Nicolas de Flüe
Les milieux conservateurs fêtent la figure de Nicolas de Flüe Après la cérémonie officielle du 600e anniversaire de Nicolas de Flüe en avril à Sarnen (OW), la naissance de l'ermite obwaldien a été fêtée samedi à Flüeli-Ranft (OW) par les milieux conservateurs. Christoph Blocher et Guy Parmelin étaient au rendez-vous.
Nicolas de Flüe était un homme de Dieu, humble, doté d'une grande spiritualité et proche des siens, a souligné le ministre de la défense UDC Guy Parmelin dans son allocution. D'après le Vaudois, «il doit nous servir de modèle». Et de «guide», a complété l'ancien conseiller fédéral zurichois Christoph Blocher.
C'est l'association «La Suisse avec Frère Nicolas» qui a organisé l'événement à Flüeli-Ranft, lieu de naissance de Nicolas de Flüe. D'après elle, 2500 personnes ont fait le déplacement. Les discours étaient ponctués de pièces de théâtre s'inspirant des visions du pèlerin.
Et l'ambiance était au rendez-vous: les orateurs ont été vivement applaudis par le public, certains grimpant même sur les bancs, lorsqu'ils ont pénétré dans le chapiteau. Une musique jouée par l'orchestre de l'Action pour une Suisse indépendante et neutre a marqué leur entrée.
Un visionnaire
Il était «un saint et un fidèle», a de son côté souligné l'évêque de Coire Vitus Huonder. S'il n'avait pas été là, «notre pays n'existerait guère». Grâce à lui, la Confédération du 15e siècle a pu surmonter une grave crise et s'étendre géographiquement à la Suisse occidentale.
Et de poursuivre panégyrique: cet homme de prière était un visionnaire, ascète, mystique, maître de la foi, messager de paix, contribuant à l'unité de la Confédération et de la chrétienté.
Nicolas de Flüe est né en 1417 dans une famille paysanne d'Obwald. Il a assumé d'importantes fonctions en politique et comme juge. A 50 ans, il a quitté sa famille et a vécu en ermite.
Il est reconnu pour son rôle de conseiller. En 1481, il est intervenu au cours de la Diète de Stans et a contribué à l'unification de la Suisse dans le conflit entre les cantons-villes de Zurich et Berne et les petits cantons ruraux. Il est mort en 1487.
Sa vie et son histoire
«Que le nom de Jésus soit votre salutation. Nous vous souhaitons beaucoup de bien et que le Saint-Esprit soit votre ultime récompense»
C’est en ces termes que nous salue un mystique et politique qui vécut il y a plus de cinq cent ans et qui, en Suisse, est vénéré depuis ce temps comme un artisan de paix et un saint. Nous venons de nommer Nicolas de Flüe (1417-1487). Jusqu’à l’âge de cinquante ans, il vécut comme un citoyen honorable d’Obwalden parmi les membres de la communauté de son village et prit part activement à la vie du village. Après une profonde crise intérieure, il se retira et passa les vingt dernières années de sa vie comme ermite dans la prière et le jeûne. Des compatriotes et des gens venus de l’étranger allaient lui demander conseil. Ils l’appelaient affectueusement frère Nicolas. Ainsi le mystique devenait-il de plus en plus un conseiller politique et son nom se répandit dans toute l’Europe.
Son époque
Au XVe siècle, la Suisse était arrivée dans une phase mouvementée de son développement: la guerre à l’intérieur comme à l’extérieur, la corruption et des affaires de «pots de vins» ébranlaient le pays. Même au sein de l’Eglise, il régnait une situation scandaleuse qui devait conduire, par la suite, à la Réformation. A Sachseln, dans la paroisse de Nicolas de Flüe, il n’y eut, de 1415 à 1446, ni de curé ni de messe. Il n’y avait même pas d’école dans la campagne. La formation de Nicolas de Flüe fut le fruit d’une expérience pratique. Les grandes stations de sa vie étaient jalonnées de rêves, d’images, de visions qui lui ouvraient la voie intérieure et à travers lesquelles il interprétait de façon prophétique les misères de son époque. – Dans le registre paroissial de Sachseln datant de 1488 (illustration), des amis, des voisins et des connaissances ont fait figurer au procès-verbal leurs témoignages sur la vie de Nicolas de Flüe. En outre, des centaines de témoignages datant de son époque nous ont été transmis par d’autres sources littéraires. (Ouvrage de référence: Durrer / Amschwand.)
Sa vocation
Nicolas naquit en 1417 de Heini de Flüe et de Hemma Ruobert et fut baptisé dans le village voisin de Kerns. Il racontera plus tard qu’il se souvenait de sa naissance et de son baptême. Il dit avoir vu, dans le ventre maternel, une étoile qui éclairait le monde entier et un grand rocher ainsi qu’un récipient d’huile. Cette vision nous rappelle Jérémie 1,5: «Avant même de te former au ventre maternel, je t’ai connu; avant même que tu sois sorti du sein, je t’ai consacré; comme prophète des nations, je t’ai établi». A l’âge de seize ans, Nicolas vit une grande tour à l’endroit où se situera plus tard sa cellule et sa chapelle. C’est pourquoi il a voulu depuis sa jeunesse chercher un «être uni» (Registre Paroissial, 1488). L’«être uni» constituait en même temps la devise de Nicolas de Flüe: Unir le monde et Dieu, c’est ce qu’il voulait. Et comme une tour vivante, il donnera plus tard au peuple une orientation et un soutien.
Vie de laïc
Nicolas devint paysan. Dans sa jeunesse il alla également à la guerre. Cependant, il dit avoir toujours aimé la modération, puni l’injustice et causé peu de dommage à ses ennemis pendant les guerres, il les a protégés au besoin (Registre paroissial, 1488). A l’âge de trente ans environ, il se construisit une maison et il épousa Dorothee Wyss alors âgée de seize ans. Cinq garçons et cinq filles naîtront de ce mariage. Nicolas devint membre du conseil municipal et juge. Il avait ce talent particulier d’être le médiateur entre des parties qui se disputaient. Pourtant, il ne prenait pas de faux égards. En 1457, il intenta avec les habitants de son village, un procès contre le curé du village parce que celui-ci exigeait trop de redevances. En 1462, il servit de médiateur entre le peuple de Stans et le couvent d’Engelberg et se prononça pour le droit du peuple à élire le curé. Nicolas devait faire l’expérience de ce que les juges et les conseillers municipaux sont aussi corruptibles. Il démissionna de son poste politique et sombra dans une profonde crise. Il chercha de plus en plus la solitude et pratiqua le jeûne.
Regarder la vérité en face
Nicolas savait très bien ce dont souffrait son époque. Il comprenait le cœur des hommes qui, dans la vie privée comme publique, n’avaient présent à l’esprit que leurs avantages. Il vit, une fois, le Mont Pilate s’enfoncer dans la terre: «La terre entière s’était ouverte et tous les péchés se sont révélés. Une grande foule apparut, et derrière elle, la vérité. Tous avaient les yeux détournés de la vérité et ils portaient dans leur cœur une infirmité aussi grande que deux poings. Et cette infirmité n’était que l’avantage personnel qui séduisait les gens». – Cette vision garde pour nous aujourd’hui toute son actualité. Le Mont Pilate qui s’effondrait tiendrait lieu aujourd’hui de l’environnement menacé, de l’écart sans cesse grandissant entre les pauvres et les riches, des millions d’apatrides. Sommes-nous prêts à regarder en face la vérité qui transparaît sous ces phénomènes ?
Crise et adieu
Nicolas luttait pour la voie qu’il avait choisie. D’une part, il se sentait lié à sa famille; d’autre part, le désir de renoncer à tous les biens terrestres grandissait en lui. Après deux années de doutes accablants, Dorothée lui accorda son oui libérateur pour un futur incertain. Habillé d’un vêtement de pèlerin, Nicolas quitta, le jour de l’anniversaire de saint Galles (le 16 octobre) 1467, sa maison, sa terre, et sa famille. Beaucoup de gens avaient de la peine à comprendre comment Nicolas pouvait se séparer de sa femme et de ses dix enfants. En effet, comme événement sans précédent, c’était à peine compréhensible. Plus tard Nicolas dira souvent que c’était une grâce divine inestimable «qu’il a pu obtenir l’accord de sa femme et de ses enfants pour mener sa vie d’ermite» (Registre paroissial, 1488). Malgré la séparation, Dorothée et Nicolas demeuraient liés par l’amour. La contribution de Dorothée à la vie de salut que mena son mari ne doit pas être sous-estimée. Elle mérite, non moins que Nicols, remerciements et vénération.
Le Ranft
Frère Nicolas
Vêtu d’une robe brune de pèlerin, Nicolas prit la direction de Bâle. A Liestal (avant Bâle), il a été retenu. La petite ville lui parut d’un rouge vif. Nicolas parla avec un paysan qui était sur le chemin. Celui-ci lui conseilla de ne pas partir pour l’étranger mais de rester dans le pays pour servir Dieu. Nicolas passa la nuit à la belle étoile. Et là un rayon de lumière venu du ciel le toucha et lui causa une forte douleur comme si on lui entaillait la chair à l’aide d’un couteau. Nicolas s’en retourna. Sans manger ni boire il retourna dans sa patrie où il fut découvert par des chasseurs dans les montagnes. Il continua à chercher jusqu’à ce que quatre lumières lui indiquèrent le lieu où il devait s’établir: ce sera sur sa propre terre, à quelques cent mètres de sa maison, en bas près du ruisseau, au fond d’un profond ravin. Il vécut l’hiver dans la pauvreté et le froid. L’année qui a suivi, les gens de son pays lui construisirent une petite maison et une chapelle. Le paysan Nicolas de Flüe deviendra ainsi le frère Nicolas, l’ermite.
Jeûne prophétique
Depuis la nuit de Liestal, le frère Nicolas vivait sans se nourrir. Face aux curieux qui voulaient savoir pourquoi il jeûnait, il était réservé et répondait tout simplement: «Dieu le sait.» Néanmoins il dit une fois que: «Quand il assistait à la messe et que le prêtre consommait le sacrement, il en était si fortifié qu’il pouvait vivre sans manger ni boire, sinon il ne pouvait pas le supporter» (Registre paroissial, 1488). – Par son jeûne, Nicolas contrastait fort heureusement avec le Bas Moyen Age avide de miracles et de jouissances. Jeûner n’était vraiment pour lui rien d’exceptionnel. Il l’a toujours voulu. Son fils Hans disait: «Autant qu’il s’en rappelle, son père a toujours fui le monde. De plus, il avait toujours jeûné quatre jours par semaine et pendant le carême, il n’a pas mangé plus qu’un petit bout de pain et un peu de poire séchée» (registre paroissial, 1488).
Les deux fenêtres
Même en tant qu’ermite, le frère Nicolas avait les deux pieds sur terre. L’envoyé milanais Bernardo Imperiali écrivit le 27 juin 1483 à son Duc à propos du frère Nicolas: «lo trovato informato del tutto» (je l’ai trouvé informé sur tout). L’ermite était au courant de tout. Il avait un esprit éveillé et allait au fond des choses. Dans sa cellule, une fenêtre vers l’intérieur, vers les hommes. Ce que l’on emmenait du monde au frère Nicolas, il l’offrait en prière à Dieu; ce qu’il recevait de la prière, il le redonnait aux hommes. Son conseil était d’une grande profondeur. Nous, hommes d’aujourd’hui, qui sommes submergés par des informations, nous demeurons cependant superficiels et consommons constamment du nouveau. Le frère Nicolas n’a pas consommé. Au contraire, il a jeûné. C’est bien là où les hommes sont capables de profondeur que poindra, dans le monde, une nouvelle vie.
Vivre à partir du centre
«Le frère Nicolas était un pur profane qui ne savait ni lire ni écrire» (Heinrich Wölflin, 1501). Cependant l’ermite parlait de son «livre». C’était un dessin représentant une roue. Le mouvement partait du centre et revenait au centre. L’image de la roue a été publiée en 1487 par un pèlerin inconnu avec une déclaration du frère Nicolas: «C’est mon livre; c’est en lui que j’apprends et cherche l’art de cet enseignement». Il appela la roue l’image à travers laquelle il contemplait l’être de Dieu. «Au centre, il y a la divinité non divisée dans laquelle tous les saints se réjouissent. Comme les trois rayons, les trois personnes de la divinité sortent et embrassent le ciel et le monde entier.» Il existait déjà une version illustrée de cette image de la roue du vivant de l’ermite (voir au verso de cette brochure). Les deux images témoignent de la profonde sagesse et de l’intelligence de ce «simple profane».
L’homme de paix
Beaucoup de gens qui cherchaient conseil venaient consulter le frère Nicolas: femmes et hommes, jeunes et personnes âgées, pauvres et riches. Les duchés d’Autriche, de Milan et de Venise ainsi que les cantons fédérés étaient en contact avec lui. Dans une époque pleine d’intrigues, le frère Nicolas était au-dessus de toutes les parties. Sa vie d’homme de conviction lui accordait une haute autorité morale. Lorsqu’après la victoire sur la Bourgogne, les Confédérés furent au bord de la guerre civile à cause du riche butin et des rivalités politiques, le frère Nicolas a su contribuer à la paix d’une manière décisive. (Le traité de Stans, 1481.) Depuis ce moment, il faisait figure d’homme de paix dont on réclamait la médiation dans les conflits politiques et ecclésiastique; par exemple, lors de la querelle de la réformation concernant la rénovation du couvent de Klingental à Bâle (1482) ou lors du conflit entre la Ville de Constance et les Confédérés (1482).
Paix et justice
Grâce au frère Nicolas, les Confédérés alors en conflit ont pu signer un contrat fédéral durable en 1481. Dans une lettre au Conseil municipal de la ville de Berne (1482), l’ermite nous fit savoir de quoi la paix dépendait: «…l’obéissance est le plus grand honneur au ciel et sur la terre; c’est pourquoi vous devez aspirer à l’obéissance les uns aux autres. …en tout cas, la paix se trouve en Dieu parce que Dieu est la paix.» On ne peut commander la paix. C’est un don. Des conflits ne peuvent être résolus de manière fructueuse que dans le respect mutuel et entier (obéir les uns aux autres). Il n’y a pas de paix sans justice. C’est pourquoi celle-ci s’adresse à ce qui est plus profond dans l’homme et nous demande le plus grand effort. La paix se fonde en dernier lieu sur «l’être uni», sur l’union avec Dieu.
Mon Seigneur et mon Dieu
Le 21 mars 1487, le frère Nicolas mourut à l’âge de soixante-dix ans. Toute sa vie fut dominée par une prière composée par lui-même :
Mon Seigneur et mon Dieu,
éloigne de moi tout ce qui
m’éloigne de toi.
Mon Seigneur et mon Dieu,
donne-moi tout ce qui
me rapproche de toi.
Mon Seigneur et mon Dieu,
détache-moi de moi-même
pour me donner tout à toi.
Un Saint œcuménique
Le frère Nicolas vécut avant la Réformation. Cependant quelques-uns de ses biographes étaient déjà des réformés. L’ermite avertissait nos Eglises de ne pas, en premier lieu, veiller sur les frontières mais de nous noyer dans le centre. Au centre, en Dieu-Trinité, se trouve l’«être uni». L’important était que nous vivions véritablement aussi du centre de la foi. Le réformateur zurichois Huldrych Zwingli s’était référé plusieurs fois au frère Nicolas. Surtout dans la lutte contre le système des mercenaires, les réformateurs trouvaient en Nicolas de Flüe un allié. Le frère Nicolas était au-dessus des parties: «il rassemblait les différentes confessions et cultures: il représente le meilleur moi de la Suisse» (comme le disait le théologien réformiste Georges Méautis, 1940). Et Karl Barth de dire lors de la canonisation (1947): «Malgré la canonisation que nous rejetons par principe, le frère Nicolas demeure également notre saint».
Le frère Nicolas appartient au monde entier
Les contemporains de l’ermite appelait celui-ci déjà de son vivant le «saint vivant». Sa réputation se répandit dans toute l’Europe. Le rapport le plus impressionnant d’un voyage chez le frère Nicolas vient de Hans Waldheim, de Halle à Sachsen. Le 25 mai 1474, il rencontra l’ermite avec sa femme Dorothée et leur plus jeune garçon. En 1487 parut un livre illustré sur l’image de la roue du frère Nicolas à Nuremberg. Parmi les premiers pèlerins qui, après la mort de l’ermite, ont visité la tombe, il y eut un pêcheur danois et un orfèvre d’Erfurt. Tous deux venaient de Saint-Jacques de Compostelle à Sachseln et se trouvèrent guéris de leur maladie. Le poète suisse Heinrich Federer écrivit en 1921: «Le frère Nicolas était trop grand pour être simplement un Suisse. Il appartient au monde entier». Il y a de nos jours sur quatre continents des centaines d’églises, de chapelles et d’écoles qui sont consacrées au saint de la paix: Nicolas de Flüe.
Egger Ph.