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vendredi 16 décembre 2016

Fribourg, la ville de Saint-Nicolas




Dans la cité très catholique de Fribourg, chaque pas révèle un pan d’histoire. L’illustre cathédrale de la ville, au cœur de cette balade de Noël, continue d’écrire la sienne.

Saint-Nicolas respire. Débarrassée des 25 000 voitures qui la contournaient quotidiennement, la cathédrale de Fribourg resplendit comme lors de ce jour lointain du XVe siècle, lorsque sa construction fut achevée.

«Je crois que c’était la seule cathédrale du monde à constituer un rond-point», s’étonne Emmanuel Humbert, notre guide du jour. De fait, tous les habitants de la vieille ville qui nous entoure, et les autres, doivent se réjouir de cette quiétude retrouvée qui donne un nouvel élan à la visite du célèbre monument. Il y a quelques jours à peine, près de 30 000 personnes s’y massèrent pour fêter saint Nicolas.

A Fribourg, le saint Nicolas vient de Myre

«Il s’agit bien de saint Nicolas de Myre, choisi comme patron alors que son culte se répandait à travers le Plateau suisse après l’arrivée des chanoines augustins au col du Grand-Saint-Bernard.» Et non pas de saint Nicolas de Flue, qui est aussi présent en statue à l’intérieur, vêtu d’une robe blanche.



«La fabrication de tissu faisait la réputation de la basse-ville de l’époque. On dit que cet habit lui fut envoyé pour le remercier du rôle joué dans l’entrée de Fribourg dans la Confédération.» Les membres de la Diète de Stans (NW) sont en effet allés chercher le célèbre ermite pour apaiser les tensions avec les Confédérés. En 1481, Fribourg est donc le premier canton romand à entrer dans la Confédération. Un honneur dû à l’aide apportée par les mercenaires – dont la ville s’était fait une spécialité – contre Charles le Téméraire à la bataille de Morat.

L’un des vitraux réalisés par l’artiste polonais Józef Mehoffer célèbre la victoire des Confédérés, montrant les paysans-soldats les bras chargés de drapeaux. «On raconte qu’en entrant dans le camp du Téméraire rempli de trésors, les mercenaires helvètes ne s’intéressèrent qu’à ces signes extérieurs de victoire.» De fiers combattants plus aguerris au maniement des armes que de l’art.



«En fait, l’histoire de la première église qui se situait au début de la nef actuelle se confond avec la fondation de la cité par le duc Berthold IV en 1157», explique Emmanuel Humbert. De passage dans la région, le noble Zaehringen choisit ce plateau au-dessus de la Sarine pour y édifier ce qui sera durant plus de six siècles une ville-Etat.

C’est le 6 juin 1182, d’après les dernières recherches, que l’évêque de Lausanne consacra l’église. «Pendant longtemps, Fribourg a dépendu de Lausanne», rappelle notre guide, Emmanuel Humbert. Plus ou moins jusqu’à ce que la réforme vaudoise change le rapport de force. «En 1624, Fribourg deviendra le siège de l’évêché après que l’évêque est venu s’y réfugier.»

Un portail de la cathédrale rouvert après 40 ans

Quelques années plus tard, le chœur devenu trop petit s’agrandira, passant d’une rondeur à une polygonalité. La structure est gothique, la décoration passe au baroque tout comme celle de la nef. Au XIXe siècle, le fameux facteur d’orgues Aloys Mooser crée dans Saint-Nicolas l’orgue de l’époque le plus performant.

Franz Liszt se précipitera à Fribourg pour pouvoir y jouer

Fermé pendant quarante ans, alors qu’il fut longtemps la porte d’entrée principale du lieu de culte, le portail sud de la cathédrale vient d’être rouvert et refait à neuf. L’œil attentif peut y déceler au pied rénové d’une statuette en bas-relief un accessoire tout ce qu’il y a de plus contemporain, malicieusement intégré par quelque sculpteur...



De Saint-Nicolas, on se rend au centre du pouvoir temporel qu’est l’Hôtel de Ville, de style Renaissance, par la rue des Epouses. Evidemment, à la grande époque des mariages religieux, le chemin se parcourait plutôt en sens inverse, de l’union civile à la célébration religieuse.

Est-ce pour cela que la devise alémanique («Mon bonhomme, réjouis-toi de ton mariage aujourd’hui, demain ce sera ta femme qui portera la culotte») gravée sur le portique qui chevauche la venelle, moins romantique que la francophone («La rue des épouses fidèles et aussi le coin des maris modèles»), ne pouvait être lue qu’au retour par les amoureux?

Un souvenir de la bataille de Morat

Le rez-de-chaussée était, comme souvent, un grenier à céréales avant de devenir un arsenal jusqu’au début du XXe siècle. Quant au tilleul dans la cour, dont il existe dit-on une bouture au Vatican, il commémore la bataille de Morat: la légende raconte qu’un messager courut porter la bonne nouvelle, agitant en signe de victoire un rameau trouvé sur le champ de bataille. Epuisé, il s’effondra en arrivant sur la place devant l’actuel Hôtel de Ville. Et la branche prit racine à cet endroit précis. Avant qu’un choc avec un automobiliste ivre oblige à déplacer l’arbre pluricentenaire.

La vieille ville, qui possède l’un des plus grands bâtis médiévaux originaux d’Europe, ne se pare pas de décorations lumineuses en abondance comme ailleurs. Dans la cité très catholique – huit monastères y sont encore en activité, dont la moitié du XIIIe siècle, à l’intérieur des anciens remparts – chaque pas révèle un pan d’histoire.

Comme dans le quartier de la Neuveville, ce bâtiment des chamoiseurs, ces artisans du Moyen Age qui en foulant les peaux de mouton ou de chèvre avec de l’huile de poisson fabriquaient les premiers cuirs imperméables.



Pour y arriver, suivant où l’on se trouve, il faut descendre avec le fameux funiculaire à contrepoids construit par le patron de Cardinal à l’aube du XXe siècle pour transborder ses ouvriers vers le plateau de Pérolles. C’est le dernier d’Europe à fonctionner à l’hydraulique. En plus, ici, il s’agit d’eaux usées. «De 1000 à 3000 litres selon le nombre de personnes sur les deux voitures pesant chacune 8,2 tonnes. S’il y a beaucoup de monde en haut et moins en bas, on remplit peu. A l’inverse, on fait le plein», détaille jovialement celui que l’on surnomme ici «Funiman», accroché qu’il est depuis cinq ans au petit train. Restaurés en 1996 et entièrement révisés en 2014, les deux wagons repeints en vert d’origine devraient encore longtemps rallier les quartiers hauts de Fribourg avec la basse-ville.

Pierre Léderrey
Charles Ellena