Voilée, la voisine ? Non : a-no-nyme
Lors de l’attaque hier matin à Saint-Denis par les forces de l’ordre, les média français cherchaient des témoignages pour « meubler le temps d’antenne ». Les interviews étaient révélateurs: pas de détonateur de conscience dans la presse après ce vendredi 13…
Un commentaire français:
Mercredi 18 janvier, la France se réveille une fois encore en état de guerre. Dans un état d’urgence.
Saint-Denis, prise d’assaut, des forces armées et des scènes de guerre en pleine ville. À quelques mètres de la basilique où reposent les rois de France, des représentants d’un État qu’ils voudraient islamique, sont en cours d’arrestation. Grand écart de l’Histoire. Saccage de nos fondamentaux.
Les Français ont envie de mettre un visage sur les bouchers du 13 novembre.
On les pensait en Belgique, ils sont en France. De toutes façons, l’absence de frontières leur permet de voyager comme des courants d’air, aussi facilement qu’un tour-opérateur, tarif famille nombreuse pour les plus malins.
Saint-Denis, pour parodier le Premier ministre Valls, ça manque de « white », pas beaucoup de « blancos », alors les médias qui étirent le peu d’info dont ils disposent depuis l’aube cherchent des témoignages.
Coup de chance et premier coup de bluff, ils tombent sur le propriétaire de l’appartement où les terroristes encerclés tentent un carnage à coups de kalachnikov, kamikaze et ceinture d’explosifs.
Le brave gars a « voulu rendre service » et voilà où ça le mène d’avoir prêté son appartement à des copains de copains. Lui, il dormait depuis vendredi, il se réveille ce matin, avec des terroristes islamiques dans sa salle de bains. C’est ballot. Les médias nous diffusent l’image, le gars est menotté dans la foulée par la police qui n’a pas l’air de partager son sens de l’accueil.
Le plus grave est à venir. Une voisine interviewée par toutes les télés de France nous raconte « quelle était en panique ». Sauf qu’elle est surtout voilée. Elle maintient d’ailleurs ostensiblement son voile noir pour ne laisser paraître que les yeux. Et les micros complices se tendent vers ce moment de vivre ensemble.
On hésite entre irresponsabilité, provocation, inconséquence. Mettez-moi les trois.
Choisir délibérément de lui donner la parole, c’est considérer l’accoutrement comme normal. Une leçon inversée d’intégration ; au spectateur de s’adapter.
Mais nous ne sommes pas au bout de l’absurde : pour mettre fin « aux propos haineux », i>Télé déclare que « cette femme ne porte pas de niqab, elle a mis ce voile pour rester anonyme ».
Anonyme en témoignant devant une forêt de micros et de caméras ? Anonyme en laissant son adresse, puisque se présentant comme « voisine » de l’appartement assailli ? Ou anonyme, opportunément, pour couper court à l’indignation de spectateurs plus inquiets que « haineux », qui auraient aimé ne pas être pris pour les crétins du jour ?
Voilà donc où en sont encore les médias. Pas de détonateur de conscience après ce vendredi 13.
Les 129 morts d’être sortis boire un verre ou écouter de la musique auraient mérité cette décence : la mise entre parenthèses du « pas d’amalgame », l’arrêt de perfusions du « vivre ensemble ». Le principe de précaution ramené à l’état de nécessité. Histoire de se poser les vraies questions et d’éviter de nous prendre pour des c…
Anne-Sophie Désir