Dissimuler sa fortune sur les bords du lac Léman n'est plus une bonne idée. Cette année, Berne répondra à plus de 10 000 demandes d'entraide de pays étrangers.
Les auteurs de romans policiers ou de films d'espionnage vont devoir modifier leurs scénarios. Genève, Zurich ou Lugano ne sont plus des bonnes adresses pour planquer de l'argent malhonnêtement gagné. Le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales, le bras armé de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) vient de décerner une mention assez bien à la Suisse. Il considère que son système d'échange d'informations fiscales est « conforme pour l'essentiel » dans son respect des standards internationaux. Pour faire simple : si le fisc français ou allemand adresse une demande au département suisse de l'entraide fiscale, celle-ci ne se perd plus en route. La réponse sera peut-être un peu lente, mais, en général, satisfaisante.
Certes, il ne s'agit pas d'une mention bien ou très bien, mais le résultat réjouit Ueli Maurer, le ministre suisse des Finances, membre de l'Union démocratique du centre (UDC), le parti le plus à droite du pays. Il y a peu, la Confédération était considérée comme l'un des cancres de la classe, aux côtés du Panama, des îles Vierges britanniques et des Seychelles. Champion du monde de la gestion de fortune, la Suisse abrite près du tiers de la fortune offshore de la planète. Jusqu'au dernier moment, Berne redoutait que ses pratiques en matière d'échange d'informations fiscales soient notées « non conformes » ou « partiellement conformes ».
10 000 demandes, 46 salariés
Sous la pression insistante de Washington et de Bruxelles, la Suisse a mis effectivement les bouchées doubles en matière de transparence. Plus une banque n'accepte de gros sacs de billets froissés sans poser de questions. Ce mois-ci, les titulaires de cartes de crédit délivrés par un établissement financier helvétique, mais qui ne sont pas domiciliés en Suisse, ont dû signer une déclaration dans laquelle « ils confirment le respect de la réglementation fiscale à laquelle ils sont soumis ». Alors qu'en 2011, la Confédération n'avait reçu que 300 demandes d'entraide de pays étrangers, « en 2015, il y en a eu 2 500. On devrait dépasser les 10 000 cette année », assure Adrian Hug, le directeur de l'administration fédérale des contributions.
Néanmoins, les pays étrangers devront s'armer de patience. L'entraide fiscale ne compte que 46 salariés… Il existe néanmoins un petit problème : si une personne est visée par une commission rogatoire internationale, la Suisse a toujours l'obligation de l'en informer, c'est dans la loi. On peut imaginer que le fraudeur se hâte alors pour prendre certaines précautions, et virer son argent dans un vrai paradis fiscal.
Une exception pour les données volées
Interrogé par Le Temps, le quotidien de Lausanne, Pascal Saint-Amans, le chef fiscal de l'OCDE, se montre malgré tout satisfait de l'élève Suisse. « Il reste du chemin à faire et il faudra mettre en place l'échange automatique, mais cette bonne notation globale de la Suisse reflète une normalisation des choses. La Suisse fait désormais banalement partie de la pratique internationale en matière de transparence fiscale », déclare-t-il.
Toutefois, la Suisse refuse toujours de collaborer lorsque les demandes se basent sur des données volées. C'est notamment le cas dans l'affaire HSBC, où un informaticien à Genève, Hervé Falciani, avait dérobé des milliers de fichiers de clients. Néanmoins, le gouvernement helvétique pourrait modifier son approche en acceptant les données volées… sans rémunération. Si l'Allemagne verse des millions aux employés de banque suisse indélicats, la France, officiellement, ne le fait pas.
IAN HAMEL