Les données de l’Office fédéral de la statistique montrent que la part des filles obtenant leur maturité est plus élevée que celle des garçons, un écart qui se creuse au fil des ans. Le «Tages-Anzeiger» se penche sur cet étrange phénomène.
Les chiffres sont frappants. Selon les données de l’Office fédéral de la statistique publiées par le chercheur Fabrizio Gilardi (ci-dessous) et celles obtenues par le Tages-Anzeiger sur la période 2000-2016, un large écart en matière de niveau scolaire est en train de se creuser entre filles et garçons à l’école. L’année dernière, en Suisse, 43,6% des jeunes filles ont obtenu une maturité (soit gymnasiale, soit professionnelle) contre seulement 33,1% des garçons.
Le quotidien alémanique a étudié à la loupe les données de l’OFS sur les seize dernières années: la tendance se retrouve dans tous les cantons, même si les écarts peuvent être plus ou moins marqués. Dans le canton de Schwyz par exemple, une femme sur cinq obtient sa maturité, alors que c’est le cas de moins d’un homme sur dix. On notera que dans les cantons romands, la proportion de filles obtenant leur maturité gymnasiale est particulièrement élevée par rapport à la moyenne nationale: 36,1% des filles obtiennent celle-ci dans le canton de Genève, alors que ce taux n’est que de 24,2% sur le territoire national. Dans le canton d’Obwald, il est de seulement 12,4%.
Comment expliquer cet écart ?
La tendance est récente. Jusque dans les années 1990, la part des écoliers allant jusqu’à la maturité était largement masculine. Mais la société et les mœurs évoluant, «il est soudain apparu souhaitable que les femmes bénéficient également d’un enseignement supérieur», explique Stefan Wolter, directeur du Centre suisse de coordination pour la recherche en éducation au quotidien alémanique.
Comment justifier que les filles, en deux décennies, aient à ce point renversé la vapeur? Peu de données scientifiques existent sur le sujet. Tout porte à croire qu’à l’adolescence, une majorité de filles préfèrent le cursus scolaire traditionnel à l’apprentissage, et montrent des qualités de concentration supérieures aux garçons du même âge. «Globalement, les filles sont mieux adaptées à notre système scolaire à ce moment précis de leur vie», explique Gisela Meyer Stüssi, vice-présidente de l'association suisse des professeurs au gymnase au Tages-Anzeiger.
A en croire l’experte en pédagogie Margrit Stamm, les nouvelles méthodes d’enseignement, qui font la part belle aux travaux de groupe et aux compétences sociales, favorisent les filles. Aujourd’hui, «les garçons sont plutôt confrontés aux cours magistraux, alors qu’ils aiment se mesurer les uns aux autres». La compétition les stimule.
Si elle est notable à l’adolescence, l’avance des filles en matière de résultats scolaires semble avoir disparu dans le milieu professionnel quelques années plus tard. Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte: les garçons qui s’orientent vers des études supérieures les terminent en général plus tard, entre 25 et 30 ans. Leur choix d’études conditionne les postes et les responsabilités qu’ils obtiennent. Enfin, les politiques publiques liées aux naissances et l’absence de congé paternité favorisent globalement les hommes dans leur milieu professionnel.
Célia Héron