« Tu t’laisses aller, tu t’laisses aller
Ah ! tu es belle à regarder
Tes bas tombant sur tes chaussures
Et ton vieux peignoir mal fermé
Et tes bigoudis, quelle allure… »
Et tes charentaises, n’en parlons pas…
et tes dents pas lavées,
ton haleine de vieux cendrier,
tes dessous-de-bras qui sentent la fenaison…
Ainsi chantait Charles Aznavour, et ainsi s’adresse aujourd’hui la directrice d’une école primaire anglaise aux parents de ses élèves. Car Kate Chisholm en a marre de les voir débarquer en pyjama à l’école pour y déposer leurs enfants. Alors elle leur a écrit : « Pourrais-je vous demander de bien vouloir prendre le temps de vous habiller convenablement ? Si nous voulons élever le niveau, ce n’est pas trop que de demander aux parents de venir lavés et habillés. »
Élever le niveau ! Comme elle y va !
Mais j’entends d’ici les défenseurs des « masses popu » : ben quoi, on est à Darlington, comté de Durham, pas à la City ! Alors pourquoi prendre le temps de s’habiller si c’est pour retourner se coucher devant la télé, un verre de gin à la main ?
D’ailleurs, une mère arrivée à l’école en doudoune sur un seyant pyjama à fleurs a protesté dans le micro de la BBC : « Qu’est-ce qui est le pire ? Que mon enfant soit en retard à l’école ou que je reste en pyjama ? » Bien sûr, vu comme ça…
On voit d’ici le chemin à parcourir… et la difficulté d’expliquer à ces mères (ou pères) qui se laissent aller comme l’épouse de la chanson d’Aznavour que le respect des autres commence par celui de soi-même, que le soin est la première des politesses et qu’on ne sort pas plus en pyjama qu’on n’envoie sa fille à l’école primaire déguisée en Mini Miss Porno. (Au moins, là-dessus, les Anglais sont-ils protégés par l’uniforme, ce qui n’est pas le cas dans notre France où celui-ci apparaît comme l’expression d’une coercition fascisante.)
Devant une telle débandade, on se prendrait presque à regretter la très corsetée Angleterre victorienne… Reste que nous voilà tous devant cette épineuse question : comment éduquer des enfants quand on ne l’est pas soi-même ?
Marie Delarue