S'excuser de nos traditions ?
Une crèche de Noël (illustration)
Le 6 octobre, le tribunal administratif de Nantes a annulé le jugement rendu le 14 novembre 2014 qui, «au nom du principe de la laïcité», avait interdit au conseil départemental de Vendée d'installer une crèche dans ses locaux. Cette année, la crèche pourra donc y reprendre place.
La cour de Nantes avait déjà annulé une première fois ce jugement, le 13 octobre 2015, et autorisé cette crèche de la Nativité, mais l'affaire avait été portée devant le Conseil d'Etat, qui lui avait demandé en novembre 2016 de revoir sa copie.
Selon la jurisprudence de la plus haute autorité administrative, une crèche de Noël ne peut être installée de manière temporaire dans l'enceinte d'un bâtiment public qu'à la condition de présenter «un caractère culturel, artistique ou festif» et de répondre à un «usage local».
Appliquant les critères du Conseil d'Etat, les juges nantais ont estimé que l'installation temporaire d'une crèche de Noël dans l'hôtel du département de la Vendée, compte tenu des caractéristiques de la crèche et de ses conditions d'utilisation, résultait effectivement d'un «usage culturel local et d'une tradition festive de plus de 20 ans constituant des circonstances particulières».
Sur son compte Twitter, le sénateur (Les Républicains) de Vendée Bruno Retailleau s'est dit satisfait de cette décision de justice : «Je me réjouis de cette décision de bon sens qui permet de ne pas faire du principe de laïcité un principe d’absurdité, en distinguant ce qui relève du domaine cultuel et ce qui appartient désormais au domaine culturel, ce qui est le cas de la crèche de Noël.»
«Depuis décembre 1990, [la crèche est] installée chaque année, durant la période de Noël, dans le hall de l'hôtel du département de la Vendée, soit depuis plus de 20 ans à la date de la décision contestée», soulignent notamment les juges dans l'arrêt rendu le 6 octobre.
«[La] crèche de trois mètres sur deux [est par ailleurs] située dans un hall d'une superficie de 1 000 mètres carrés ouvert à tous les publics et accueillant, notamment, les manifestations et célébrations laïques liées à la fête de Noël, en particulier l'Arbre de Noël des enfants des personnels départementaux et celui des enfants de la DDASS», est-il également justifié.
La cour de Nantes a donc débouté la Fédération de la Libre pensée de Vendée, qui avait saisi la justice administrative en 2012, après la constatation par son président la présence d'une crèche en décembre 2010, lors d'une visite au service des archives du département.
Le débat sur les crèches de Noël va-t-il reprendre cette année ?
Ce n'est pas la première fois que la question de l'installation d'une crèche de Noël dans les locaux d'un bâtiment public ou administratif fait débat. Lors des fêtes de fin d'année en 2016, de nombreux jugements et recours avaient été recensés, suscitant une vive polémique.
Le 9 novembre 2016, le Conseil d’Etat avait estimé dans une décision prudente que des crèches de Noël pouvaient être installées dans les mairies, mais avait assorti cette autorisation d'une série de conditions strictes, pour écarter tout prosélytisme religieux.
«Au nom de quoi va-t-on s'excuser de nos traditions ?», avait tempêté quelques semaines plus tard le président du Conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez en défendant fermement sa crèche géante de 14 mètres carrés, installée dans l'entrée du Conseil régional. Laurent Wauquiez assurait que la crèche de Noël respectait les limites fixées par le Conseil d'Etat.
En décembre 2016, le tribunal administratif de Nîmes avait rejeté la demande de la Ligue des droits de l'homme et du citoyen (LDH), de suspendre l’installation d’une crèche de Noël à l’hôtel de ville de Beaucaire. L’association avait par ailleurs été condamnée à verser 1 200 euros à la municipalité pour les dépenses. Le maire Front national de la ville, Julien Sanchez, s’était réjoui de la décision.
A la même période, Marion Maréchal-Le Pen, à l'époque conseillère régionale la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur (PACA), avait regretté que le président de la région Christian Estrosi n'ait pas «jugé bon» de dresser une crèche dans les locaux du Conseil régional. Elle avait déposé une motion pour en installer une et avait appelé Les Républicains à soutenir son initiative.
Quelques jours plus tôt, la ville d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), dirigée par le Front national, avait été condamnée par le tribunal administratif de Lille pour l'installation d'une crèche de Noël en décembre 2015 dans le hall de la mairie. Selon la décision du juge lillois, à Hénin-Beaumont, l'installation de la crèche avait «méconnu le principe de neutralité des personnes publiques».
La guerre des crèches en dit long sur la perte de nos repères
Les crèches relèvent autant de la tradition que de la croyance, du culturel que du cultuel, estime le directeur de la publication Valeurs Actuelles Yves de Kerdrel.
Tout est parti d’un mémorandum rédigé par l'Association des maires de France (AMF), que préside l’ancien Ministre François Baroin, sénateur-maire de Troyes et publié cinq jours après les attentats du 13 novembre. Ce texte destiné à tous les maires de France explique que «la présence de crèches de Noël dans l'enceinte des mairies n'est pas compatible avec la laïcité». Ce n’est pas par hasard si cette association a pris une telle initiative. Mais tout simplement parce que depuis quelques années, et notamment l’an passé, de nombreuses mairies ont installé des crèches dans leur hall d’entrée ainsi que des sapins de Noël. Ce qui a conduit à des contestations en justices par des associations laïcardes.
Comme l’aurait dit Montesquieu il y a la loi et l’esprit de la loi. La loi en France sur ce sujet remonte à 1905 et fait de notre pays un état laïc avec une séparation complète de l’église et de l’Etat. Mais laïcité ne veut pas dire négation ou interdiction. La laïcité c’est d’abord et avant tout le respect de chaque croyance et la cohabitation intelligente des différentes religions. C’est ce fragile équilibre qui existe donc en France depuis un peu plus d’un siècle. Et depuis 1905 il y a toujours eu des crèches dans les lieux publics, d’abord parce qu’elles n’offensent en aucune manière ceux qui ne croient pas à la nativité. Ensuite et surtout parce que les crèches relèvent autant de la tradition que de la croyance, du culturel que du cultuel. Comme la splendeur d’une Cathédrale, la majesté d’un Versailles ou la simplicité d’une abbaye cistercienne, elles sont un morceau de notre civilisation judéo-chrétienne. Et vouloir les ranger au magasin des accessoires par «peur» de provoquer une population musulmane est un acte de soumission idiot.
Voilà pourquoi en dépit de la circulaire de l’Association des Maires de France, il n’y a jamais eu autant de crèches, cette année, exposées dans des lieux publics. Et c’est une bonne chose qu’une majorité de Français tiennent à ces traditions millénaires qui valent mieux que le Père Noël où l’obsession consumériste des fêtes. Le plus absurde dans cette bataille entre tenants d’une laïcité intelligente et laïcards furieux qui attaquent en justice la moindre crèche, est le sort réservé aux sapins de Noël. Cette tradition est présente partout y compris dans la cour de l’Elysée, les ministères, le Parlement voire les tribunaux. Ce qui est parfait. Et personne ne s’en étonne. Pourtant il n’y a pas plus religieux que le sapin de Noël qui nous vient des écritures saintes et symbolise «l’arbre de vie» qui demeure toujours vert quand tous les autres arbres ont perdu leurs feuilles. C’est dire si cette bataille sur les crèches est une absurdité typiquement française organisée par des citoyens qui ignorent tout de leur histoire, de leurs traditions et de leur culture, mais ne voient aucun inconvénient à ce que les musulmans imposent les leurs par la force.