Dans la plupart des cantons, les électeurs ont la possibilité de tracer les candidats qui ne leurs conviennent pas sur les listes fournies par les partis. Selon une étude publiée récemment, les noms de consonance étrangère sont davantage éliminés que ceux typiquement suisses.
Les personnes d’origine étrangère représentent environ un huitième du corps électoral suisse mais ils sont sous-représentés dans les différents organes législatifs et exécutifs du pays. Parmi les raisons susceptibles d’expliquer cette situation: le système électoral le plus répandu à l’échelon communal, cantonal et fédéral, qui s’avère être source de discriminations.
Celui-ci permet en effet aux électeurs d’exprimer non seulement des préférences positives, soit de voter pour des candidats, mais également des préférences négatives, c’est-à-dire de supprimer certaines personnes figurant sur la liste du parti choisi.
L’analyse des bulletins de vote pour les élections communales de 2014 dans six communes du canton de Zurich témoigne de l’existence d’une discrimination. «En tenant compte de tous les autres paramètres possibles», il est apparu qu’en raison des biffages, les candidats d’origine étrangère ont «en moyenne, perdu 1,4 place sur les listes par rapport aux candidats portant des noms de famille suisses», explique Nenad Stojanovic, professeur en sciences politiques à l’Université de Lucerne et co-auteur de l’étude avec son assistante Lea Portmann.
Le déclassement n’est certes pas énorme, mais «il est parfois suffisant pour faire manquer l’élection à un candidat ou une candidate», souligne le politologue. Cette étude fera certainement parler d’elle dans le cadre de la pétition lancée par le mouvement «Voix des migrant(e)s élu(e)s pour toutes et tous». Celle-ci exhorte les partis politiques et les électeurs à prendre des mesures pour promouvoir «la participation et l’intégration de politiciens avec un background non suisse».
Nouvelles études
Entre-temps, Nenad Stojanovic et Lea Portmann ont prolongé leur analyse. Ils mènent actuellement une étude similaire sur les élections fédérales de 2015. «Nous aimerions savoir, par exemple, s’il existe des différences entre ville et campagne ou entre les régions linguistiques», indique le professeur de l’Université de Lucerne. «Nous sommes déjà sur la bonne voie», affirme Nenad Stojanovic. Les résultats devraient être disponibles pour les élections fédérales d’octobre 2019.
Dans le cas des élections municipales de 2014 dans le canton de Zurich, il n’y a pas eu de discrimination fondée sur le sexe dans la révocation des candidats. Cela pourrait toutefois être le cas dans d’autres cantons. D’autres recherches seront nécessaires pour vérifier d’éventuelles pénalisations en matière de genre.
Cependant, une chose est déjà certaine: le système électoral qui permet de biffer des candidats favorise les comportements discriminatoires à l’égard de différents groupes de population. L’étude zurichoise a par exemple révélé que les candidats exerçant une profession non qualifiée étaient plus souvent écartés que ceux occupant des professions plus prestigieuses.
Sous-représentation fédérale
Les recherches de Nenad Stojanovic et Lea Portmann ont mis en évidence qu’aux Chambres fédérales, entre 1940 et 2015, la proportion de membres dont les noms de famille n’étaient pas suisses s’élevait à 5,5% au Conseil national (Chambre basse) et à 6,5% au Conseil des Etats. Le fait que le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis, en fonction depuis novembre dernier, soit le premier membre du gouvernement fédéral naturalisé est particulièrement révélateur de ce contexte.
Sonia Fenazzi