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dimanche 13 juillet 2025

Till Lindemann, est-il vraiment un monstre innocent ?

 

Sur son compte Instagram, Alena Makeeva poste ce que beaucoup de femmes partagent: des photos d’elle plutôt flatteuses, dans des lieux paradisiaques. Paysages idylliques, hôtels de luxe, piscines géantes, plages… il y a aussi quelques scènes de concerts. Dont, le 20 juin dernier, une vidéo d’elle devant une fontaine de (faux) sang au Hellfest, l’un des plus gros festivals de musique métal d’Europe.

Organisé à Clisson, petite bourgade de l’ouest de la France, celui-ci attire chaque année entre 200’000 et 400’000 personnes. Mais Alena Makeeva n’est pas une simple festivalière. Pendant plusieurs années, elle a travaillé pour Rammstein, le groupe allemand le plus connu (et le plus vendu) au monde. Avec un rôle bien particulier, selon plusieurs enquêtes, comme celle du magazine «Stern»: celui de rabatteuse, chargée de trouver de jeunes et jolies jeunes femmes pour les amener aux membres du groupe, et notamment son chanteur, Till Lindemann. Officiellement licenciée, Alena Makeeva aurait pourtant repris du service.

Une enquête fouillée du site «Mediapart» raconte en effet qu’elle aurait racolé des festivalières il y a quelques semaines au Hellfest. Toujours dans l’optique de «passer du bon temps» et «tenir au compagnie» au chanteur de 62 ans, qui s’est produit le 19 juin avec son groupe.



Des méthodes en tous points identiques à celles décrites, dès 2023, par plusieurs médias allemands. À l’époque, elles avaient entraîné l’ouverture d’une enquête judiciaire, close après quelques mois, faute de preuves et de plaintes de personnes directement concernées. Depuis, il ne reste sur Till Lindemann que de tenaces rumeurs, qui ne l’ont jamais empêché de remonter sur scène. Un cas typique de personnalité sur laquelle personne n’est en mesure de trancher. Ni la justice, qui n’en a pas les moyens dans le cadre d’un État de droit. Ni les programmateurs de festivals et de salles, qui refusent de prendre position.

Le colosse

Il y a deux ans pourtant, les révélations de la «Süddeutsche Zeitung» et la chaîne de télévision NDR, entre autres, semblent en mesure de faire tomber Till Lindemann de son piédestal. Ce n’est pas chose facile, et pas seulement parce que l’homme a une stature impressionnante: ancien nageur (il arrive jusqu’aux championnats d’Europe junior de 400 mètres en 1978), le natif de Leipzig mesure plus d’1,80 m et dépasse les 90 kilos. Till Lindemann est surtout l’un des plus grands chanteurs que l’Allemagne ait jamais propulsé sous le feu des projecteurs. En trente ans de carrière, le groupe Rammstein a vendu plus de 30 millions d’albums dans le monde.

Pour ébranler le colosse, il faut donc du solide. Tout part, en mai 2023, du témoignage d’une Irlandaise de 24 ans. Cette fan du groupe de métal était à l’un de leurs concerts, à Vilnius, en Lituanie. Elle raconte sur le réseau social X (Twitter à l’époque) qu’on lui a proposé d’aller en backstage avant le concert, qu’elle a été droguée et que Till Lindemann a alors tenté d’avoir une relation sexuelle avec elle, réagissant de façon très agressive devant son refus. Photos à l’appui, la jeune femme assure s’en être sorti avec de multiples bleus sur le corps, sans qu’elle puisse en expliquer l’origine.

Un système de prédation rôdé

Peu à peu, la presse allemande lève le voile sur un système bien rôdé: celui du «rang zéro». C’est là qu’intervient, selon plusieurs femmes, la fameuse Alena Makeeva. Elle repère des fans jeunes et jolies, susceptibles de plaire à Till Lindemann, et leur offre un accès privilégié juste devant la scène pendant le concert. Puis en profite pour proposer des soirées exclusives, avant et/ou après les performances. Inévitablement, ces soirées sont l’occasion, pour le chanteur, de faire boire ces inconnues, de leur offrir de la drogue, puis de leur faire des avances pour tenter d’avoir des relations sexuelles.

Le journal «Die Welt» relate même l’existence d’une pièce sous la scène, nommée subtilement la «suck box» («suck» signifie «sucer» et «box» désigne une boîte ou un très petit espace…) et réservée à Till Lindemann et aux femmes qui acceptent de le suivre. Dans la «Süddeutsche Zeitung», plusieurs d’entre elles dénoncent «un système qui fournit au chanteur tout ce qu’il veut» et l’accusent d’«abus de pouvoir» et d’«agressions sexuelles». Silke Wünsche, éditorialiste à la «Deutsche Welle», résume l’affaire à une «exploitation éhontée de la relation déjà difficile entre une star et ses fans».

Une provoc’ qui interroge

Les révélations des médias allemands font l’effet d’une bombe aussi parce qu’ils touchent un chanteur qui a fait de la provocation son moteur artistique. Soudain, ce goût pour le scandale et la transgression semble quitter l'œuvre pour alimenter les actes. Till Lindemann a toujours eu tendance à «passer sereinement du lyrisme à la violence physique» analyse ainsi le «Spiegel». «Ce qui est surprenant, c’est que tout le monde fasse soudain semblant de s’étonner.»

Photo: imago/E-PRESS PHOTO.com


Et le magazine allemand de se plonger dans les paroles de Rammstein, écrites par son leader. Dans la chanson «Das alte Leid», Till Lindemann hurle «ich will ficken» («Je veux baiser») et prend pour habitude, sur scène, d’ouvrir son pantalon à cet instant précis avant de déballer un sextoy. Il écrit en 2020 les bienfaits du rohypnol, un puissant somnifère parfois détourné en drogue du viol, dans son poème «Wenn du schläfst» («Quand tu dors»): «C’est exactement comme cela que ça doit se passer / comme cela que ça doit être amusant / Un peu de Rohypnol dans le vin / un peu de Rohypnol dans le verre / Tu ne peux plus bouger du tout / Tu dors et c’est une bénédiction.»

Le mythe du chanteur torturé

«On pourra reconnaître à Lindemann de n’avoir jamais caché ses démons», conclut le «Spiegel». «Au contraire, il les promène en laisse.» Till Lindemann correspond exactement au stéréotype de l’artiste torturé, qui passe par l’art, en l’occurrence la musique, pour exorciser une enfance difficile (son père est alcoolique) et se créer un alter-ego pour lequel tout est permis. Sur les forums de fans, on le dit en réalité extrêmement timide, voire introverti, allergique aux interviews et capable de se mettre en avant uniquement lorsqu’il revêt son costume de scène et allume le feu (littéralement, l’homme ayant pris des cours de pyrotechnie). «Dans leur travail, Rammstein, et notamment Lindemann en tant que leader, se montrent en super vilains, mais il a toujours été admis qu’ils étaient très sympas en réalité», pointe Silke Wünsche pour la «Deutsche Welle».

Ce mythe est savamment entretenu par un mode de vie. Pendant leurs premières années de scène après leurs débuts, en 1994, tous les membres de Rammstein mènent une vie conforme à ce qu’on projette sur un tel groupe ultra-connu: faite de sexe, de drogue et de métal. En 2005, Till Lindemann confie au magazine «Playboy» avoir «constamment performé sous drogue» à l’époque. «Nous avons tout essayé, des joints à la cocaïne, à part les injections. C’était comme une compétition: à quel point ce groupe peut-il être extrême?» Au point que le chanteur ne peut plus monter deux marches d’escalier tant il est «plein de cigarettes, d’alcool et de drogue».


Photo: IMAGO/Eventpress


Cette interview est aussi l’occasion de se confier sur sa vie sentimentale. Là encore, toutes les cases de la vie d’artiste dissolue sont cochées. «J’ai beaucoup d’enfants, avec beaucoup de femmes», lance un Till Lindemann bravache, qui confie par ailleurs n’avoir jamais réussi à être fidèle. «J’ai toujours pensé que je devais aller baiser par anticipation des mauvais moments à venir.» En couple à l’époque avec une femme de 28 ans alors qu’il en a 42, l’artiste explique ne pas pouvoir «imaginer vivre avec une femme de [son] âge». Interrogé sur l’écriture d’une chanson qui parle ouvertement de couples gays, le baryton répond les envier, eux qui n’ont pas à passer par «ces conneries de fleurs et de trois rendez-vous avant de pouvoir faire quelque chose». «C’est tellement plus simple pour eux. Ils se regardent et ont du sexe rapide et bon.»

«Le monstre est innocent»

Ces propos, comme les textes des chansons, apparaissent sous un nouveau jour en 2023. En juin, un mois après le témoignage de la jeune fan irlandaise, la justice berlinoise s’auto- saisit et ouvre une enquête. Celle-ci sera close en août, faute de preuves. Aucune des victimes n’a alors accepté de parler aux autorités. À Vilnius, où une plainte a été déposée, la police renonce à investiguer, déclarant n’avoir réuni «aucune preuve factuelle objective». Cette issue déclenche une nouvelle vague de débats dans la presse germanophone, avec d’un côté les titres qui estiment qu’une question morale se pose toujours et, de l’autre, des commentaires engagés sur le non-respect de la présomption d’innocence. Pour le «Tages-Anzeiger», des journalistes ont formulé de «violentes» accusations «avec une telle insistance, même par des journaux sérieux, qu’elles s’apparentaient à une condamnation préalable». «Le monstre est innocent», titre la «Frankfurter Allgemeine Zeitung» avec un brin de provocation.

La justice ne passe pas et tout le monde regarde ailleurs. Aujourd’hui, l’enquête de «Mediapart» remet une pièce dans la machine. L’impossibilité, pour la justice, de s’emparer de l’affaire, est utilisée par l’entourage de Till Lindemann. Selon Lisa, l’une des femmes qui témoigne dans l’article, Alena Makeeva lui aurait en effet répondu avoir été au tribunal et «innocentée». Parallèlement, la carrière du chanteur et de son groupe n’a pas été entravée par ces accusations. Certes, des manifestations se sont tenues devant les salles de concert à l’été 2023 et l’éditeur allemand de Till Lindemann, également poète à ses heures, l’a lâché. Mais depuis, le groupe vend toujours des dizaines de milliers de billets en quelques minutes seulement. Six millions de personnes ont assisté à sa tournée mondiale Rammstein Stadium Tour entre 2019 et 2024.

Interrogé par «Mediapart», le Hellfest a répondu par l’intermédiaire de son directeur, Benjamin Barbaud. «Nous rappelons que le rôle d’un programmateur est de justement programmer des concerts, et non de se substituer à la justice ou de se poser en arbitre moral sur des questions de société et de réhabilitation.» Till Lindemann est donc devenu aussi le symbole d’une (véritable, cette fois-ci) zone grise: celle qui se situe entre la rumeur persistante et la décision judiciaire, entre les comportements malsains et ceux qui pourraient être pénalement répréhensibles. Une zone grise dans laquelle personne n’a envie de s’aventurer et qui consacre donc un immobilisme, dont seuls les agresseurs sortent gagnants.

Margaux Baralon

blick.ch