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lundi 18 mai 2015

Personne remarquable : Monsieur Mourad Benchellali


Ancien prisonnier de Guantanamo, Mourad Benchellali raconte son histoire aux jeunes 
pour leur éviter de suivre la même route. 
Image: Keystone



Longtemps, on l'a regardé comme un «paria», aujourd'hui sa voix porte dans la prévention de la radicalisation djihadiste. Par son témoignage qu'il va porter dans les banlieues populaires, l'ex-détenu français de Guantanamo Mourad Benchellali emmène les jeunes dans son «voyage vers l'enfer».

C'est un jeune homme aux cheveux gominés et au regard effacé, comme vieilli trop tôt. A 33 ans, il espère que son histoire «évitera à des jeunes de se retrouver dans la même galère que lui... ils ne pourront pas dire qu'ils ne savaient pas».

Mercredi, il était invité à Gennevilliers, banlieue populaire de Paris qui a découvert, incrédule, en janvier dernier, qu'un de ses habitants, Chérif Kouachi, était l'un des tueurs de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo. A la sortie du collège, face à des jeunes, le trentenaire déroule son parcours: Vénissieux en France, le camp d'entraînement en Afghanistan, les «cages» de Guantanamo.

«Est-ce cela aider les autres?»

Chez les adolescents, son passage dans la prison américaine, «si sévère?», avec ses tenues orange «comme dans les films?» suscite une curiosité mêlée de respect. Un adulte rentre dans le vif du sujet:

- «Que diriez-vous à votre fils pour l'empêcher de partir en Syrie et gâcher sa vie?».

- «Je lui dirais: "en vrai, tu ne défendras pas les Syriens, tu te rendras complice d'exactions, tu seras embarqué dans des groupes politiques, ta famille connaîtra la détresse. Est-ce cela aider les autres?"».

A 19 ans, quelques mois avant le 11 septembre 2001, Mourad se laisse tenter par le frisson d'une «aventure» en Afghanistan, encouragé par son frère, un djihadiste, endurci qui a purgé une lourde peine pour des projets d'attentats en France. «Ça te fera du bien», promet l'aîné.

Les vacances virent au cauchemar

«A l'époque, Al-Qaida, Ben Laden, ça n'évoquait rien à personne. Je ne partais pas avec de mauvaises intentions. J'étais excité à l'idée d'aller dans un pays en guerre où personne ne va». De quoi «se vanter» ensuite dans le quartier. «J'étais naïf», souffle Mourad Benchellali.

A Kandahar, les deux mois de «vacances» virent au cauchemar. Maniement des armements le jour, vidéos de propagande la nuit: «j'étais pas venu pour ça». Mais il admet que «porter une kalachnikov, un gilet de munitions, ça vous donne un sentiment de toute-puissance, ce que recherchent certains jeunes».

Arrêté par l'armée américaine en 2002, il passe 30 mois à Guantanamo, découvre les sévices et le Coran. De retour en France, il est condamné à 18 mois de prison pour «association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste».

Faire partie de la solution

Depuis sa libération en 2007, Mourad Benchellali a raconté son histoire dans un livre, «Voyage vers l'enfer» et témoigne régulièrement en Suisse et en Belgique, notamment dans des écoles.

En France, avec les départs de jeunes pour la Syrie et les attentats de janvier, «le regard a changé». Dans sa boîte mail, la maman d'un djihadiste, en Syrie implore à l'aide, des élus et des associations veulent travailler avec lui.

Devenu un peu plus fréquentable, il a été reçu par les services du Premier ministre et devant une commission d'enquête du Sénat sur la lutte contre les réseaux djihadistes . Dans son rapport, elle préconise notamment de «s'appuyer sur la parole d'anciens djihadistes ou extrémistes repentis», «des discours beaucoup plus puissants quand ils sont cadrés que toutes les campagnes gouvernementales», relève l'islamologue et universitaire Mathieu Guidère.

«C'est pas du cinéma, c'est du réel», approuve Farid Diab, responsable du service jeunesse de Gennevilliers, à l'initiative de cette rencontre qui permet de «faire passer un message aux jeunes, leur donner des clés de compréhension».

Mourad Benchellali refuse d'être «le repenti» de service, lui qui n'a «rien fait de mal». Mais s'il a pu être un «problème» pour les autorités, il veut bien aujourd'hui faire partie de «la solution».

Egger Ph.