Chu de che / Je suis d'ici / Sono di qui / Ich bin von hier ! Notre liberté ne nous a pas été donnée, mais combattue et priée par nos ancêtres plus d'une fois! Aujourd'hui, comme autrefois, notre existence en tant que peuple libre dépend du fait que nous nous battions pour cela chaque jour. Restez inébranlable et soyez un gardien de la patrie pour que nous puissions remettre une Suisse libre telle que nous la connaissions à la génération suivante. Nous n'avons qu'une seule patrie!

mercredi 25 novembre 2015

10'000 CHF pourront être infligées aux femmes portant le niqab ou la burqa au Tessin


Porter la burqa dans un restaurant, un magasin et même au volant de sa voiture constitue désormais de fait une infraction pénale dans cette région italophone de la Suisse où les femmes contrevenant à la règle seront sanctionnées par une amende pouvant s'élever jusqu'à 10 000 euros.

S’inspirant du modèle français, le Tessin est le premier canton de Suisse à prononcer une interdiction de se voiler le visage dans l’espace public. Des amendes pouvant aller jusqu’à 10'000 francs pourront être infligées aux femmes portant le niqab ou la burqa. Alors que les milieux touristiques s’inquiètent de cette mesure, un comité veut imposer une telle interdiction au niveau national.

C’est une votation qui a fait parler d’elle bien au-delà des frontières nationales: le 22 septembre 2013, 65,4% des citoyens tessinois ont dit «oui» à une initiative populaire qui prévoit d’introduire l’interdiction de se dissimuler le visage dans la Constitution cantonale. Une première en Suisse.
Cette semaine, le parlement tessinois a adopté la loi d’application de cette norme constitutionnelle dite «anti-burqa». Elle prévoit l’obligation de montrer son visage dans l’espace public, considérant qu’il s’agit d’un principe de liberté dans une société ouverte. Le niqab et la burqa ne sont pas mentionnés explicitement, mais sont tous deux clairement visés par la loi.



«La dissimulation du visage n’est pas en priorité une question d’ordre et de sécurité», a affirmé la députée Ferrara Micocci (Parti libéral-radical / droite) devant la commission juridique du parlement, défendant ainsi la décision de créer une loi spécifique sur l’interdiction de se voiler le visage dans l’espace public. Le gouvernement cantonal voulait quant à lui réglementer et intégrer cette interdiction dans le cadre de la révision de la loi sur l’ordre public.

Le Parlement s’y est toutefois opposé, considérant qu’on ne pouvait pas assimiler le port du voile pour des raisons religieuses ou culturelles avec des infractions commises par des émeutiers ou des hooligans. La décision de la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme (datée du 1er juillet 2014) a été décisive. Les juges de Strasbourg ont en effet validé une loi similaire appliquée par la France, mais seulement sur la base de considérations fondamentales qui touchent à la bonne cohabitation dans une société démocratique.

Des amendes jusqu’à 10'000 francs

Il n’y a pas eu de débat de fond au parlement tessinois pour savoir si une interdiction était justifiée ou non. Les députés se sont concentrés sur la question de savoir si la volonté du peuple était suffisamment prise en compte par la loi ou non.

Il a été décidé que les communes, et au final les polices communales, seraient responsables de la mise en œuvre et de l’application de cette loi. Certains députés ont exprimé des réserves sur ce point, estimant que la loi serait susceptible d’être appliquée différemment d’une commune à l’autre. La fourchette des amendes a été fixée entre 100 et 10'000 francs suisses. Un plafond qui ne sera toutefois appliqué qu’aux récidivistes et qui doit bien entendu également servir d’effet dissuasif.

La loi étant basée sur des principes fondamentaux, aucune exception ne sera accordée. Des demandes en ce sens avaient été formulées par différents acteurs, qui s’inquiètent pour l’attractivité du canton. Le Tessin accueille en effet chaque année de nombreux riches touristes étrangers en provenance de pays arabes. Dans les échoppes de la Via Nassa de Lugano ou au centre commercial Foxtown de Mendrisio, il n’est ainsi pas rare de croiser des femmes entièrement voilées. Au total, les hôtes de pays arabes génèrent près de 40'000 nuitées par an pour l’hôtellerie tessinoise.

Autant dire que la loi n’est pas accueillie à bras ouverts par les milieux touristiques. Président de l’association tessinoise des hôteliers, Lorenzo Pianezzi n’entend pas informer activement les voyageurs en provenance de pays musulmans. Il estime que c’est en règle générale aux touristes de s’informer sur les règles en vigueur dans les pays qu’ils visitent.

Exemple de la démocratie directe

La loi anti-burqa est un excellent exemple des possibilités qu’offre la démocratie directe en Suisse. On la doit en effet au combat politique d’un seul homme, Giorgio Ghiringhelli. C’est lui qui a lancé l’initiative populaire visant à inscrire un nouvel article dans la constitution cantonale prévoyant que «nul ne peut se dissimuler ou masquer le visage dans des rues ou places publiques».

L’initiative a été déposée en mars 2011 avec 11'767 signatures valables. Dans le comité d’initiative figuraient également des femmes, à l’instar de l’ex-conseillère d’Etat (ministre) libéral-radicale Marina Masoni ou l’ancienne députée cantonale socialiste Iris Canonica.

Le Grand Conseil (parlement) a élaboré un contre-projet visant à éviter que l’interdiction de la dissimulation du visage ne figure dans la Constitution. Mais le projet original a eu nettement les faveurs de la cote dans les urnes, récoltant 65,3% des voix.

Il a ensuite fallu un an et demi, soit jusqu’au 11 mars 2015, pour franchir l’obstacle suivant. Le Parlement fédéral a donné sa garantie à l’amendement constitutionnel tessinois. Des doutes avaient été émis quant à la comptabilité de cette disposition avec la liberté de religion garantie par la Constitution fédérale. Le Parlement a estimé que le nouvel article constitutionnel tessinois était conforme au droit fédéral, encouragé par la décision de la Cour européenne des droits de l’homme quant à la légitimité de l’interdiction similaire décidée en France.

Le Département tessinois de la justice a publié le même jour le texte de loi. Il a été adopté cette semaine par le Parlement et complété par une loi additionnelle qui réglemente uniquement l’interdiction de se voiler le visage dans des lieux publics. Théoriquement, les deux lois pourraient être attaquées par un référendum. Une perspective qui semble très peu probable.

Mise en œuvre ardue

De nombreuses questions concrètes restent toutefois ouvertes en ce qui concerne la mise en œuvre et l’application de la loi, puisque celle-ci laisse une grande marge d’interprétation. Parmi les questions que se posent les Tessinois: Qu’est-ce qu’un policier a vraiment le droit de faire lorsqu’il rencontre une femme portant un voile intégral? Quel sera le montant effectif des amendes?

Des questions juridiques restent également ouvertes. Il est ainsi mentionné dans l’article 5 de la loi qu’«une violation intentionnelle de la loi» est passible d’amende. Le député indépendant et ancien procureur Jacques Ducry a tenté en vain au cours des débats de biffer cette notion de la loi. A ses yeux, aucune femme voilée ne vient au Tessin dans le but d’enfreindre la loi. Dans le cas d’un recours contre une amende, il serait ainsi impossible selon Jacques Ducry de prouver l’intentionnalité de l’infraction

Place à une initiative nationale

Conforté dans sa démarche par l’exemple tessinois, le comité d’Egerkingen a présenté fin septembre son initiative populaire «pour l’interdiction de se voiler le visage». C’est le même comité qui avait lancé avec succès l’initiative anti-minarets, acceptée par le peuple suisse en novembre 2009.

Le texte de l’initiative, qui n’a pas encore été traduit en français, correspond à celui adopté au Tessin. Il stipule que nul ne peut contraindre quelqu’un à se voiler le visage en raison de son sexe. Sont exceptées les raisons de santé, de sécurité ou climatiques ainsi que les coutumes locales (carnaval).

En cas d’acceptation du texte par une majorité du peuple et des cantons, le nouvel article constitutionnel devrait entrer en vigueur dans un délai de deux ans. La récolte des signatures n’a toutefois pas encore débuté. Le texte de l’initiative subit actuellement un examen préliminaire formel auprès de la Chancellerie fédérale. Le Conseil fédéral (gouvernement) s’est toujours opposé à une interdiction du port du voile car il n’y a en Suisse – contrairement à la France – que très peu de femmes entièrement voilées dans l’espace public, mis à part quelques touristes en provenance de pays arabes. Le gouvernement estime donc qu’il n’y a pas nécessité de légiférer sur cette question.

Interdiction de la burqa en France

Selon une décision de la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme du 1er juillet 2014, l’interdiction de la burqa en France ne contrevient pas à la liberté de religion. Une jeune musulmane française avait recouru contre la loi dès son entrée en vigueur le 11 avril 2011. Elle avait alors fait valoir que le port de la burqa et du niqab était un devoir religieux, une expression de sa culture et de ses convictions personnelles.

Ni son mari ni sa famille ne l’avaient obligée à porter le voile intégral. Au contraire, elle s’estimait discriminée en tant que femme en raison de sa religion et de son origine ethnique par cette interdiction. Les juges ont quant à eux estimé que le voile intégral nuisait à la coexistence dans une société, le visage jouant un rôle important dans l’interaction entre les individus.

Le vote tessinois sur la burqa pourrait faire école

Le ‘oui’ massif du Tessin à l’interdiction de porter le voile intégral dans l’espace public sera probablement suivi d’une initiative similaire au niveau national. Une partie des musulmans de Suisse et les organisations de défense des droits de l’homme dénoncent une nouvelle attaque à l’encontre d’une communauté déjà touchée par le vote de 2009 sur les minarets.

Dimanche, le Tessin est devenu le premier canton de Suisse à voter pour une interdiction de porter la burqa et le niqab dans l’espace public. Le résultat très net en faveur de l’initiative populaire (plus de 65% des voix) donne des ailes aux partisans d’une telle interdiction sur le plan national.

«Le texte est prêt. Il est très semblable à celui de l’initiative du canton d’Argovie rejetée par les Chambres fédérales en 2012, qui vise l’interdiction de se dissimuler le visage dans l’espace public», affirme ainsi l'ancien député de l’Union démocratique du centre (droite conservatrice) Ulrich Schlüer, père de l’initiative anti-minarets de 2009, dans les colonnes du Temps.

Président du Comité d’Egerkingen, qui avait mené avec succès le combat contre la construction de nouveaux minarets, le député UDC Walter Wobmann a quant à lui affirmé à la Radio télévision suisse (RTS) que la récolte des 100'000 signatures nécessaires à l’aboutissement d’une telle initiative démarrerait sans doute au printemps prochain. Le texte irait dans le sens des lois déjà adoptées en France (2010) et en Belgique (2011). Le voile islamique intégral est clairement pris pour cible.

Pas avant plusieurs années

Une éventuelle votation n’interviendrait pas avant plusieurs années, mais l’initiative pourrait être mise en avant lors de la campagne en vue des élections législatives fédérales de 2015. Vice-président de l’UDC, Claude-Alain Voiblet applaudit la décision du peuple tessinois, «qui montre clairement que l’UDC voit juste lorsqu’elle dénonce les problèmes d’intégration dans ce pays». Il tient toutefois à se distancier de l’action des membres du comité d’Egerkingen, qu’il dit indépendant du premier parti du pays: «Aucune démarche n’a pour l’heure été effectuée à l’interne du parti pour le lancement d’une initiative nationale. Mais il est très probable que l’UDC soutiendrait un tel texte».

Sur le fond, Claude-Alain Voiblet est absolument convaincu par le bien-fondé d’une telle interdiction: «Dans notre société judéo-chrétienne, on ne peut accepter que des femmes soient obligées de porter un tel habillement».

La proposition trouve également un appui chez certains parlementaires du centre-droit. «La burqa n'est pas compatible avec nos valeurs, ni avec l'objectif d'intégration», a ainsi déclaré le président du Parti démocrate-chrétien (PDC) Christophe Darbellay au Nouvelliste. «Je sais faire la différence entre une touriste et une personne qui vient s’établir en Suisse, et à laquelle on demande de s’intégrer».

«Il s’agit d’une question de sécurité. La police doit pouvoir effectuer des contrôles d’identité et, pour cela, le visage doit être découvert», a renchéri son camarade de parti Urs Schwaller dans le Tages-Anzeiger.

Empoignades politiques et juridiques en vue

Avant de déployer ses effets, l’initiative populaire sur l’interdiction de la burqa, acceptée par deux électeurs tessinois sur trois dimanche dernier, devra encore obtenir l’aval du Parlement fédéral. La procédure durera au moins deux ans, selon la chancellerie d’Etat tessinoise, interrogée par l’ATS. Il est exceptionnel que les Chambres fédérales n’accordent pas leur garantie.

Plusieurs experts interrogés par le Tages-Anzeiger estiment cependant que l’interdiction de la burqa a de grandes chances d’être désavouée par les tribunaux suisses. Une telle norme serait selon eux disproportionnée, violerait probablement la liberté de religion et ne serait pas suffisamment fondée sur un intérêt public prépondérant.

Il n’existe à l’heure actuelle pas de jurisprudence du Tribunal fédéral, la plus haute instance judiciaire suisse, en la matière. La Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme devrait se prononcer d’ici la fin de l’année sur les plaintes qui ont été déposées en France à la suite de l’adoption en 2010 de la loi sur l’interdiction de se dissimuler le visage.

«Une prison de toile»

Autre fer de lance de l’initiative anti-minarets, Oskar Freysinger dénonce également avec fracas la burqa, «cette prison de toile qui n’est que la forme visible d’une prison dogmatique». En 2010, sa motion intitulée «Bas les masques!», qui visait une interdiction similaire, avait été rejetée par le Parlement fédéral, la Chambre haute ayant alors estimé qu’il appartenait aux cantons de légiférer sur ces questions de sécurité.

Eu égard notamment à sa nouvelle fonction de conseiller d’Etat (ministre) valaisan, Oskar Freysinger dit «vouloir discuter de la formulation du texte pour éviter une nouvelle guerre des religions». Mais, avertit-il, si le Parlement maintient son refus de légiférer sur «les situations de la vie commune où l’on peut attendre d’un citoyen qu’il se montre à visage découvert», l’initiative aura alors clairement une chance d’être acceptée par le peuple suisse.

La perspective d’un tel débat national consterne les organisations de défense des droits de l’homme, qui ont été pratiquement les seules à monter au front pour s’opposer à l’initiative tessinoise. «Le port de la burqa est un faux problème, qui est instrumentalisé à des fins politiques», déplore Nadia Boehlen, porte-parole de la section suisse d’Amnesty International. Et d’ajouter: «Les partisans de l’interdiction prétendent lutter contre l’intolérance, mais ils ne font qu’attiser un discours xénophobe et islamophobe. Ils risquent par ailleurs de salir une nouvelle fois l’image de la Suisse dans les pays musulmans». Le député écologiste Ueli Leuenberger parle quant à lui d’une «campagne idéologique et irrationnelle sur un sujet inexistant».

«Une nouvelle forme de croisade»

Présidente de l’association culturelle des femmes musulmanes de Suisse, Nadia Karmous dénonce pour sa part «une nouvelle forme de croisade». A sa connaissance, il n’y a en Suisse, hormis les épouses de diplomates et les touristes, qu’une dizaine de femmes portant le voile intégral. La plupart seraient des Suissesses converties à l’islam. «En France et en Belgique, des femmes ont commencé à porter le voile intégral en réaction à l’entrée en vigueur de la loi. Cette interdiction crée des problèmes plus qu’elle n’en résout», avance-t-elle.

Nadia Karmous affirme que le travail d’intégration, déjà mis à mal par la votation très émotionnelle sur les minarets, pourrait encore devenir plus difficile dans la perspective d’un débat national sur l’interdiction de la burqa: «Beaucoup de musulmans qui étaient prêts à avancer dans le dialogue interreligieux se sont refermés sur eux-mêmes, sur leur famille. Ils vont avoir encore plus de mal à s’intégrer et à s’ouvrir aux autres».

Oskar Freysinger se défend de toute volonté de «discrimination ou racisme vis-à-vis du monde arabe». Au contraire, soutient le député valaisan, «nous voulons que ces femmes deviennent des citoyennes européennes, comme le sont nos femmes. Nous nous attaquons pour cela à un patriarcat féroce, à une ségrégation brutale. Je suis étonné de voir que dans les milieux de gauche, des gens puissent défendre de telles choses». Ce à quoi Nadia Karmous rétorque: «Ces politiciens ne sont ni des héros ni des zorros de la femme musulmane. Ils feraient mieux de s’engager pour des grandes causes, comme la guerre en Syrie, au lieu d’inventer de nouvelles histoires à dormir debout».

Il veut payer toutes les amendes

L'homme d'affaires Rachid Nekkaz a annoncé qu'il s'engageait à payer les amendes de toutes les femmes portant librement le niqab et la burqa dans les rues de Suisse. Déjà actif en France et en Belgique, ce Français d'origine algérienne souhaite élargir son combat «contre l'islamophobie galopante» après le scrutin de dimanche au Tessin.

L'homme d'affaires a mis en place, au nom «de la liberté et de la laïcité», un fonds d'un million d'euros en juillet 2010 pour payer les amendes des musulmanes verbalisées en France et en Belgique en raison du port du voile. Depuis lors, Rachid Nekkaz a payé 682 amendes pour un montant de 123'000 euros (152'000 francs), écrit-il dans un communiqué mardi.

Rachid Nekkaz, qui se dit «militant des droits de l'homme», se déclare prêt à «ridiculiser tout gouvernement et Parlement qui ne respecteraient pas les libertés fondamentales garanties par la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH)».

Gerhard Lob