Les autorités constatent un nombre croissant de cas de mineurs mariés avant leurs 16 ans
C’est une bien triste réalité que met en éclairage la NZZ am Sonntag: les mariages forcés sont en augmentation en Suisse. Depuis le début de l’année, le Centre d’aide et d’accueil pour les victimes de mariage forcé, à Zurich, a constaté plus de 100 cas. Ces statistiques sont en nette augmentation depuis 2015, où moins de 60 cas ont été signalés.
Le centre s’alarme du pic des alliances concernant des mineurs n’ayant pas encore atteint la majorité sexuelle. De 2005 – année de création du centre – jusqu’en 2015, seuls cinq cas avaient été découverts. Ces sept derniers mois, 26 victimes en dessous de 16 ans ont été signalées. Le témoignage que la présidente du centre, Anu Sivaganesan, a livré au journal alémanique provoque des frissons. Il y a l’histoire de cette Somalienne de 10 ans, qui, bien que fréquentant une école comme tous les enfants de son âge, a déjà été mariée. Ou encore celui d’une autre petite fille, mariée elle aussi, sur laquelle des abus sexuels ont été constatés par une femme médecin.
Les 26 cas proviennent des cantons de Berne, Zurich, Bâle, Saint-Gall et Lucerne. Les mariées mineures proviennent en majorité des communautés érythréenne, somalienne, irakienne, afghane et syrienne installées en Suisse. L’augmentation des chiffres peut donc s’expliquer par celle du flux migratoire en provenance de ces pays. Anu Sivaganesan l’interprète également comme une meilleure prise de conscience de la part des médecins, des assistants sociaux ou des professeurs, ce qui conduit à davantage d’attention sur ce problème, et donc de signalements.
Les autorités suisses luttent depuis plusieurs années contre le mariage forcé. La tâche est particulièrement difficile: les petites victimes, par crainte ou par attachement à leur famille, se risquent rarement à parler. L’accès direct à ces enfants est également très compliqué.
En 2012, le parlement a voté une série de mesures durcissant les sanctions à l’égard de cette pratique. Notre loi prévoit ainsi l’annulation d’office des mariages et des partenariats enregistrés conclus sous la contrainte ou si l’un des deux époux est mineur. Les autorités suisses se réservent également le droit de contester un mariage conclu à l’étranger. L’auteur d’une telle contrainte est quant à lui passible d’une peine pouvant aller jusqu’à 5 ans de prison.
La révision du droit touche également la loi sur les étrangers: en cas de mariage forcé, les époux n’ont pas le droit d’évoquer le regroupement familial. La victime peut se voir garantir le droit de rester en Suisse après la dissolution du mariage.
Lucie Monnat