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dimanche 7 juin 2015

A Fribourg, une task force combat avec succès les pollutions au purin


Epandage sur un champ à Marsens. Les pollutions sont souvent liés à des actes de maladresse. 
(Alain Wicht/La Liberté)


Le canton de Fribourg a connu par le passé de nombreuses pollutions au purin et infractions liées à l’épandage. Le thème y est hautement sensible, pour ne pas dire politique. Un groupe de travail s’est même constitué pour mettre de l’ordre dans les fosses.

C’était en avril 2005. Près de 100’000 litres de lisier s’échappent du creux à purin d’une exploitation agricole et dévalent la pente. A Avry-devant-Pont, au bord du lac de la Gruyère, c’est la consternation. Le liquide souille routes, jardins, prairies pour finir dans un ruisseau où tous les poissons trépassent.

En mars 2011, c’est à Orsonnens qu’est signalée une des plus graves pollutions causées par du lisier de l’histoire récente du canton de Fribourg. Des milliers de cadavres de poissons sont retrouvés dans la Glâne. Cette fois, le déversement provient d’une porcherie.

Au-delà de ces deux grandes affaires, les communiqués de la police évoquent régulièrement des pollutions au lisier dans le canton de Fribourg, le plus souvent liées à des maladresses, des erreurs de manipulation, des défauts dans les installations. «L’accident le plus courant a lieu lorsqu’un agriculteur pompe son purin. Pendant ce temps, il fait autre chose, oublie. Ou alors le tuyau est mal branché et tout part dans le ruisseau. Une forte pluie juste après un épandage peut aussi causer des dégâts à l’environnement», explique David Aeschlimann, conseiller scientifique au Service de l’agriculture.

Mais il n’y a pas que les pollutions qui préoccupent les autorités. Les agriculteurs commettent également de multiples infractions à la loi fédérale sur la protection des eaux et de l’environnement lors de l’épandage. Dénoncées à la justice, ces cas ne font pas forcément l’objet d’une communication officielle. «La situation la plus courante: un agriculteur purine sur un sol gelé, couvert de neige ou gorgé d’eau, donc incapable d’absorber cet engrais, lequel s’écoule au risque de polluer un cours d’eau ou d’occasionner des dégâts à la nappe phréatique», explique Dominique Folly, du Service de l’environnement (SEn). Cinquante infractions de ce type ont été dénoncées durant l’hiver 2013-2014, période la plus critique.

Mais les temps changent dans le canton de Fribourg, avec la création d’une «plate-forme engrais de ferme». Placée sous l’égide de la Direction des institutions, de l’agriculture et des forêts (DIAF), cette véritable «task force purin» affiche un premier bilan plus que positif: l’hiver dernier, une seule infraction a été dénoncée. «Une météo plus favorable explique peut-être ce bon résultat. Mais la sensibilisation, le fait que les pollutions soient communiquées officiellement, portent aussi leurs fruits», espère Dominique Folly.

Dans tous les cas, Fribourg revient de loin comparé aux années précédentes, marquées par des polémiques qui ont occupées conseillers d’Etat et députés. Canton agricole ayant conservé une forte tradition laitière et d’élevage bovin, souvent moqué pour les effluves qui se dégagent de ses campagnes, il a réussi à se faire particulièrement remarquer durant l’hiver 2012-2013. Croyant bien faire, l’Etat a voulu interdisant l’épandage de lisier entre le 10 décembre et le 10 février, lors du repos végétatif. Résultat: après un automne pluvieux durant lequel les agriculteurs n’ont pas pu puriner, ils se sont retrouvés avec des fosses proches du débordement en début d’année, alors qu’un redoux aurait permis de rabaisser les niveaux sans risquer de provoquer des pollutions des eaux. Sous la pression du monde agricole et devant faire face à de multiples infractions, cette directive a alors été suspendue dans l’urgence.

D’où l’idée de réunir les différents intervenants dans cette plate-forme, afin de trouver des solutions pour concilier agronomie et environnement. Et surtout réduire les problèmes. Outre la formation, l’institut de Grangeneuve offre des conseils personnalisés sur appel téléphonique et tient à jour un bulletin météo sur son site internet, incluant des recommandations d’épandage. La période la plus délicate est l’approche et la fin de l’hiver. «Durant cette période, nous sommes énormément sollicités, explique Lorraine Sutter, spécialiste des engrais de ferme à l’Institut agricole de Grangeneuve. Mais il faut toujours rester prudent dans nos réponses car les situations peuvent changer selon l’altitude, l’exposition d’un champ, la qualité du sol».

Son collègue Anton Lehmann en fait un thème important de ses cours. «Naguère, l’agriculteur se préoccupait davantage de vider sa fosse que de nourrir la terre», reconnait-il. Mieux formée, la nouvelle génération apprend à tirer profit de l’or brun, à gérer les quantités, à respecter le cycle de la nature. D’ailleurs, on ne parle plus de purin, de lisier ou de fumier mais d’engrais de ferme. «Et un bon agriculteur doit très bien connaître le sol et les plantes », poursuit Anton Lehmann.

Mais les incitations passent aussi par le porte-monnaie. Le canton de Fribourg a soutenu financièrement les paysans qui ont modernisé leurs fosses. De nouvelles techniques d’épandages permettant de réduire les émissions polluantes sont encouragées par de nombreux programmes cantonaux et la politique agricole 2014-2017 les a intégrées. Dans la liste des équipements, on trouve la rampe à pendillards, un engin muni de plusieurs tuyaux permettant d’affiner la distribution. En résumé, on n’asperge plus un champ de purin, on le dépose sur le sol. Il existe même toute une variété d’injecteurs de lisier qui ont l’avantage de libérer le liquide directement dans le sol. A Fribourg, 3,9 millions de francs ont été alloués de 2009 à 2014 pour l’achat notamment de 153 pendillards et de 54 couvertures de fosses.

Et aujourd’hui, paiements directs oblige, l’agriculteur tient aussi un bilan de fumure. Il doit prouver qu’il n’utilise pas plus d’engrais que nécessaire pour ses cultures. L’équilibre doit être atteint pour toucher les prestations écologiques requises (PER). Pour les défenseurs de l’environnement, ce soutien à l’agriculture justifierait d’avantage de contrôles et de sévérité en cas d’infraction. Car avec ces plans de fumure, on peut dire que les agriculteurs sont rétribués pour ne pas polluer.

Un cas pris au hasard: celui de J., dénoncé par le Service de l’environnement. En décembre 2013, il a épandu du lisier sur une parcelle située à 910 mètres, dans un secteur de protection des eaux. Le garde-faune a photographié la scène. Pas besoin de mener une instruction, les faits sont établis: ce jour-là, le sol était recouvert de neige, le sol gelé, les plantes au repos végétatif et la température moyenne inférieure à 5 degrés. Et le bulletin de l’Institut agricole de Grangeneuve était clair. Pas d’excuses. Le Ministère public a donc retenu que J., par négligence, a provoqué un risque de pollution pour les eaux. L’agriculteur est condamné à une peine pécuniaire de 5 jours-amende à 130 francs avec un sursis de deux ans. Il recevra en plus une amende de quelques centaines de francs et aura les frais de justice à sa charge. Pour les uns ce n’est pas assez, pour les autres, c’est trop. Mais par ricochet, le coupable est également puni par une réduction des paiements directs de 500 francs, explique David Aeschlimann. «En automne 2014, nous avons prononcé 31 pénalités de ce montant suite aux cas tranchés par le Ministère public», poursuit le conseiller scientifique du Service de l’agriculture, satisfait de constater que de ce point de vue, le dernier hiver a été plus clément.

Il n’en demeure pas moins que le thème prend toujours plus d’importance. Début mai, Pro Natura a publié les résultats d’une enquête sur le non-respect des bandes tampons entre les champs et les ruisseaux, haies ou forêts lors de l’épandage du lisier. Une fertilisation illégale qui met en danger les habitats des animaux et des plantes. Dans le canton de Fribourg, 60% des bandes tampons examinées portaient des traces de fumier ou de lisier. «C’est vrai, c’est cas n’ont jamais été dénoncés au service de l’agriculture ou au service de l’environnement», reconnait David Aeschlimann, conscient qu’il faudra toujours remettre l’ouvrage sur le métier. «En matière de politique agricole, le lobby agricole était très fort pour défendre ses intérêts. Il décline, remplacé progressivement par le lobby environnemental », constate-t-il.

Magalie Goumaz