Le périple du terroriste tunisien de Berlin, Anis Amri, est un condensé des errements de la politique migratoire et d’asile de l’Union européenne, qui est devenue une véritable passoire, mais aussi de l’échec de sa politique de la lutte antiterroriste et de sa coordination. Ce cas emblématique confirme la nécessité de prendre des mesures nationales supplémentaires de contrôle et de surveillance que le gouvernement s’ingénie à ne pas vouloir prendre. Il faut pourtant réagir vite.
Absence de contrôle des frontières extérieures et intérieures
Les six mille djihadistes tunisiens représentent le plus gros contingent pour Daech. Environ sept cents d’entre eux sont revenus des zones de conflit et représentent un danger majeur pour la Tunisie mais aussi pour l’Europe, et singulièrement pour la France, car il faut raisonner aujourd’hui en termes de djihadistes francophones, susceptibles de rejoindre notre territoire, comme nous l’a montré le réseau belgo-marocain des attentats du 13 novembre 2015. Anis Amri s’est joué des frontières et a séjourné irrégulièrement en Italie, en Allemagne et, qui sait, peut-être, en France depuis 2011. Il a probablement, aussi, franchi au moins deux frontières dont la nôtre (gare de Chambéry) après avoir commis son attentat. Et on nous dit que les contrôles aux frontières ont été renforcés !
Une politique migratoire irresponsable
Anis Amri est un « réfugié » qui ne provient pas d’une zone de conflit et qui n’aurait, donc, jamais dû pouvoir séjourner dans l’Union européenne à ce titre. Délinquant en Tunisie, il a rejoint clandestinement l’Italie en 2011 en prenant l’un de ces bateaux clandestins chargés de migrants qui traversent la Méditerranée. Il s’y est fait remarquer pour avoir voulu tromper les autorités sur son identité et pour des faits d’incendie volontaire.
À sa libération en 2015, il est placé en centre de rétention pour être expulsé, mais faute de papiers valables car non reconnus par les autorités tunisiennes, il est remis en liberté et rejoint l’Allemagne.
Une coopération antiterroriste européenne de nouveau prise en défaut
C’est le même scénario qui se produit un an plus tard en Allemagne, où il a pu déposer une demande d’asile qui aurait dû, elle aussi, être rejetée immédiatement. Sa demande n’ayant pas abouti en juin 2016, il n’a pas pu être reconduit à la frontière tunisienne, toujours faute de documents valables. Cela pose vraiment la question de la coopération entre les autorités italiennes et allemandes, mais aussi tunisiennes. Recherché en Allemagne, il fait alors l’objet d’une enquête pour soupçon de préparation d’un « grave acte menaçant la sûreté de l’État »… Une suspicion non confirmée après six mois de surveillance, qui est suspendue au mois de septembre 2016.
Cela nous rappelle amèrement le cas des frères Kouachi, dont la surveillance avait été levée par la DGSI… faute d’éléments suffisants. En octobre, la police perd sa trace. Selon le Spiegel, les services antiterroristes disposaient d’éléments de preuve d’après lesquels Anis Amri se serait proposé comme kamikaze pour perpétrer un attentat. Moralité : la surveillance de ce type d’individu ne doit jamais être suspendue.
Enfin, comme la plupart de ces terroristes, Anis Amri a bénéficié de complicités sans doutes au sein d’une mosquée radicale de Berlin, dite « la mosquée de Daech », qu’il fréquentait et dans laquelle il s’est rendu quelques heures après son crime. Comme nous, les Allemands n’ont pas encore compris la nécessité de fermer toutes les mosquées radicalisées. La radicalisation à vitesse grand « V » par Internet dont on nous bassine depuis des mois a bon dos.
Philippe Franceschi
Consultant en sécurité