Le cinéaste est impliqué, depuis 1977 dans une affaire de viol sur une fille âgée de 13 ans au moment des faits.
Roman Polanski présidera donc la prochaine cérémonie des César, qui se tiendra le 24 février prochain à Paris. Rapidement, les appels au boycott de la grand-messe cinématographique se sont multipliés pour ensuite se démultiplier via les réseaux sociaux. Tout aussi rapidement, dans un réflexe devenu pavlovien, les gens du milieu se sont érigés pour défendre un des leurs.
Pour rappel, le cinéaste est impliqué, depuis 1977 – c’était donc il y a quarante ans -, dans une affaire de viol sur une fille âgée de 13 ans au moment des faits. Après avoir été emprisonné quarante-deux jours et libéré sous caution, l’homme, avant le verdict du tribunal, s’était enfui des États-Unis qui ont, ensuite, réclamé son extradition. En vain.
Depuis, Polanski bourlingue en toute impunité, à peu près partout sur terre, où il foule les tapis rouges déployés sous ses pieds de la même manière qu’il piétine la justice. Le talent, seul, du réalisateur du Bal des vampires, de Rosemary’s Baby, de Chinatown ou, plus récemment, du Pianiste et de The Ghost Writer ne saurait excuser ses inconduites passées. Mais, pour certains, le viol n’est pas chose si grave. En tout cas si l’auteur est un « génie ».
Les réactions de soutien ont, aujourd’hui, quelque chose de particulièrement déplacé.
Ainsi en est-il de celle d’Aurélie Filippetti, ancien ministre de la culture et actuelle compagne d’Arnaud Montebourg : « Je pense que c’est la liberté absolue de l’académie des César. C’est un très grand réalisateur. C’est quelque chose qui s’est passé il y a quarante ans. On ne peut pas, à chaque fois, relancer cette affaire. » Le problème, Madame Filippetti, c’est que le réalisateur lui-même, en se soustrayant à la justice, n’a rien fait pour atténuer les charges pesant sur lui.
Après avoir été arrêté en 2009, alors qu’il se rendait au Festival du film de Zurich, l’homme avait déjà pu bénéficier du soutien massif et hystérique de la profession. Le pourtant talentueux Yann Moix y était même allé d’un pamphlet contre « ses dégueulasses accusateurs aussi nombreux que sans visage » et contre la Suisse qu’il « hait » et sur le « sol immonde » duquel il a envie de « cracher » (essayez seulement, vous, de dire publiquement que vous « haïssez » un pays).
Ainsi va un monde aux valeurs inversées. D’ici peu, Bertrand Cantat sera pleinement réhabilité et présentera les Victoires de la musique. Et peut-être, pour pousser le vice jusqu’à la caricature, que Francis Heaulme, un jour, sera aux manettes de « Faites entrer l’accusé ». Ne rigolez pas : en Belgique, un ancien braqueur présente déjà une émission judiciaire. Il a du talent, paraît-il (en réalité une « gueule » de gangster à l’ancienne).
En confiant la présidence de la cérémonie des César à Polanski, l’Académie bafoue l’honneur des victimes. Mais tout cela n’est, paraît-il, que du cinéma.
Gregory Vanden Bruel