Premier étranger à avoir obtenu un telle distinction au Japon, Kurusan Yasuke, alias le samouraï noir, a marqué à jamais l’histoire du pays. Selon la légende, ce guerrier redoutable dépassait ses pairs de plus d’une tête et possédait la force de dix hommes
Au XVIe siècle, le Japon est une nation divisée et isolée du monde extérieur. Ses différentes provinces sont administrées par divers seigneurs féodaux connus sous le nom de daimyōs, et sous leur domination, la nation insulaire est peu encline à commercer avec les pays alentours.
Les choses vont cependant évoluer sous l’impulsion des nombreux explorateurs européens qui vont sillonner les mers et établir des contacts directs avec les territoires figurant alors parmi les plus isolés du globe.
L’arrivée des Portugais et de Yasuke au Japon ne passe pas inaperçue
Les Portugais sont les premiers Européens à poser le pied au Japon, et apportent avec eux leur langue, leurs croyances et leur tradition esclavagiste. Arrachés à leur terres natales et condamnés à une vie de servitude, les esclaves africains accompagnent leurs maîtres dans leurs longs voyages.
L’un d’entre eux va cependant réussir à échapper à sa triste condition et gravir les échelons de la société féodale japonaise. Plus connu sous le nom de Yasuke, il deviendra le premier samouraï noir de l’histoire.
Comme c’est souvent le cas pour les esclaves, on sait assez peu de choses sur les origines de Yasuke. Selon l’hypothèse la plus probable, il serait originaire du Mozambique et aurait accompagné un missionnaire jésuite nommé Alessandro Valignano au Japon à la fin du XVIe siècle.
Valignano est l’un des premiers européens à apporter le christianisme en Extrême-Orient et les lettres rédigées par son compagnon Luis Frois constituent les principaux témoignages historiques au sujet de la vie du samouraï noir.
Yasuke est l’un des premiers africains à poser le pied au Japon. Son apparence fascine tant les Japonais que certains d’entre eux se pressent pour l’apercevoir, ce qui donne parfois lieu à des bousculades meurtrières.
Les nombreuses rumeurs circulant au sujet de « l’homme à la peau sombre » finissent par arriver aux oreilles de l’un des daimyōs les plus influents du Japon, qui va changer à jamais le cours de la vie de Yasuke.
Oda Nobunaga était un figurique historique importante qui a ouvert la voie à l’unification totale du Japon
Oda Nobunaga s’intéresse énormément à la culture européenne. Il a étendu sa protection aux Jésuites, les a aidés à bâtir une église sur les hauteurs de Kyoto, et a joué un rôle majeur en ouvrant la voie à l’unification totale du pays. Au moment de sa mort, près de la moitié des provinces du Japon sont sous son contrôle.
Yasuke est décrit à Nobunaga comme un jeune homme immense dont la force « dépasse celle de dix hommes ». Fasciné, le daimyō demande expressément à le rencontrer et va même jusqu’à exiger que l’esclave à la peau sombre se déshabille jusqu’à la taille et se frotte soigneusement le corps afin de vérifier qu’il ne s’agit pas d’un tatouage.
Sidéré par son intelligence, ses facilités pour les langues et ses capacités physiques hors du commun, le daimyō se prend rapidement d’affection pour cet homme à l’apparence exotique.
Nobunaga libère l’ancien esclave et le prend sous son aile, en lui accordant une somme d’argent, une demeure et un katana. Yasuke fait désormais partie de la garde rapprochée du daimyō et le sert loyalement en sa qualité de samouraï.
L’histoire de Nobunaga se termine brutalement en 1582 lorsque ce dernier est trahi par Akechi Mitsuhide, l’un de ses généraux. Selon la légende, Yasuke aurait combattu courageusement lors de l’assaut final, en aidant à défendre le fief de son maître contre les forces de Mitsuhide.
Blessé durant la bataille, Nobunaga comprend rapidement qu’il n’y a pas d’échappatoire et décide de commettre le seppuku plutôt que de devoir faire face à la reddition et au déshonneur. Yasuke est fait prisonnier par l’ennemi mais est épargné par Akechi Mitsuhide, qui considère qu’il n’appartient pas au peuple japonais. Le samouraï noir est finalement remis aux Jésuites, aux côtés desquels il passera le reste de ses jours.
Yann Contegat