Revirement de situation pour la chancelière allemande, qui dramatisait pourtant cette issue en 2012. Tout comme son ministre Finances Wolfgang Schäuble, qui avait jugé il y a quelques jours que la Grèce était tenue de continuer sur la voie des réformes déjà engagées, "sans aucune alternative". Mais désormais, il "juge supportable une sortie du pays de la monnaie unique", d'après le Spiegel.
"Le gouvernement allemand juge quasiment inévitable une sortie (de la Grèce) de la zone euro, si le chef de l'opposition Alexis Tsipras dirige le gouvernement après les élections, abandonne la ligne de rigueur budgétaire et ne rembourse plus les dettes du pays", affirme le journal, s'appuyant sur "des sources proches du gouvernement allemand".
En cause? Le parti de gauche radicale Syriza dirigé par Alexis Tsipras, qui est donné favori dans les sondages pour les législatives anticipées grecques du 25 janvier prochain. Il veut en finir avec la politique d'austérité imposée au pays par ses créanciers internationaux (la troïka UE, BCE et FMI) en échange de quelque 240 milliards d'euros de prêts. Le leader de gauche souhaite aussi négocier une nouvelle restructuration de la dette publique qui plombe l'économie grecque... Ce qui n'est pas du goût de l'Allemagne.
Une sortie "supportable"... mais pour qui?
"Je veux que la Grèce reste dans l'euro", affirmait pourtant Angela Merkel lors d'une visite en Grèce fin 2012, ajoutant qu'elle avait pris "conscience du devoir de solidarité dans la zone euro". Alors pourquoi ne le "veut"-elle plus? Officiellement, cette sortie serait désormais "supportable"... mais pour qui? Pour la Grèce mais aussi pour l'Europe. Et, accessoirement, pour l'Allemagne.
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Au vu des "progrès accomplis par la zone euro depuis le sommet de la crise en 2012", "le risque de contagion pour d'autres pays est limité car le Portugal et l'Irlande sont considérés comme assainis. Par ailleurs, le MES (mécanisme européen de stabilité) fournit un système de sauvetage puissant et l'Union bancaire assure la sécurité des instituts de crédit", auraient confié les mêmes sources au Spiegel.
L'effet domino redouté se serait donc envolé... "Si la Grèce avait dû sortir de la zone euro, nous aurions tous dû la quitter dans un second temps", estimait ainsi Angela Merkel fin 2013. Mais "il n'y a plus de potentiel de chantage. La Grèce ne représente pas un risque systémique pour l'euro", jugeait tout récemment Michael Fuchs, vice-président du groupe parlementaire CDU au Bundestag.
La Grèce, maillon faible de la zone euro... encore?
A l'inverse de la théorie des dominos, c'est celle de la chaîne qui semble désormais prévaloir à Berlin. En clair, la Grèce est le maillon faible de l'Union monétaire que la Lituanie vient de rejoindre, son départ devrait donc renforcer la chaîne, explique le Spiegel.
En réalité, c'était déjà le point de vue d'Angela Merkel avant 2012, d'après certains observateurs, comme l'ex-membre du bureau de la BCE Lorenzo Bini Smaghi. Il raconte dans un livre intitulé Mourir de l'Austérité que la chancelière allemande caressait cette idée avant de "changer de position une fois qu'elle a eu connaissance des répercussions de cette sortie", tant économiques que politiques. Surtout un an avant les élections nationales en Allemagne, en 2013.
"Ses conseillers et elle ont beaucoup réfléchi à la sortie de la Grèce. Mais chaque fois qu'ils l'envisageaient, ils concluaient que le coût serait trop élevé", y compris pour l'Allemagne. Plus élevé en tout cas que "faire le nécessaire pour que la zone euro reste groupée", résume The Economist en s'appuyant sur les travaux d'un économiste allemand. Angela Merkel se contentait donc de lancer que "la Grèce n'aurait jamais dû être admise dans la zone euro". Sans évoquer sa sortie.
Une sortie "malvenue" pour la Grèce
Cette fois, ce n'est pas l'Allemagne mais la Grèce qui s'apprête à voter. Et au sein du gouvernement allemand, le secrétaire d'Etat social-démocrate aux Affaires européennes, Michael Roth, a regretté que l'article du Spiegel puisse interférer avec la politique grecque. "La Grèce est membre de la zone euro. Et doit le rester. Il faut éviter de provoquer, par la parole, des conséquences politiques et économiques qui seraient malvenues", a-t-il déclaré sur son compte Twitter.
D'autant que "depuis que Syriza sait qu'il a des chances d'arriver au pouvoir, c'est fini la sortie de l'euro", note un journaliste de la revue en ligne Contexte. Alexis Tspiras ne parle plus que de "renégocier la dette". De toute façon, l'éventualité de la sortie de la Grèce de la zone euro, récurrente, n'a pas fait avancer une question technique: il n'y a toujours pas de "mode d'emploi" pour une éventuelle sortie d'une pays membre de la zone euro... sans sortie de l'Union européenne.