Le train qui lie Paris à la Suisse illustre l’attachement qui unit les deux pays. Revue de clichés avec les contrôleurs CFF et SNCF.
«Travailler avec les Suisses efface tous les préjugés. Mais on se met à utiliser de drôles d’expressions comme «A tout bientôt!» plaisante David. Les binômes franco-suisses ont été mis en place en 2011 sur les lignes Genève/Lausanne - Paris.
Image: STEEVE JUNCKER
Ce mercredi, François Hollande pose le pied en Suisse pour la visite d’Etat de la réconciliation. Depuis des années, le conflit fiscal envenimait les échanges diplomatiques entre les deux pays. A l’Elysée, au cabinet du président de la République, on résume la situation: «La relation politique doit être mise au niveau des coopérations économiques, universitaires ou humaines, qui, entre les deux pays, sont d’un dynamisme exceptionnel.»
S’il fallait un symbole de ce lien franco-suisse ininterrompu, loin des fâcheries fiscales, le cas du TGV Lyria serait révélateur. Emanation de la SNCF et des CFF, l’entreprise a transporté 5,5 millions de voyageurs entre la Suisse et la France en 2014. A bord de ces trains où l’on paie au bar aussi bien en francs suisses qu’en euros, ce sont des tandems franco-suisses qui assurent le service à bord. Tout un symbole!
Cohabitation réussie
«Le Suisse est plus rigoureux. Il respecte la norme au mot près. Le Français va gérer les situations comme elles se présentent, avec davantage de créativité.» David est agent de train SNCF, il se félicite de travailler en binôme. Les clichés positifs ou les préjugés envers le Français et le Suisse, il les constate au quotidien, mais ne les valide pas tous pour autant. «Le Français a trop tendance à se sentir le nombril du monde. Il connaît moins bien la Suisse que l’inverse. Dans le travail, cela se ressent notamment par un pragmatisme helvétique qui ne veut pas imposer sa manière de voir, mais essaie le plus souvent de tirer le meilleur de ce qui existe», explique David. C’est, de fait, une excellente illustration du consensus!
«L’objectif était d’apporter une plus-value en additionnant les compétences des deux entreprises et non de les opposer. Aujourd’hui, le fonctionnement des binômes a dépassé nos attentes.» Le Suisse Eric Deschenaux a travaillé à la mise en place de ce service à bord, qui au-delà du langage managérial et des contraintes techniques (lecture des billets SNCF ou CFF), répondait aux besoins de chaque clientèle de s’adresser à un uniforme connu: le train, c’est aussi affectif!
Contrôleuse CFF, Agnieszka raconte que «dès que les gens montent dans le train à Paris, ils se sentent déjà en Suisse. Mais il y a aussi les voyageurs internationaux du Rail Pass qui nous demandent si c’est vraiment sympa d’aller à tel ou tel endroit en Suisse. Nous validons parfois les choix des guides de voyage», explique-t-elle, non sans fierté.
Histoire d’amour
Et la rencontre professionnelle peut parfois devenir une rencontre… Agnieszka vit, au civil, une belle histoire d’amour avec Aurélien, qui fut un temps son binôme SNCF. Ils sont les heureux parents d’un enfant de 18 mois. Aurélien travaille désormais aux CFF et connaît bien les deux cultures d’entreprise. «Des différences? Sur les lignes nationales comme sur le TGV, le Suisse n’aime pas qu’on le contrôle deux fois. Il a une relation privilégiée avec son train, c’est très personnel. Par ailleurs, quatre minutes de retard en Suisse, c’est grave. En France, moins», plaisante Aurélien.
Le regard de Nicole, agente SNCF parisienne d’origine, est plus critique. Mais à l’encontre de son pays. «L’image du contrôleur SNCF est moins bonne que celle des CFF. Pour le client lambda français, nous sommes les «enquiquineurs» souvent en grève. Il y a plus de respect pour l’uniforme suisse. La culture ferroviaire des Suisses est impressionnante. Prendre le train fait partie de leur quotidien», analyse Nicole qui ne boude pas son plaisir à travailler sur cette ligne cosmopolite et plus sereine que d’autres grandes lignes TGV.
Personne ne le dit ouvertement, mais le climat social plus apaisé de la Suisse rejaillit sur la ligne: moins d’incivilités. Ainsi, si les contrôleurs CFF travaillent avec leur vrai nom sur leur badge, le personnel français a le choix de prendre un pseudonyme. Par contre, s'amuse l’un de nos interlocuteurs, «quand un Français fait une annonce en disant «septante», il ne trompe personne. On le reconnaît! Il y a l’empreinte suisse et la French touch!»