Une association américaine recycle d’anciens militaires en protecteurs musclés de la faune africaine. Une pratique choquante, mais indispensable, selon les experts.
(Image: Moreira)
Elle, c’est Kinessa Johnson. Elle a servi l’armée américaine en tant que mécanicienne et instructrice de tir. Et depuis son retour au pays, elle officie comme mannequin pour des fabricants d’armes. Cette jeune femme a été recrutée voici quelques mois par l’ONG Vetpaw (pour Veteran empowered to protect african wildlife, soit vétérans protégeant la faune africaine) afin d’encadrer et former les rangers dans leur lutte contre les braconniers.
De magnifiques éléphants que Kinessa Johnson défend.
Kinessa Johnson/Instagram
Un engagement qu’elle a décidé de partager sur les réseaux sociaux, attirant rapidement l’attention sur elle et ses actions. Son visage d’ange, associé à ses gros bras tatoués et les énormes armes qu’elle semble manier sans difficulté aucune ont suffi pour lancer la polémique. De nombreuses critiques se sont élevées contre Kinessa Johnson et son organisation, les accusant d’encourager la traque aux braconniers, avec emploi recommandé de la manière forte.
Faire taire les critiques
Ces accusations sont balayées par Vetpaw et ses membres. Et depuis quelques jours, Kinessa Johnson, devenue un peu malgré elle la porte-parole de l’organisation, multiplie les interviews depuis l’est de l’Afrique, pour expliquer son travail et faire taire les critiques. Non, les vétérans engagés dans l’ONG ne sont pas des Rambo en manque de sensations fortes. Non, aucun braconnier n’a été tué. Et elle a été choisie par Vetpaw pour encadrer des rangers de sexe féminin.
Kinessa Johnson est un vétéran de l'armée américaine. Elle s'est engagée dans une ONG qui encadre les rangers en Afrique afin de leur apprendre notamment des tactiques de camouflage, de neutralisation de l'ennemi et de reconnaissance du terrain.
Kinessa Johnson/Instagram
Plus de 15 milliards par an
Si la jeune femme se serait passée de la polémique, elle estime qu’elle lui permet de mettre la lumière sur le braconnage (d’autant plus que son travail fera l’objet d’un documentaire sur Discovery Channel), une pratique dont la brutalité et l’ampleur ne cessent de croître. «Les mafias se sont positionnées dans le trafic des espèces sauvages car la lutte contre le braconnage n’a jamais été une priorité pour les gouvernements, confirme Céline Sissler-Bienvenu, directrice du Fonds international pour la protection des animaux France et Afrique francophone basé à Reims (F). Contrairement à d’autres trafics, comme la drogue ou les armes, les risques étaient dérisoires par rapport aux gains.»
Le braconnage est un marché qui rapporte gros. L’an dernier, ce sont 15,6 milliards de francs qui ont été générés par ce trafic. Les braconniers sont équipés d’armes lourdes, de matériel militaire. Car c’est bien de cela dont il s’agit, selon Céline Sissler-Bienvenu: une guerre. Une guerre que les rangers sont en passe de perdre, mal équipés et mal formés. «Ces personnes risquent leur vie tous les jours, a confié Kinessa Johnson dans une récente interview. Certains ne sont même pas payés, ils s’engagent car ils veulent défendre la faune de leur pays.» D’où la présence de plus en plus importante d’anciens militaires à leurs côtés, à travers les ONG comme Vetpaw ou des projets de gouvernements.
La faune africaine, fascinante.
Kinessa Johnson/Instagram
Kinessa Johnson, prête à entrer en action.
Kinessa Johnson/Instagram
Ces personnes entraînées au conflit constitueraient des soutiens inestimables sur le terrain. Notamment dans l’enseignement de techniques de camouflage, de reconnaissance du terrain et de neutralisation de l’ennemi.
Répondre à la violence par la violence, une méthode qui fait hausser les sourcils, mais qui paraît paradoxalement être la seule qui puisse offrir un espoir pour la survie des espèces menacées, comme l’éléphant et le rhinocéros.
15,6: En milliards de francs, ce que rapporte le trafic mondial d’animaux sauvages par an. Dans certains cas, cet argent contribue à financer des conflits armés et autres formes de trafic.
10 000: L’augmentation en pour-cent du braconnage des rhinocéros depuis 2007.
15 minutes: Un éléphant est tué tous les quarts d’heure pour son ivoire. Cet ivoire servira à fabriquer des objets de décoration ou pour la spéculation.
8: Les membres de l’ONG Vetpaw sur le terrain dans l’est de l’Afrique. Ces vétérans effectuent des rotations de quatre mois avec les rangers locaux. (Image: AP)
Sandra Imsand