut brillant. Il n'est pas responsable du massacre d'une majeure partie de la garde suisse, il fut en fait le sauveur de la majeure partie de la garde, faute d'avoir réussi, comme il le souhaitait, à la protéger intégralement. Il réussira à protéger la famille royale dans la mesure de ses moyens, jusqu'à l'extrême limite du possible. Avant toute chose, il parviendra à protéger, dans cette période chaotique, les intérêts de la Suisse, et sans doute son existence même, au long terme. Parvenir à concilier autant d'intérêts divergents, et se positionner dans une perspective qui leur soit commune pour l'essentiel, relève d'un authentique génie politique.

Carnage

Le premier assaut est donné à 9h30. Les combats dureront jusqu'à 16h30. Entretemps, Louis XVI aura fait transmettre l'ordre aux Suisses de déposer les armes et de retourner dans leurs casernes. Au vu du climat paroxystique qui règne ce jour-là aux Tuileries, c'est de fait une véritable condamnation à mort.

Les Suisses, appelés depuis des décennies à assurer principalement des tâches de police, détestés par les Gardes-Françaises qui sont passés du côté de la Révolution, ancrés dans leur fidélité à un monarque accusé de pactiser avec l'ennemi extérieur, sont à ce moment-là haïs par la population.

Le carnage sera à l'échelle de cette haine. Des soldats sont égorgés, d'autres littéralement découpés en morceaux... Bonaparte notera que «des femmes bien mises se portent aux dernières indécences sur les cadavres des Suisses».

Combien d'entre eux mourront-ils ce jour-là? Les chiffres fluctuent selon les ouvrages: 760, 630... L'historien franco-suisse Jacques Czouz-Tornare revoit ces chiffres à la baisse en parlant quant à lui de moins de 400 victimes, plus 70 environ lors des exécutions qui suivront en septembre.

Quoi qu'il en soit, devant le succès des insurgés, l'Assemblée prononce la suspension du roi. Le 10 août 1792 met brutalement fin à treize siècles de monarchie en France.

Affrontement entre les Suisses et les insurgés (dessin d'Henri-Paul Motte, 1892)


Parfums d'émotion

Mais le massacre des Gardes Suisses reste présent dans certaines mémoires. «Ils ont quitté leurs casernes, celle de Rueil en particulier, pour aller défendre le roi. Et ils savaient que ce n'était pas pour une partie de plaisir: ils avaient enterré leurs drapeaux dans la cour de la caserne», raconte Liliane Kalenitchenko, conservatrice du Musée de Rueil-Malmaison, qui inclut le Musée Franco-Suisse.

Avant d'ajouter: «Leur drapeau portait la mention 'Honneur et fidélité'. C'est d'ailleurs ce qui leur a été reconnu par tout le monde. Une fois qu'ils avaient prêté serment, c'était 'à la vie, à la mort', ils l'ont prouvé le 10 août 1792».

Pour l'historien Pascal Payen-Appenzeller, la création du musée de Rueil est une petite revanche. «Si nous avons été massacrés aux Tuileries, c'est parce que nous avions remplacé les Gardes-Françaises, qui avaient décampé. Jamais nous n'aurions dû être là».

Point de vue discutable, puisque les Gardes Suisses étaient eux aussi les gardes des châteaux du roi. A noter que l'enthousiaste historien, pour évoquer les Gardes Suisses, dit «nous» ou «on» comme les supporters de foot lorsqu'ils parlent de leur équipe nationale !

Plaque commémorative dans les Catacombes de Paris, où les corps de nombreux tués furent inhumés directement

Controverse et reconstruction

En novembre 2005, le ministre suisse de la défense, Samuel Schmid, alors président de la Confédération, profita d'un voyage officiel à Paris pour se rendre au Musée de l'armée, Hôtel des Invalides, et y assister à l'apposition d'une plaque à la mémoire des Gardes Suisses.

Une plaque originellement destinée à la Chapelle expiatoire de Louis XVI, là où se trouve le charnier des soldats suisses tués le 10 août 1792. Mais le ministère français de la culture refusa cette demande, formulée par une association suisse baptisée «Fondation 1792».

Alors que les autorités fédérales passeront délicatement sur l'affaire, d'aucuns parleront de «camouflet» à l'encontre de la Suisse. Une pétition circule d'ailleurs pour que la France revienne sur sa décision...

Mais peut-être un jour cette plaque trouvera-t-elle une place encore plus légitime que la Chapelle expiatoire. Car depuis 2002, faisant suite à de nombreuses autres initiatives, existe un «Comité national pour la reconstruction des Tuileries». Y siègent notamment l'ancien politicien Philippe Seguin, l'écrivain Maurice Druon ou l'historien Jean Tulard.

Et Edouard Secrétan, d'origine suisse. «La première chose qu'il a demandée, en cas de reconstruction des Tuileries, c'est que la plaque soit placée au pied de l'escalier des Tuileries», souligne Liliane Kalenitchenko... elle aussi fervente partisane de la reconstruction du palais.

Le Lion de Lucerne, superbe monument érigé en 1820 à la mémoire des suisses qui se firent massacrer aux Tuileries le 10 Août 1792 pour protéger la Famille Royale.

Bernard Léchot