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lundi 13 avril 2015

La Suisse s’est transformée en enfer fiscal


Dessin de Tirabosco


Les contribuables au forfait sont en sensible baisse dans le canton de Vaud. Le climat hostile aux riches et aux étrangers incite au départ. L’imposition de la fortune est l’une des plus lourdes d’Europe

En moyenne, 55% du revenu d’une personne adulte va à l’Etat sous forme d’impôts, cotisations pour les assurances sociales et prélèvements obligatoires. «Au-delà de 40% de prélèvements obligatoires (en proportion du PIB), nous basculerons dans le socialisme», déclarait Valéry Giscard d’Estaing, alors président de la République. L’émigration de grandes fortunes, à l’image du milliardaire Claude Berda pour la Belgique, témoigne de la transformation. La Suisse est de moins en moins une terre d’accueil pour les riches et les entrepreneurs.

Le Département vaudois des finances confirme la tendance. En 2011, le nombre de contribuables au forfait s’élevait à 1397. Il est tombé à 1312 en 2014 et à 1260 en 2015 (chiffres à la fin de décembre de l’année précédente). La chute atteint 10%. 137 riches contribuables sont donc partis. Il s’agit toutefois d’un solde, le nombre des départs et des arrivées n’étant pas public.

Le ras-le-bol fiscal est perceptible auprès des entrepreneurs. «Au Tessin, un contribuable imposé pour 100 millions de francs de fortune et 2 millions de francs de revenu paie 1,4 million de francs d’impôts au total, c’est-à-dire 70% de son revenu», explique l’entrepreneur Tito Tettamanti. «Un tel fardeau n’est-il pas une invitation au départ?» demande-t-il.

Dans la région lémanique, l’émigration se poursuit. «Je peux parler de trois grandes fortunes qui sont en train de partir du pays en raison de la détérioration du climat fiscal», avertit Bernard Nicod, président du leader romand de l’immobilier. Il s’agit de fortunes supérieures à 300 millions de francs, de riches étrangers qui observent la lente érosion des valeurs qui leur avaient garanti un bon accueil. Le premier est un Français qui part en Belgique; le second une Britannique qui préfère Londres; la troisième personnalité a également choisi la Belgique. Bernard Nicod observe cette détérioration à travers la réduction du nombre de forfaits fiscaux en cinq ans et la sous-utilisation flagrante des contingents d’immeubles pour les étrangers.

«Effectivement, de grandes fortunes partent de Suisse, y compris du Tessin», confirme Tito Tettamanti. «Quatre éléments majeurs conduisent à ces décisions. Tout d’abord, le climat de plus en plus hostile à ceux qui réussissent incite les personnes fortunées à se déplacer dans des régions qui apprécient leur présence», selon l’entrepreneur tessinois. Les slogans de la gauche accusent les personnes fortunées de ne pas payer leurs impôts et agacent profondément celles-ci. Tito Tettamanti, dont le siège fiscal est à Lugano, conteste ces affirmations et cite un ouvrage d’Avenir Suisse (Zwischen Last und Leistung) selon lequel 25% des recettes fiscales suisses totales, soit 39,5 milliards de francs, proviennent de la fortune et des revenus de la fortune. Alors que plus de la moitié des contribuables ne paient pas d’impôt sur la fortune, à Genève les 10% les plus fortunés paient plus de 79% de cet impôt. Un record de Suisse. Les taux d’imposition effectifs de la fortune, y compris des revenus du capital, sont confiscatoires puisqu’ils dépassent parfois 100% du revenu, selon Avenir Suisse.

«A côté du climat hostile, l’impôt sur la fortune, un anachronisme qui coûte cher, est le deuxième facteur incitant au départ», selon le Tessinois. Il frappe des revenus déjà taxés. Sans parler du fait que les revenus de la fortune sont également imposés. Troisième point: «Les besoins d’argent des grands Etats mal gérés les amènent à faire pression sur les petits Etats bien gérés et à s’attaquer à toute forme de concurrence fiscale», fait valoir l’entrepreneur. Enfin, «les taux d’intérêt zéro alourdissent le coût de l’impôt sur la fortune», observe-t-il.

Les grands consultants appuient cette analyse. «J’observe aussi des départs de personnes privées, par exemple vers Londres», lance Marcel Widrig, associé et responsable de la fiscalité des personnes privées auprès de PricewaterhouseCoopers (PwC). «L’avantage fiscal de Londres par rapport à la Suisse saute aux yeux pour des personnes cosmopolites, mobiles et expatriées ou appartenant à une famille globale», rappelle-t-il. Au bord de la Tamise, le résident non domicilié ne paie pas d’impôts durant sept ans. Sur les rives du Léman, s’il est Suisse, il s’acquitte de l’impôt sur la fortune, alors que presque tous les pays d’Europe l’ont aboli. Et s’il est étranger, il paie un forfait de plus en plus élevé.

A Londres, après les sept ans sans impôts, une grande fortune non domiciliée n’est pas rattrapée par l’impôt si elle effectue par exemple une donation à ses enfants. Certes, elle devra s’acquitter d’une taxe de 30 000 livres sterling (43 000 francs). Mais cette contribution ne pèse pas lourd par rapport aux forfaits. Et si elle décède, les enfants ne paient pas d’impôt de succession.

«La perception des conditions-cadres de la Suisse s’est détériorée, notamment en réponse à la répétition d’initiatives hostiles aux étrangers et aux riches. Les perceptions constituent la réalité sur laquelle les individus prennent leurs décisions», fait valoir Tibère Adler, directeur de l’antenne romande d’Avenir Suisse. «Cette perception plus négative de la Suisse s’est installée lentement mais sûrement. Les riches étrangers ne se sentent plus les bienvenus. Ils avaient l’image d’un pays stable, discret, prévisible. Cette bonne impression s’est émoussée», lance-t-il.

L’impôt sur la fortune a des effets pernicieux, selon l’expert. Il est conçu de façon à ce que la vente de l’entreprise soit exonérée alors que son développement est pénalisé. Avenir Suisse prépare une étude sur le fardeau fiscal qui pèse sur les entrepreneurs en Suisse, notamment sur l’impôt sur la fortune. Dans la plupart des autres pays, l’entreprise est considérée comme outil industriel et son statut fiscal est différent d’un portefeuille mobilier.

En Suisse, l’impôt sur la fortune constitue un handicap important en termes de concurrence fiscale internationale, confirme Marcel Widrig. Le patron d’une PME doit-il céder une partie du capital de son entreprise pour payer ses impôts? «La démotivation à rester entrepreneur ou le manque d’encouragement à le devenir est évidente», déclare Hugues Salomé, associé auprès de PwC en Suisse romande. Il prend l’exemple d’une PME d’une valeur de 20 millions de francs dont le patron reçoit un revenu (sous forme de salaire) imposable de 500 000 francs. En raison de l’impôt sur la fortune de 1% à Genève, il doit s’acquitter d’un impôt de 200 000 francs, auquel il doit ajouter un impôt de près de 40% sur son revenu. En bout de piste, une initiative menace de le frapper d’une taxe de 20% sur les successions.

Si les contribuables qui en seraient frappés sont minoritaires, le risque existe cependant d’assister à ce que la Weltwoche de cette semaine nomme «la tyrannie des bas salaires».

Pour sa part, Hugues Salomé estime qu’en Suisse romande, «si les entreprises ont tendance à réduire la voilure, il existe un regain d’intérêt des personnes privées étrangères pour la Suisse. «Certains cantons ont défini un bouclier fiscal, mais le fardeau fiscal est souvent intolérable», fait valoir PwC. Il se situe à 70% du revenu imposable en Suisse. Mais il ne dépasse pas 45% à Londres, où n’existe pas d’impôt sur la fortune, selon Hugues Salomé.

La réforme de l’imposition des entreprises III (RIE III) devrait permettre de réduire l’imposition des entreprises, mais elle comporte des risques majeurs pour les PME et les sociétés de négoce. Le Conseil fédéral n’a pas été disposé, contrairement aux vœux du canton de Vaud, à déduire les intérêts notionnels. Un choix malvenu pour la région lémanique, selon une personne proche du dossier.

Emmanuel Garessus