Chu de che / Je suis d'ici / Sono di qui / Ich bin von hier ! Notre liberté ne nous a pas été donnée, mais combattue et priée par nos ancêtres plus d'une fois! Aujourd'hui, comme autrefois, notre existence en tant que peuple libre dépend du fait que nous nous battions pour cela chaque jour. Restez inébranlable et soyez un gardien de la patrie pour que nous puissions remettre une Suisse libre telle que nous la connaissions à la génération suivante. Nous n'avons qu'une seule patrie!

lundi 13 février 2017

Personne remarquable : Monsieur Emmanuel Toula


Emmanuel Toula, 16 ans, il a sorti la fillette de la voiture 



Emmanuel Toula s’est déplacé ce samedi à Bobigny pour manifester pour la première fois. “Je me suis beaucoup identifié à Théo car je me suis dit que ce qui lui est arrivé aurait pu m’arriver. Pour moi, c’était un devoir civique d’être là, je devais apporter ma pierre à l’édifice. Si j’avais été à sa place, j’aurais aimé avoir autant de soutien. Je ne suis pas contre la police, je connais des policiers honorables mais je veux que justice soit faite contre les exactions”.

“Il était environ 17h45. La manifestation commençait à partir en vrille. J’ai décidé de m’éloigner de l’épicentre des heurts. J’étais seul, mes potes n’avaient pas voulu manifester avec moi. Je me suis approché d’une petite route, parallèle à la grande rue du métro. Je m’approche de la rue, il y avait beaucoup de policiers qui encerclaient la rue, environ une quinzaine de chaque côté. La circulation était encore maintenue. Des jeunes commençaient à aller sur la route,  à chercher l’affrontement. Certains d’entre eux se sont mis à incendier une poubelle. Puis quelques secondes plus tard, une voiture, une petite citadine grise, est arrivée.


“La mère a sorti de sa voiture son petit garçon et dans la précipitation, a oublié sa fille”

Moi, à ce moment-là, je traversais rapidement. Des jeunes lançaient des pierres, c’était du grand n’importe quoi. Ils étaient nombreux, impossible de dire combien. La voiture s’est retrouvée au milieu de ce groupe. Ils ont commencé à prendre à partie la voiture. Le véhicule ne pouvait plus bouger, ni avancer, ni reculer. Parmi les jeunes, certains avaient des cagoules. Ils ont commencé à mettre la poubelle en feu juste devant la voiture.

Là, la mère de famille du véhicule est sortie de la voiture. Du capot s’échappait un peu de fumée car la poubelle était juste devant. Il commençait même à y avoir des petites flammes sur le capot. La poubelle, elle, s’enflammait de plus en plus. La mère a sorti de sa voiture son petit garçon qui devait avoir deux ans maximum, et dans la précipitation, elle a oublié sa fille. Moi, à ce moment-là, je me suis approché de la voiture, et j’ai vu une petite fille de 5, 6 ans, tétanisée. Elle portait un manteau rose, un jean bleu, des baskets et avait des tresses. Autour de la voiture, il y avait toujours des jeunes, certains encagoulés.

J’étais toujours tétanisé. J’avais peur car j’imaginais que la voiture pouvait exploser à tout moment. J’ai 4 petits frères et 2 petites soeurs et je me disais que je ne pouvais pas laisser une petite comme ça. Surtout qu’autour, il y avait des passants et que personne ne faisait rien.  Je me suis dit qu’il fallait que je prenne mon courage à deux mains.

“J’ai pris la petite fille dans mes bras, toujours tout tremblant, puis j’ai essayé de courir”

Je suis rentré alors dans la voiture. J’ai ouvert la portière, tétanisé, j’avais les mains qui tremblaient. La fille était à l’arrière. Elle ne pleurait pas mais elle était aussi tétanisée, choquée. J’ai essayé d’enlever sa ceinture, j’avais les mains qui tremblaient toujours et au bout de dix secondes, j’ai réussi à lui enlever sa ceinture de sécurité. Je l’ai prise alors dans mes bras, toujours tremblant, puis j’ai essayé de courir. Je commençais à prendre de la vitesse et là, j’ai senti les gaz lacrymogènes. Des grenades assourdissantes sont tombées à deux mètres de nous à peine. J’étais choqué, déboussolé, j’essayais de continuer à courir. Le gaz m’a fait beaucoup pleurer. J’essayais de bien confiner la petite contre moi. Là, un vieux m’a tiré par le bras et m’a dit “Viens petit !” On s’est alors avancé, puis soudain, la personne âgée s’est éloignée car des jeunes lançaient des mortiers et les policiers de nouveau des gaz lacrymogènes.

J’arrivais à une sorte de parc. J’attendais là avec la petite, j’essayais de la rassurer. Je me disais qu’il vallait mieux ne pas s’approcher de la police, que c’était beaucoup trop tendu, qu’on risquait d’être blessé. Je me disais aussi que peut-être on allait retrouver sa maman ici. J’essayais de la chercher du regard mais je ne la voyais pas. Et de là, je voyais les jeunes retourner le véhicule de la maman. Ils l’ont déplacé et en avaient pris un autre qu’ils avaient retourné de la même façon. Ils ont pris un bidon d’essence et ont mis le feu à la voiture. Le véhicule de la mère, lui, a explosé.

A ce moment-là, deux hommes, la quarantaine environ, se sont approchés de moi. Ils m’ont dit de ne pas m’inquiéter. L’un m’a donné du lait pour les yeux, j’avais la gorge et les yeux tout irrités. On est alors ressorti du parc pour passer par le petit pont. Les policiers étaient toujours aussi tendus. On nous a dit de ne pas nous approcher. Je leur expliquais alors ce qui s’est passé, qu’on cherchait la maman de cette petite fille. On a été obligé de forcer 4/5 fois. Un gendarme nous a finalement dit de venir vers lui. La petite fille est restée avec les deux hommes et le gendarme, moi, je suis allé à la recherche de la maman.

J’étais accompagné d’un jeune de 21 ans de Drancy qui m’a donné un coup de main. On la cherchait dans tous les sens mais les policiers nous empêchaient à chaque fois de passer. J’expliquais à chaque fois la situation mais on me répondait toujours : “Ca ne va pas être possible”. Certains nous ont même menacés devant notre insistance. Au bout d’une heure, je suis revenu à la place où tout avait commencé, c’était encore plus tendu. Il y avait des CRS, des policiers de la BAC. Personne non plus ne nous écoutait. Impossible de retrouver la maman. Là, on a décidé d’aller voir les organisateurs de la manifestation et on a demandé à faire une annonce au micro. On a demandé s’il y avait une mère de famille qui avait perdu sa voiture et laissé sa petite fille. Pas de nouvelles. On avait également perdu de vue les deux hommes et je n’ai plus revu la petite fille.

J’ai sorti cette petite de la voiture mais je ne suis pas un héros, je veux juste rétablir la vérité et la justice. Il n’y avait aucun policier lorsque j’ai sorti la petite fille de la voiture. Il y avait des tirs de gaz lacrymogènes en direction du groupe de jeunes autour mais aucun policier à moins de 30 mètres. J’étais en train de me pisser dessus, j’avais extrêmement chaud. Il ne faut pas s’attribuer les mérites des gens. Mais je dis aussi à ceux qui ont mis le feu qu’il faut arrêter de faire des conneries car ça retombe ensuite sur des mères de famille comme celle-là. Je me demande ce qu’il se serait passé si personne n’avait rien fait.

“Cette jeune fille a été sauvée par un jeune qui ensuite nous a remis la petite fille”

Le témoignage d’un policier de 24 ans, venu en renfort d’une autre commune de Seine-Saint-Denis, confirme celui d’Emmanuel. “Une poubelle en feu a été projetée par des jeunes vers un véhicule gris alors qu’il y avait des gens à l’intérieur. La voiture se trouvait devant l’entrée du parking de la cité Paul-Vaillant-Couturier. Nous avons tenté de disperser la foule au même moment avec des gaz sous pression mais nous nous sommes retrouvés encerclés. C’est un jeune homme noir qui est venu en aide à une enfant qui était toujours dans la voiture alors que la poubelle brûlait à côté. Une fois les occupants évacués, la voiture a été retournée par des casseurs et a fini carbonisée par les flammes”.
Samir Elyes, l’un des deux hommes qui a recueilli Emmanuel et la jeune fille dans le parc a posté une vidéo sur Facebook. Son témoignage confirme également les propos du jeune homme. “La voiture a été prise a partie et les gens ont dû la quitter. C’est un petit jeune de 20 ans qui a sorti la fillette de la  voiture et qui ensuite nous l’a remise à moi et Thomas et c’est Thomas qui a pris en charge cette petite fille de 6 ans. Les policiers étaient en train de tirer, les CRS étaient en train de gazer, des tirs de flashball étaient tirés un peu partout. Thomas l’a gardée dans ses bras et il a mis une heure à la faire sortir du périmètre de sécurité. Cette jeune fille a été sauvée par un jeune qui ensuite nous a remis la petite fille. En aucun cas, les CRS ne l’ont sauvée. S’il n’y avait pas eu ce jeune de 20 piges, la petite fille Dieu seul sait ce qui lui serait arrivé”.

Enfin, un jeune qui se trouvait près du lieu de ces débordements tient une version qui recoupe également ces témoignages. “C’est un jeune Black qui a aidé une maman et ses enfants car une poubelle en feu était trop proche de sa voiture et elle a eu peur pour ses enfants.”

Contactée, voici les explications de la préfecture de police de Paris par le biais du service de communication : “A aucun moment, nous n’avons dit que ce sont les policiers qui avaient sauvé la fillette. La phrase a peut-être été mal tournée dans la précipitation d’un communiqué publié à 20h et censé donner le bilan de cette journée de manifestation. Nous savions dès hier qu’un manifestant avait sorti l’enfant de la voiture mais nous n’avions pas tous les détails pour pouvoir l’annoncer. Le message que nous voulions faire passer c’est qu’un drame a été évité. Nous n’avons, à aucun moment, voulu nous attribuer le sauvetage de cet enfant. Le principal, c’est qu’un drame a été évité grâce à ce jeune”.

Egger Ph.