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jeudi 19 janvier 2017

Xi Jinping en Suisse, une visite d’Etat aigre-douce


Le président chinois a soulevé l’enthousiasme avec son engagement pour le multilatéralisme. Dans le même temps il a verrouillé l’information et imposé des mesures de sécurité inhabituelles.


La visite du président chinois Xi Jinping en Suisse a été qualifiée d’historique par tous les interlocuteurs du président chinois. Durant quatre jours, à Berne, en visite d’État, à Davos, pour le Forum économique mondial, et à Genève, au siège de l’Organisation des Nations unies (ONU), il a défendu avec force l’idée d’un ordre mondial fondé sur le multilatéralisme et la poursuite d’une globalisation économique libérale.

Lors de sa dernière étape à Genève, mercredi, Xi Jinping s’est lancé dans plaidoyer pour un monde de paix régit par le droit international. «Aucun pays ne devrait ouvrir la boîte de Pandore en questionnant ce droit», a-t-il expliqué en plaidant pour un monde sans armes nucléaires et une «communauté de destin pour l’humanité». Citant Henri Dunant, il a par ailleurs fait l’éloge du Comité international de la Croix-Rouge.

Le champion du multilatéralisme

Le président chinois s’est engagé à financer davantage l’ONU, en particulier les organisations spécialisées dont le siège est à Genève. «Xi Jinping m’a tenu un discours enthousiaste sur Genève et ses organisations internationales tout en ayant conscience que l’importance de notre ville pour le multilatéralisme est inversement proportionnelle à sa taille», explique François Longchamp, président du Conseil d’État genevois qui a fait une partie du trajet en train entre Lausanne et Genève en compagnie du leader chinois.

«La Chine adopte une position très nette en faveur du multilatéralisme, c’est un facteur extrêmement positif. Le fait qu’on ne soit pas d’accord sur toutes les questions n’en diminue pas l’importance», a expliqué pour sa part à la presse le nouveau secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, également en visite à Genève.

L’aveuglement

La réussite et la très grande visibilité de cette visite doivent pourtant beaucoup au contexte particulier dans lequel elle intervient. A demi-mot, la plupart des interlocuteurs de Xi Jinping soulignent l’importance des engagements chinois au moment où une nouvelle administration américaine promet de bousculer un certain nombre de règles du jeu international. A Berne, à Davos ou à Genève, on a écouté le président chinois sans sourciller, en se raccrochant à l’espoir de trouver en Xi Jinping un contrepoids au président Donald Trump.

Au risque de s’aveugler? N’est-il pas paradoxal que le leader d’une dictature communiste puisse soudainement incarner les meilleures garanties pour le maintien d’un ordre mondial fondé sur des valeurs universelles si souvent décriées en Chine?

La Suisse et la Chine; une très longue histoire d’amitié surtout économique,
Le président chinois Xi Jinping (d) et la présidente de la Confédération helvétique Doris Leuthard, 
le 17 janvier 2017 à Davos 
LAURENT GILLIERON [POOL/AFP]


Un certain malaise

Car cette visite a eu un revers. Les autorités suisses, cantonales et de l’ONU se sont pliées aux demandes d’un hôte très exigeant en matière de sécurité. Rarement, sinon jamais, les Suisses n’avaient vu un tel déploiement de force pour la venue d’un chef d’État étranger. Sous la pression chinoise, la limitation de manifester a mis à mal les habitudes d’un Etat démocratique. De même, malgré les promesses contraires du ministère chinois des Affaires étrangères, le refus de tout contact direct avec la presse de la part du dirigeant chinois crée un malheureux précédent.

Le malaise était ainsi perceptible, mercredi, au Palais des Nations. Lors d’une rencontre avec les employés, Antonio Guterres a été interpellé sur une visite qui a notamment entraîné la fermeture durant une demi-journée d’une partie du Palais des Nations dont la salle du Conseil des droits de l’homme. Le secrétaire général de l’ONU a rétorqué, à la manière de Pékin, que la Chine faisait beaucoup pour les droits de l’homme en luttant contre la pauvreté. «Il y a trop souvent un deux poids deux mesures en matière de droits de l’homme quand d’un côté on critique la Chine et de l’autre on ferme ses frontières aux réfugiés», a-t-il argumenté.

Grâce à Trump

Le malaise n’est pas moindre pour de nombreux observateurs suisses. Les accords ou lettres d’intention signées lundi entre les deux pays sont une bonne nouvelle, même s’il n’y a en réalité rien de véritablement nouveau. La qualité des relations bilatérales est un atout pour l’économie et le monde académique. Le sentiment de s’être plié au protocole chinois sur son propre territoire laisse pourtant un goût amer.

Dans la presse alémanique, Didier Burkhalter a affirmé que la Suisse ne s’était pas «couchée». Il est vrai que la question des droits de l’homme a été évoquée lors des discussions. Le ministre des Affaires étrangères, dans un entretien avec la RTS, a fini par «regretter le fait que les journalistes suisses n’aient pas pu poser normalement des questions à Xi Jinping». Berne a-t-elle seulement pressé la partie chinoise pour obtenir le respect d’une règle de communication habituelle dans la communauté internationale?

Alors que la Chine est confrontée à de multiples problèmes, en partie liés à la nature de son régime poli tique, l’empressement à considérer Xi Jinping comme le nouveau garant de l’ordre mondial en dit surtout long sur le désarroi que provoque l’arrivée de Donald Trump à la tête des Etats-Unis.

Frédéric Koller