Apprentis… et fiers de l’être! © Isabelle Clément
Longtemps associé aux classes plus faibles, l’apprentissage semble être de plus en plus apprécié à sa juste valeur. Des jeunes témoignent.
«Déjà petite on me parlait de l’université; donc on ne se pose même pas la question: on y va parce qu’ailleurs, ça n’existe pas.» Julie Gremaud, 24 ans, a vu tous ses préjugés voler en éclats lorsque, après avoir commencé des études universitaires, elle s’est finalement redirigée vers un apprentissage de libraire. «J’ai avancé avec des œillères, et je pense qu’on est beaucoup à l’avoir fait. C’est comme si c’était tabou d’être au cycle d’orientation (CO) en prégymnasiale et de vouloir continuer avec un apprentissage», déclare-t-elle en repensant à son parcours. Cette méconnaissance de la palette professionnelle, Nadine Christen, conseillère en orientation au CO de Jolimont, la constate aussi: «J’ai l’impression que beaucoup d’élèves en prégymnasiale (PG) ne réfléchissent pas et se disent que comme ils sont en PG, ils doivent aller au collège.»
Mais pourquoi ce tabou autour des apprentissages? «Ça peut être mal perçu parce que les classes un peu plus faibles scolairement se dirigent automatiquement vers cette voie; mais ça n’a rien à voir avec les compétences, car les apprentissages sont des formations très exigeantes», explique Nadine Christen. Et ce n’est pas Julie Gremaud qui dira le contraire après avoir découvert son nouveau métier: «Il faut connaître les aspects techniques mais aussi culturels, être au courant des nouveautés; les clients s’attendent presque à ce qu’on en sache plus qu’eux!»
Des études ensuite
La dichotomie entre études et apprentissage n’est pourtant pas si évidente que cela: «Un apprentissage reste une formation, les jeunes ont des cours, et s’ils souhaitent continuer à se former ensuite, il y a des possibilités», nous éclaire Nadine Christen. Jérémy Schouwey, 19 ans, apprenti menuisier pour qui l’apprentissage a toujours été une évidence, n’est pas du tout hermétique à une formation supérieure: «Faire des études à la place de l’apprentissage, non; mais après, pourquoi pas faire l’Ecole suisse du bois pour devenir ingénieur en technologie du bois.» C’est une porte que Julie Gremaud se laisse également ouverte: «Je trouve bien de faire un apprentissage avant de passer par des savoirs plus théoriques, et ce n’est pas parce que je suis passée par un apprentissage que je me priverai par la suite de faire des études supérieures.»
Un beau tremplin
Finie l’époque où arrêter ses études signifiait fatalement le début d’un long calvaire pour gagner son pain. Aujourd’hui, l’apprentissage forme à la vraie vie, peut-être même plus que les hautes écoles. «Trouver un travail juste avec la maturité, c’est difficile. Tandis qu’avec un apprentissage, même si tu as fait mécanicien, tu peux te retrouver chef d’une entreprise de plâtriers en apprenant sur le tas», constate Jérémy Schouwey.
Nadine Christen confirme: «Je pense qu’on a tellement d’exemples de personnes qui ont très bien réussi leur vie en passant par un apprentissage, qui ont pu monter leur entreprise, que c’est impossible de dire que c’est une voie de garage.» Il serait donc temps, pour ces ados en quête d’avenir, de réaliser que le succès ne passe pas obligatoirement par les bancs universitaires; les voies «pratiques» sont des tremplins tout aussi efficaces!
Ocyna Rudmann